Le jeux de Go, un point de détail :
niken, c'est une extension de 2 intersections entre 2 pierres amies. "ni" c'est 2, san c'est 3...
Ce billet pour montrer que 2 telles pierres sur la 3ème ligne sont connectées. C'est important au Go de juger de l'intensité des liens entre chaînes de pierres ( 1 pierre étant une chaîne particulière ). Inutile de lier des chaînes entre elles qui le sont déjà. Également, il peut y avoir nécessité à renforcer le lien entre chaînes.
Quand je dis qu'elles sont connectés, ce n'est pas bien sûr une règle absolue, sinon le Go serait bien fade. Disons que c'est une affirmation qui se vérifie en général.
Vous noterez que j'ai opté pour des photos de diagrammes et non pas pour le diagramme interactif. A cela une bonne raison : je voudrais inciter le lecteur à sortir son Goban et à jouer la séquence. Bon courage.
ps : vérifier par soir-même que N3 ( pierre noire numérotée 3 ) ne peut rien faire en l'état.
Commentaires
sanken
Après niken, on peut voir sanken. Les pierres sont connectées également , mais il faut lâcher du leste (N2, quoique...). Vous noterez qu'il faut se connecter par le dessus et non le dessous comme pour niken.
connexion à travers libertés
Les pierres, les chaînes de pierres, les groupes de pierres...
Posez une pierre sur le Goban. Au milieu, elle a 4 libertés (les intersections horizontales et verticales autour), sur le bord, 3 et dans le coin 2.
Posez une pierre de même couleur sur une des libertés de la pierre posée initialement : les pierres sont connectés, elles forment une chaîne de 2 pierres. Au centre du Goban, cette chaîne de pierre a 6 libertés.
Maintenant parlons d'un groupe de pierres. Il s'agit d'un regroupement logique de pierres, pas nécessairement physique. : certaines des pierres du groupe peuvent être connectées entre-elles, d'autres à proximité mais virtuellement connectées, d'autres enfin peuvent être par la volonté de l'adversaire séparée du groupe auquel on estime qu'elles appartiennent (pas de connexion virtuelle pour ces pierres).
Ces billets sur le Go partent dans tous les sens. Il n'y a aucune gradation entre-eux. Celui-ci explique une petite portion des règles : les pierres, leurs libertés, la connexion entre pierres. Peu importe l'ordre, l'objectif est plus de porter à la conscience du lecteur des facettes de ce jeux. Il est vrai qu'avant de comprendre ce qu'est un Tesuji, il vaut mieux savoir qu'une pierre se pose à l'intersection d'une ligne verticale et horizontale sur le Goban. Tout ceci est bien décousu et je m'en excuse. Que ceux qui pourraient être potentiellement intéressés s'arment de courage... et posent des pierres sur le Goban.
Pour conclure, je vais vous donner un exemple de connexion virtuelle élémentaire :
Les 2 pierres noires en diagonale l'une de l'autre ne sont pas connectées. Elles sont virtuellement connectées : si blanc joue A noire joue B et vice versa.
Connaître la nature des liens entre pierres permet d'éviter des coups redondants : renforcer un lien qui ne peut être rompu c'est poser une pierre en pure perte.
Connexion conditionnelle - principes et amour du jeux
La nature d'une connexion n'est pas invariante dans le temps ( et l'espace ). La proximité de pierres adverses peut amoindrir l'intensité de la connexion. Illustrons ce principe.
Voici une forme indéconnectable en l'état :
Montrons qu'elle ne l'est pas :
Maintenant modifions la situation d'origine en ajoutant 2 pierres adverses dans le voisinage de la forme :
Montrons alors que les pierres noires sont alors déconnectables :
Voici la preuve faite par l'exemple que l'intensité des liens entre pierres varie suivant le voisinage.
C'est un des éléments qui rend un jeux d'une manière générale intéressant : la relativité des principes énoncés. Telle affirmation est vraie... en générale seulement : c'est une question de probabilité : en observant l'ensemble des parties de Go ayant été jouées, le principe s'est avéré vérifié sur x% des parties. Mais le fait d'énoncer ces principes conforte les probabilités : les joueurs tâchent de les respecter car il n'est pas nécessaire de comprendre comment respirer pour respirer effectivement.
L'important n'est pas de jouer suivant des principes mais suivant son coeur (*). Un mauvais coup par principe est peut être le meilleur dans la situation auquelle vous faites face. Pas de taboo, pas d'interdits, l'amour du jeux, voilà ce qui peut faire progresser.
Il n'y a pas de recette toute faite à appliquer, seul existe un guide de lecture, des points de perception d'une certaine réalité. Il faut s'évertuer au cours d'une partie à faire mentir les règles en les confirmant par l'exception.
(*) Qu'on ne s'y trompe pas : pour parvenir à cela il faut sans doute en passer par l'assimilation la plus orthodoxe et ascétique de ces fameux principes. C'est en les faisant siens qu'on peut par la suite les transcender.
connexion spectaculaire
Je voulais vous soumettre la situation suivante (tirée du livre -en français- de Motoko Noguchi - Tsumego ) :
Connecter la chaîne de pierres noires marquées d'un triangle blanc avec la chaîne de pierres noires marquées d'un triangle blanc est possible. Le fait de parvenir à connecter ses pierres induit la mort du groupe blanc, il y a donc un enjeux certains à parvenir à cet objectif.
Essayons de les connecter de façon directe, par exemple :
Ca ne marche pas. N5 est catastrophique, B6 sera jouer en E1 : la messe est dite.
