Ce qu'il y a de plus singulier dans la vie de l'homme, ce n'est pas sa soumission mais son opposition aux instincts. Il aspire à une vie surnaturelle.
— Henry David Thoreau
Acheter Poch et dons de poch   Suivre les poch sur Facebook Suivre les poch sur Twitter Regarder les films de poch    Popup pour Ecouter la radio des poch

De la logique binaire à la logique floue… réhabilitation du Doute

Portrait de fabou

« Nous voici parvenus à l’une des bornes du désert. Au delà, les sables vierges, les immensités sans eau, la mort. Tout de suite nous sommes jetés dans cette implacable solitude, plus imprenable assurément que les forteresses les mieux assises ». Ernest Psichari « Le Voyage du Centurion », Chapitre VI : « Ouadan ». 

Il est rassurant de pouvoir émettre un jugement catégorique, définitif, qui ne soit pas entaché d’incertitudes. On s’accroche aux idées bien encrées à tel point qu’il n’est plus nécessaire de les passer au crible de la critique. On ressent le confort moral dans les certitudes, les convictions, les croyances. La illah il Allah…Le doute est à proscrire, le doute est impie. Incertitude, Indécision sont des freins à l’action. Le doute doit s’effacer pour laisser place à la certitude lumineuse. Oui, mais…  

Ainsi, si je juge Ernest Psichari ( 1883-1914 ) d’après les 2 romans que j’ai lu de lui, il m’est difficile de ne pas estimer qu’il a été un farouche belliciste plein de ferveur pour l’ordre, l’armée, la nation et Jésus Christ ( « appel du désert » ). Ma sensibilité politique me le fais dans un premier temps mal considéré.Pourtant, le doute surgit : il est le petit fils d’Ernest Renan ( 1823-1892 ), il a été dreyfusard dans sa jeunesse, une crise existentielle l’a fait se vautrer dans le vice homosexuel, Théodore Monod ( 1902-2000 ) s’en inspire ( « Maxence au désert » ) . Son engagement dans l’armée et la mystique guerrière qui en est résultée n’ont-ils pas été sa rédemption ?Ses livres sont beaux ( jugement d’instinct ) par delà leur contenu. La forme submerge le fond, qui, renouvelé submerge la forme et ainsi de suite. Lorsque j’écris que ces 2 livres sont beaux j’entends « beau » comme l’ouverture de l’acte I du « Tannhäuser » de Wagner. Une beauté émouvante…Du rejet, je suis passé à l’acceptation. Fort de ce constat, le jugement que j’émet sur Ernest Psichari n’est plus tranché mais trouble, flou. Il n’y a plus aucune certitude et cohabitent répulsion et attirance ( fascination du mal ? ). 

Autre cas, celui de Gabriele D’Annunzio ( 1863-1938 ) qui, à la tête d’un petit groupe d’anciens combattants ( les arditi ) s’empare en 1919 de Fiume, petite ville sur la côte Adriatique, afin de la rattacher à l’Italie. L’Italie pour des raisons de politique extérieure refusera l’annexion forcée. Pendant plus d’un an, Fiume va devenir une contre-société expérimentale en rupture culturelle ( Dada, les futuristes ), de mœurs ( divorce autorisé, homosexualité tolérée, nudisme, usage de stupéfiants ), économique ( « primauté du don comme valeur fondamental du lien social » ). Mais Fiume verra naître les formes d’expression du fascisme émergeant ( chemise noire, poignard au côté, dialogue direct entre le tribun et la foule, liturgie de masse ). « Ordre lyrique des artistes au pouvoir » et proto-fascisme cohabitent et troublent mon jugement. Il ne m’est plus possible d’être aussi catégorique puisque je ne peux dissocier le bon grain de l’ivrée. D’annunzio est à considérer dans son ensemble avec ses qualités ( à mon sens ) et ses tares ( toujours à mon sens ). Il n’est ni bon ni mauvais car il est les deux à la fois possédant deux caractéristiques qui s'opposent. Aucun de ces termes ne peut lui être appliqué intégralement ou alors avec partialité. 

