Roman de SF de Bernard Wolfe écrit en 1952 (moment de la guerre froide, souvenez vous) m'a laissé un tellement bon souvenir que j'ai décidé de l'acheter apres l'avoir lu. (ca y est je suis tombé dans l'écueil de la consommation non nécessaire.)
la quatrième de couverture:
"Attention au rouleau compresseur !
La société, la machine, la querre...
Soyez des pacifistes intégraux !
Faites vous couper les membres !"
vaste programme
vous pouvez trouvez de bons résumés sur ces sites (je ne me fatigue pas c'est dans les premières pages de google):
http://branchum.club.fr/wolfe.htm
http://apfpmm.free.fr/spip/article.php?id_article=773
et franchement, ses pensées donneraient envie de remettre au gout du jour l'ascétisme et le masochisme, mais surtout de garder son esprit critique et de se couper du monde de temps en temps pour mieux y revenir et en repartir sans regrets...
en tout cas, un bon moment d'humour noir, d'exemple de manipulation des foules.
Un très bon roman dystopique (ou contre utopie).
extrait "au hasard":
p 130
"Oh, bien entendu, on décelait vite dans cet ordre un élément choquant. trop d'hygiène, de salubrité, une propreté trop méticuleuse. Le tout était trop peigné, trop léché, trop bougrement aseptique. Les architectes avaient un peu trop forcé sur l'équerre et le compas, flanquant un ordre par trop rigoureux dans la nature, au point de lui tordre un peu le kiki, emportés par leur amour des angles droits et de la pureté des courbes. Goût de la discipline et de la symétrie, au détriment du petit hasard accrocheur qui séduit l'imagination, suggère l'accident, l'anarchie et, en même temps, rassure. Si admirablement équilibrée mathématiquement, la cité avait, d'une certaine manière, une sorte de déséquilibre. trop de rota, pas assez de ganja."
"autre extrait: p 242
Babyface -Récapitulons. Ce qui embête le plus un blessé, c'est qu'il n'a pas eu le choix. Peut ëtre aurait-il préféré perdre un bras plutôt qu'une jambe ? Mais ce n'est pas tout. Il y avait peut-ëtre par là un autre type qyu aurait bu d'un assez bon oeil la perspective d'être estropié parce que cela représentait pour lui un tas d'avantages, des loisirs, une pension et de quoi bouffer tous les jours, sans compter une bonne excuse pour s'abandonner avec bonne conscience à la passivité et être servi par des femmes, etc. Dans une population où on eut établit un référendum, ces maux physiques auraient très bien pu être distribués à chacun selon ses besoins.
Moi -Magnifique ! Marx corrigé par Freud. A chacun selon ses besoins. Et non plus selon ses besoins économiques, mais selon ses besoins masochistes.
Babyface- Très démocratique. il y a une vraie dignité humaine dans ce truc là.
Moi -et exit le rouleau compresseur.
Babyface -Mais comment amener les gens à être volontaires ?
Moi- Eh bien d'abord, tu l'as dit toit même, il y a des tas de types qui pigeraient du premier coup d'oeil les avantages. Bein entendu, on ne présenterais pas l'opération comme un mutilation ou un mauvais traitement. Il faudrait suggérer aux volontaires qu'ls ne se font en vérité aucun mal, alors qu'il font du bien au monde. C'est assez facile. Il s'agit de mettre au point quelques slogans bien choisis. Par exemple, qu'il n'y a pas de démobilisation sans immobilisation. Tu vois le genre ? Ou que le Pacifismeest passivité, ou : qui dit bras dit arme. Après quoi, il faudrait bien entendu offrir aux recrues quelques avantages bien substantiels sous forme de bourses, de pensions, de médailles, de décorations, de titres - celui de hérosnational par exemple-, d'admission dans des clubs très fermés, de loisirs, de femmes, tout cela en proportionde l'important des amputations acceptés.[...]Bon Dieu, je sis persuadé qu'on obtiendrait des millions d'ashésions à condition de savoir y faire. On dirait : ce type est un amputé volontaire. Un raccours. On pourrait appeler ces gars là des raccours. Les petits mots comme ca, bien frappés, ca réussit toujours. Raccours , Immobs. Pourquoi pas Immobs ? Limbo... nous pourrions appeler notre Meilleur des Mondes, Limbo. Le Grand Equivalent Moral de la Guerre serait donc le raccoursisme. Tu connais l'essai de William James: The Moral Equivalent of War ? Ce pourrait être la nouvelle Bible, dans Limbo.
Babyface - Qui sait qi on n'arriverait pas au désarmement universel, par cette voie ?
Moi - La race humaine relèverait la tête, redresserait les épaules.
Babyface- Et plus de gémissemtn dans les caves à guetter la bombe qui va s'abattre.suffira d'aller à la table d'opérationàpres avoir bien réfélchi, et de dire tout tranquillement:"Eh bien, voila. Coupez moi ce bras-là, donc; le gauche, jusqu'à la hauteur du coude, si ca ne vous fait rient... et mettez moi sur la liste des repas gratuits au Waldorf Astoria, avec une jolie blonde bien en chair pour le samedi soir"
petit passage qui me rappelle Bernie (avec/de dupontel) au moment ou sa mère coupe la main droite de son père en lui disant: "fini la branlette" et qu'il répond "m'en fous, chuis gaucher"...
l'immob est il un poch-principe ? Un raccours pourrait peut il devenir poch ? en tout cas, leurs avantages amèneraient plusieurs poch à se poser la question de devenir raccours...
au moins, ca laisse du temps pour lire.
Commentaires
Ceux qui n'ont pas de démon dans la tête
Les mandunji, "ceux qui n'ont pas de démon dans la tête" ... Peuple qui dans sa fuite remplace une oppression brutale par un asservissement volontaire.
"Toute affirmation de l'existence individuelle, tout triomphe de la volonté leur était immédiatement suspects, tandis que l'oubli du moi dans l'exercice d'une routine les rassurait."
Les mandunji qui refusent la dualité de l'homme à coup de lobotomie, la mandunga, mais :
"Comment être sûr qu'en tuant les démons, on ne tue pas en même tant, les anges?"
Les mandunji qui renient le lien entre les deux pôles du psychisme :
"le Dyonisien, le truand, l'océanique, fonçant par nature vers le déréglement, la recherche du maximum de sensations, la conscience-gouffre; l'Appolinien, reposant mollement dans l'indulgence, la mesure, l'ordre, l'égalité d'âme, la réserve et une tendance à ériger le sommeil en système."
( référence apparente à F.Nietzsche / ne suis personnellement pas en accord avec la description de l'Appolinien faite par l'auteur )
Je n'en suis qu'au début du roman. Ca promet.
Epître de Saint Paul aux Colossiens
" Tuez donc vos membres qui appartiennent à la terre."
Epître de Saint Paul aux Colossiens - cité dans "Sous le signe de Haley", Ernst Jünger*
Fais froid dans le dos cette déclaration de guerre au terrestre...
Amputé mais entier
Petite citation extraite de l'ouvrage La Philosophie de l'esprit libre - Patrick Wotling :
La rationalité de l'éducation voudrait qu'à tout le moins l'un de ces systèmes d'instincts soit paralysé sous une pression de fer pour permettre à un autre de gagner en forces, de devenir fort, de l'emporter. Aujourd'hui, on ne devrait rendre l'individu possible qu'en l'amputant : possible, cela signifie entier...
Nietzsche
Limbo, un roman de SF assurément Nietzschéen.
Dans la contrainte il y a quelque chose de créatif.
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