Dans le même esprit mais un peu mieux :
A la différence du précédent diagramme, on joue N5 en E1. On obtient un kô (j'expliquerais plus tard) : la situation n'est pas entièrement décidée. Par rapport au précédent diagramme, on s'améliore.
Mais venons-en à la solution optimale :
N1 est le coup qui permet la connexion souhaitée. Il n'y a pas de réfutation. Par exemple la séquence déroulée n'aboutie par pour blanc. Essayez-en d'autres avec courage, obstination et patience.
On essaiera toujours de voir au-delà de son horizon propre pour percevoir les lueurs qu'irradient de tels coups. Parfois il s'agit de mirages, d'autre fois non. Il faut scruter l'horizon.
L'important dans la scène soumise n'est pas tant le coup de connexion aussi subtile soit-il mais l'analyse faite de la situation. Ce qu'il faut voir c'est : si je connecte ces 2 pierres avec mes autres pierres le groupe blanc est mort. Comment parvenir à atteindre cette objectif? Suivant vos facultés mentales, quelques secondes ou quelques minutes d'analyse vaudront bien le coup qui vous trouverez ou pas.
Je dois admettre qu'il m'arrive de jouer des coups dont je présume seulement qu'ils fonctionnent. Je sens le coup, analyse un peu, beaucoup, je n'arrive pas à le réfuter mais je sais ne pas avoir mener l'analyse à son terme. Je le joue car il m'a séduit, qu'il serait bon qu'il marche. C'est une forme de paresse intellectuelle... mais à laquelle il faut s'adonner car le perfectionnisme apporte ses barrières propres. Si ce le coup ne fonctionne pas, tant pis, on reprend la partie ultérieurement ( donc si possible il faut la noter sur ce qu'on appelle un kifu ) et on observe la réfutation, on l'assimile et lorsqu'une situation analogue nous frappera la rétine et bien l'analyse sera poussée un peu loin et nous jouerons alors avec une présomption accrue.
connexion indirecte
Une autre forme de connexion ( d'après le livre -en anglais- de James Davies - Tesuji ) : la connexion indirecte.
Noir ne veut pas être coupé en P5. Pour se faire, il n'a qu'à ... par exemple se connecter en posant sa pierre en P5 ou alors ...
Noir est connecté car si blanc s'évertue à le couper voici ce qui se passe (pour la démonstration) :
Donc suite à N1, blanc ne peut pas couper noir : N1 permet N5... Notez la prise en retour de blanc par N7 : blanc capture une pierre mais se faisant il se prive d'une liberté. Ne lui en restant qu'une, noir le prend en retour : c'est la prise en retour (snap back en anglais).
Se connecter est un acte défensif mais dans le cas soumis il s'agit également d'un acte offensif. Il y a de l'ambivalence dans le Go, c'est aussi ce qui fait son charme.
Séparation : kosumi et non pas tobi
J'ai eu à coeur de montrer différents type de connexions mais surtout de faire prendre conscience qu'une analyse systématique de l'intensité des liens entre pierres était salutaire.
Dans ce commentaire, je voudrais parler un peu de séparation des pierres de l'adversaires. J'ai relevé quelques séquences d'un livre : L'âme du Go - Les formes et leur esthétique par Fan Hui.
La connection est une action plutôt défensive, la séparation est clairement offensive. Séparer un groupe de pierres faibles d'un groupe de pierres plus stables met en danger le groupe faible isolé qui devra trouver les ressources pour s'en sortir par lui-même mais à quel prix?
Voici la situation que je voudrais vous soumettre :
Observez la disposition des pierres les unes par rapport aux autres. : leurs positions par rapport aux bords, par rapport aux autres pierres de même couleur, de couleur adversaire.
Comment noir peut séparer blanc ?
Commençons par ce qui ne marche pas :
N1 (c'est ce qu'on appelle un tobi) ne marche pas : B2 est le coup qui vient à l'esprit si blanc cherche la connexion. N3 tente de s'y opposer, B4 va dans le sens de la connexion. Tous ces coups répondent aux buts respectifs de noir et blanc, séparer, connecter. En fin de séquence, noir échoue après B8 : s'il connecte en A blanc descend en B et B3 ne peut plus se sauver (s'il vous plait vérifiez ce dernier point).
Ce qui marche :
Le tobi ne marche pas (je ferais un billet sur le vocabulaire du Go) mais le kosumi (coup en diagonal) vers la pierre adverse la plus basse (ce point a son importance car dans l'autre sens ça ne marche pas) fonctionne bien. Si blanc tente de ce connecter, du fait de N1 la séquence ne fonctionne pas : il est séparé.
Retenez si possible que dans la situation de départ qui ne manquera pas de survenir lors d'une de vos parties, si vous souhaitez séparer le kosumi fonctionne (sauf situation locale particulière qui ne manquera pas elle aussi de survenir).
Si blanc ne tente pas de se connecter (car ça ne marche pas), par exemple :
Voici une réponse possible de noir.
Pour conclure, une autre façon de séparer :
Mais N1 (tobi) manque de vitesse. Difficile de rattraper B2.
Bref, l'analyse des liens entre les pierres adverses montre ce qui pourrait être séparé de ce qui ne pourrait l'être. Ce n'est bien entendu pas parcequ'on peut faire quelque chose (séparer) qu'il faut le faire dans l'immédiat. Il y a une question de "timing".
Reste à assimiler la façon de séparer mais avant de savoir faire, l'important est d'avoir conscience de ce qui doit être fait. La réflexion pourra suppléer à un manque de connaissance théorique.
Mais l'important est l'amour du jeux.
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