Celui qui est pétri de certitudes évolue dans un paysage pastoral statique propre à la méditation. Quel bonheur, quelle sérénité ! Pour peu qu’il soit vaniteux il pourra se faire donneur de leçons. Celui qu’accompagne le Doute, chemine hors des sentiers à travers des contrées tourmentées. Il ne sait pas où il va mais peu lui importe...

De naissance, je suis adepte de la logique binaire ( rien de péjoratif dans le terme ). C’est le mode de jugement traditionnel, celui par défaut. Dorénavant, contre ce principe de jugement, j’adopte une logique floue, qui nimbe le jugement dans les brumes du Doute. Est-il licite de rechercher par-delà les apparences, la pureté, l’absolu ? A cette vaine recherche, je préfère observer l’impureté, la contradiction, l’incertitude. L’approximation reconnue du jugement rend plus humble et moi dogmatique. Penser de la sorte rend les choses moins nettes, moins saisissantes. N’importe quelle pensée est empreinte d’un relativisme coupable. Pourquoi cette remise en question permanente suscitée par le Doute ? La réponse serait elle aussi marquée par le même sceau d’incertitude que la question qui l’a suscitée. Donc inutile de trop chercher sous peine de tourment. On frôle la récursivité sans fin : le Doute quand on l’accepte en l’intégrant dans son mode de jugement recouvre tout y compris lui-même.  La certitude n’est qu’omission du doute. Est-ce certain ?

Avis de poch
(2 votes)

Login or register to tag items

Commentaires

Portrait de edhel

Eloge du doute

tu as sans doute raison ;o) 

un petit condensé de citations sur le doute:

Doutez de tout et surtout de ce que je vais vous dire.[Bouddha]

  • Que la paresse soit un des péchés capitaux nous fait douter des six autres.[Robert Sabatier]
  • Ce n'est pas le doute, c'est la certitude qui rend fou. [Friedrich Nietzsche]
sur la connaissance:
  • Autant que savoir, douter me plaît.[Dante]
  • Le beaucoup savoir apporte l'occasion de plus douter.[Montaigne]
  • Le doute amène l'examen et l'examen la vérité.[Pierre Abélard]
  • Croyez ceux qui cherchent la vérité, doutez de ceux qui la trouvent.[André Gide]
  • La pensée ne commence qu'avec le doute.[Roger Martin du Gard]
  • Le doute est un hommage que l'on rend à la vérité. [Ernest Renan]
  • La tolérance est la fille du doute.[Erich Maria Remarque]
  • Le doute est le commencement de la sagesse. [Aristote]
  • L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit.[Aristote]
  • Le doute est père de la création. [Galilée]
  • Qui ne doute pas acquiert peu. [Léonard de Vinci]
sur l'amour
  • Aimer sans doute est le possible le plus lointain. [Georges Bataille]
  • L'amour craint le doute, cependant il grandit par le doute et périt souvent de la certitude.[Gustave Le Bon]
  • Quand on est aimé, on ne doute de rien. Quand on aime, on doute de tout. [Colette]

  • Je ne suis meme pas sûr d'être mortel [edhel]

 

 

et ouais.

Portrait de fabou

une citation sur le doute

Un doute ?! ... Ma bite !!

Merci de relever le débat par des propos dignes d'appraître sur le blog d'edhel.

