
Action-CRItique-MEDias [Acrimed] est un Observatoire des médias. Acrimed intervient publiquement pour mettre en question la marchandisation de l'information, de la culture et du divertissement. Acrimed relève également les dérives du journalisme quand il est assujetti aux pouvoirs politiques et financiers et quand il véhicule le prêt-à-penser de la société de marché.
Mis à jour : il y a 2 minutes 38 secondes
lun, 2025-10-20 17:07
img src='https://www.acrimed.org/local/cache-vignettes/L150xH80/fourquet-90b67.png?1760972845' class='spip_logo spip_logo_right' width='150' height='80' alt="" /
div class='rss_chapo'pQue la question porte sur les débats budgétaires, l'insécurité, les goûts culinaires des Français ou la musique country, les médias aiment s'entourer de sondeurs qui leur permettent, prétendent-ils, d'objectiver « ce que pensent les Français ». Portrait de l'un des plus éminents d'entre eux, le sondologue de l'Ifop Jérôme Fourquet./p/div
div class='rss_texte'p« iQui est vraiment Jérôme Fourquet ?/i » C'est la question que se pose iLe Figaro/i, en 2023. Ni sociologue ni économiste, pas tout à fait géographe et encore moins urbaniste, Jérôme Fourquet est ce qu'on appelle dans le jargon médiatique un « toutologue ». Et pas n'importe lequel ! Polyvalent, Jérôme Fourquet peut s'exprimer le matin sur l'implantation d'un McDonald's dans les Yvelinesspan class="spip_note_ref" [a href="#nb1" class="spip_note" rel="appendix" title="« "Une alternative aux kebabs" : comment McDo s'est emparé d'un petit (…)" id="nh1"1/a]/span et le soir sur les « intentions de vote des Français ». Depuis sa position de directeur du département « Opinion et stratégie d'entreprises » de l'institut de sondage et de marketing Ifop, il est devenu au fil des années un client incontournable des médias… et une référence intellectuelle pour toutes les droites./p
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h3 class='article_intertitres'Omniprésence médiatique/h3
p/brSe lancer dans un comptage des passages télé ou radio de Jérôme Fourquet est un travail fastidieux : rien que sur la dernière année, entre le 1er octobre 2024 et le 1er octobre 2025, les archives de l'INA recensent pas moins de 85 apparitions dans l'audiovisuel français. Presque deux fois par semaine, souvent sur le service public : France Inter, France Info, France Culture, RTL, CNews, France 5, BFM-TV, France 2, Paris Première, Europe 1, LCI, Radio Classique… Fourquet est absolument partout pour commenter, en vrac, faits divers, questions politiques et pratiques de consommation : la taxe Zucman, le meurtre de Philippine, le narcotrafic, la mort des boulangeries artisanales, l'inéligibilité de Marine Le Pen, le site Vinted, la « guerre des clochers », etc. « iUn jour d'élection, alors que je lui demande ce qu'il va raconter le soir à la télé, il me répond joyeusement : "Comme dans 'Top Chef', je vais faire avec les légumes du marché."/i », raconte au iNouvel Obs/i (5/10/23) son co-auteur Jean-Laurent Cassely. Même succès dans la presse écrite, où son nom est mentionné dans un nombre incalculable d'articles, sur des thèmes aussi variés que Charlie Kirk ou les paroles des chansons d'Orelsan. Les « titres » sous lesquels le sondeur est présenté par les médias varient en fonction des publications : parfois « iessayiste/i », parfois « ipolitologue/i », parfois même « igéographe de territoires redessinés […], économiste d'une France dont le moteur est passé de la production à la consommation/i » (iLes Échos/i, 5/12/24). Bien souvent, Jerôme Fourquet, qui est aussi « iethnologue/i » selon certains (iLe Figaro/i, 12/10/21), est invité à présenter les résultats de sa dernière « étude d'opinion », dont les sujets varient puisqu'ils dépendent des désirs du client – des entreprises, comme Engie, Enedis ou Fiducial ; des médias, de CNews à iL'Humanité/i ; ou des institutions, comme la fondation Jean-Jaurès, la CGT ou le Parti socialiste./p
pJérôme Fourquet est aussi l'auteur de plusieurs « ibest-sellers/i ». « Prix du livre politique » en 2019, « prix du livre d'économie » en 2021, ses « tournées promo » ont peu d'équivalent. Pour son dernier livre, iLa France d'après/i (Seuil, 2023), le sondologue a fait presque toutes les matinales (France Inter, France Culture, Europe 1, RTL, Sud Radio, BFM-TV, France 2, CNews…) et la plupart des magazines de grande audience (« Quotidien », « C à vous »…), a eu le droit à des recensions dithyrambiques et à des entretiens en majesté dans la presse écrite. Le lancement de Yann Barthès dans l'émission « Quotidien » (12/10/23) dit tout de la place qu'il occupe dans le paysage médiatique : « iJérôme Fourquet continue d'autopsier notre pays en mille morceaux… le grand spécialiste du sondage d'opinion nous connaît mieux que personne, voici Jérôme Fourquet !/i » En dehors de son activité de sondeur ou d'essayiste, Jérôme Fourquet est aussi régulièrement invité comme simple « témoin de l'actualité », que l'on discute des élections européennes, de la réforme des retraites, des Gilets jaunes, ou bien de Gaza. Il participe en outre plus directement à certaines productions médiatiques, comme dans la a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/france-culture-va-plus-loin-l-invite-e-des-matins/les-mots-de-la-republique-archipel-une-france-de-plus-en-plus-fragmentee-8067225" class="spip_out" rel="external"série d'été « Les mots de la République »/a sur France Culture – qui lui valut trois passages dans « Les Matins » en juin 2024 ! –, où il est invité à expliciter les « concepts » qu'il forge dans ses ouvrages. Jusqu'à des mises en scène au carré : « "La série montre le réel à ceux qui ne veulent pas le voir" : on a vu "La Fièvre" avec Jérôme Fourquet », titre par exemple iMarianne/i (9/04/24). Le but ? Commenter avec Jérôme Fourquet cette série de Canal +, que beaucoup de commentateurs avaient auparavant décrite comme une adaptation des « thèses »… de Jérôme Fourquet. « Merde, on tourne en rond ! », comme dirait l'autre./p