Portrait de borniol

Sans aucun doute

La réflexion philosophique se reconnaît dans l’exercice systématique du doute ou de l’étonnement ; Qu’est-ce à dire ?
Le doute peut être subi ou volontaire ; il est subi lorsque il est le résultat d’une situation de crise intérieure induite par une situation extérieure paradoxale: conflits des influences, contradictions entre les autorités ou les conventions, crise des valeurs (guerre des dieux),etc.. ce doute est angoissant, voire paralysant ; le sujet non seulement ne sait plus que penser ou croire mais il est menacé dans son désir d’être car ce doute subi compromet en lui la possibilité de (se) construire un projet existentiel (qui engage le sens de la vie) valorisé et valorisant. 4 attitudes sont alors possibles :
· Celle de l’autruche qui se met la tête dans le sable et tente de ne pas voir les contradictions de la (sa) vie (tout baigne ; il n’y a pas de problème !) Le divertissement dans la fuite vers les plaisirs immédiats et éphémères est privilégié ; la drogue, légale ou illégale, chimique ou autre, est appelée en renfort.
· Celle par laquelle le sujet refuse le doute en s’enfermant dans une secte religieuse ou politique ou dans une structure organisationnelle forte sous l’autorité indiscutable de dirigeants ou de maître à penser auxquels il s’identifie aveuglément afin de se protéger contre les autres et le monde extérieur en crise qui l’angoisse.
· Celle par laquelle le sujet cherche à s’arracher aux déceptions de la vie présente pour accéder à une vie réconciliée ici-bas ou après la mort; c’est la tentation de la fusion mystique avec l’Etre absolu divin (la foi).
· Celle par laquelle le sujet tente de prendre conscience, d’une manière distancée par la production et la mise en œuvre de concepts rationalisés (anthropologie) ou d’une manière participative par le jeu des symboles et des métaphores de l’imagination sensible (l’art), des contradictions de la (sa) vie pour les comprendre afin d’en faire un usage créateur en se construisant un projet de vie autonome et lucide. C’est le désir de se connaître rationnellement en tant qu’individu particulier (la psychologie) vivant en société à un moment donné (la sociologie et l’histoire) en tant qu’homme participant à l’universel humain (la philosophie). Cette attitude convertit le doute passif en doute actif afin de permettre au sujet de choisir en connaissance de cause, entre les différentes options de vie possibles, celle qui lui paraît raisonnablement la plus avantageuse, c’est à dire la plus personnellement valorisante et la plus universellement sensée.
 
L’attitude philosophique de mise en doute des idées toutes faites et de remise en question de soi exige que l’on explicite les paradoxes apparents de la vie et de la pensée pour ensuite tenter de définir et d’expérimenter, sinon des solutions susceptibles de résoudre ces contradictions, au moins des projets de vie et de pensée moins illusoires car moins incohérents. Problématiser c’est donc conceptualiser les contradictions de la vie qui et que mettent en jeu les différentes conceptions de la pensée de l’existence humaine et poser les questions pertinentes qui nous permettrons de régler d’une manière plus cohérente et sensée ces contradictions. Philosopher c’est vivre avec la crise des valeurs et des références idéologiques en l’approfondissant pour en faire un usage libérateur.

Source :  http://sylvainreboul.free.fr/phi.htm

Doute et scepticisme

On peut dire qu'en un sens la philosophie est le contraire de la religion: ayant rompu avec le mythe à sa naissance même, elle s'en méfie toujours. Son arme suprême est le doute. Devant la diversité des idéologies religieuses et politiques, devant sa propre diversité, la philosophie semble souvent aboutir au scepticisme. Mais elle ne peut jamais s'y résigner, car un scepticisme radical confinerait à l'absurdité. C'est pourquoi la philosophie cherche toujours à combattre le doute qu'elle fait pourtant naître. Il faut aussi douter du doute, pour en tracer les limites. Pour assumer la condition humaine, il faut un jour choisir des valeurs, même si nous savons qu'elles seront indéfiniment incertaines et fragiles. Il faut aussi agir et faire preuve de volonté, plutôt que de se complaire dans le doute. Aussi le philosophe finit-il toujours par proposer une certaine réponse.

Source :  L'utilité de la philosophie http://www.cvm.qc.ca/encephi/CONTENU/ARTICLES/util.htm

-- borniol

http://pochpower.org : Site internet à caractère informatif

Portrait de borniol

A paraitre...

J'espère que ça apparaîtra dans son prochain livre ou essai de poch' :)

Les gens sont si certains d'eux pour ne pas réagir ?

-- borniol

http://pochpower.org : Site internet à caractère informatif

Portrait de fabou

Il l'a écrit...

"La nouveauté de notre position philosophique est une conviction inconnue de tous les siècles antérieurs: celle de ne pas posséder la vérité." Nietzsche

Poster un nouveau commentaire