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h3 class='article_intertitres'Sujets variés, mais opinion constante/h3
p/brQue dit au juste cet expert de la France et des Français pour constituer un recours si systématique pour les médias ? Si les sujets qu'il aborde varient du tout au tout, une chose est constante : les opinions déguisées en analyses de Jérôme Fourquet coïncident presque toujours avec le prêt-à-penser médiatique, en particulier celui de la presse réactionnaire. Sur CNews (5/05/24), Fourquet s'appuie par exemple sur une « a href="https://www.la-croix.com/Religion/Presidentielle-2022-pourquoi-electeurs-musulmans-plebiscite-Jean-Luc-Melenchon-2022-04-11-1201209823" class="spip_out" rel="external"étude exclusive/a » commandée par le journal iLa Croix/i pour affirmer que « ile développement de l'islamogauchisme a des motivations électorales en France/i ». Dans l'émission « C à vous » (France 5, 2/02), il s'appuie sur des études de l'Ifop « ide 2006, 2011, 2017 et 2021/i » pour dire que « i7 Français sur 10 souhaitent que la majorité pénale soit abaissée à 16 ans, pour que ce soit plus facile d'emprisonner des mineurs de 16 ou 17 ans/i ». Dans iLes Échos/i (19/12/22), il affirme que, compte tenu de la démographie, il y a « isans doute nécessité à terme de réformer les retraites/i ». Au 20h de Léa Salamé (France 2, 8/09), invité à commenter la chute de François Bayrou, Fourquet estime que « ideux sentiments dominent/i » chez les-Français, « il'inquiétude, chez les chefs d'entreprise, mais également chez les Français moyens/i » et puis « ila colère/i » vis-à-vis de « il'instabilité politique/i ». Sur France Culture, il constate, bien désolé, que la majorité des Français a « iune réaction viscérale/i » quand on parle d'augmenter les impôts, même ceux des plus riches. Il explique aussi en long et en large que la société « ise fracture/i » sur des thèmes « iethnoculturels/i ». Dans son essai iL'Archipel français/i (Seuil, 2019) par exemple, Fourquet calcule, à partir des prénoms donnés aux bébés nés en France, que « ila part de la population issue des mondes arabo-musulmans représentera mécaniquement, du fait du renouvellement des générations, un habitant sur cinq, voire sur quatre, si la tendance haussière […] se poursuit./i » Dans l'opus suivant, iLa France d'après/i, le sondeur compare l'implantation des permanences du parti communiste avec celle des mosquées en Seine-Saint-Denis, « ilaissant le lecteur s'imaginer que Marx est en quelque sorte (grand-)remplacé par Mahomet en Seine-Saint-Denis/i »span class="spip_note_ref" [a href="#nb2" class="spip_note" rel="appendix" title="« Un récit anxiogène adossé à une géographie inventive », Jean Rivière, (…)" id="nh2"2/a]/span./p
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div class='spip_document_16240 spip_document spip_documents spip_document_image spip_documents_center spip_document_center'
figure class="spip_doc_inner" a href='https://www.acrimed.org/IMG/png/marxetmahomet.png' class="spip_doc_lien mediabox" type="image/png" img src='https://www.acrimed.org/local/cache-vignettes/L500xH334/marxetmahomet-1f792.png?1760972030' width='500' height='334' alt='' //a
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centerJérôme Fourquet, iLa France d'après/i, Seuil, 2023, p. 49.
pReproduit dans Jean Rivière, a href="https://metropolitiques.eu/Un-recit-anxiogene-adosse-a-une-geographie-inventive.html" class="spip_out" rel="external"« Un récit anxiogène adossé à une géographie inventive », iMétropolitiques/i/a, 18/01/24./p
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p/brIl arrive aussi à Jérôme Fourquet de faire fructifier son capital médiatique, en participant comme invité d'honneur à de grands événements, comme lorsqu'il a ouvert le forum « Viva ! », tenu a href="https://www.arretsurimages.net/chroniques/une-famille-en-or/forum-viva-le-joli-coup-de-com-des-anti-ivg" class="spip_out" rel="external"sous l'impulsion de plusieurs associations anti-IVG/a, aux côtés de l'ancien président de la Manif pour Tous. « iOn devine chez lui un léger tropisme droitier/i », lance timidement Eugénie Bastié (iLe Figaro/i, 12/10/21), dans un panégyrique beaucoup moins timide à propos de son œuvre. Nous le décelons aussi : « iIslamogauchisme/i », durcissement de la répression pénale, inquiétude des chefs d'entreprise, nostalgie de « ila France d'avant/i », désir de stabilité politique, crainte de « idébordements démographiques/i » : en somme, quel que soit le sujet, Jérôme Fourquet n'exprime que de banales opinions conservatrices, pour ne pas dire réactionnaires, souvent recouvertes, par un « abus de science »span class="spip_note_ref" [a href="#nb3" class="spip_note" rel="appendix" title="Expression empruntée au sociologue Pierre Bourdieu." id="nh3"3/a]/span, du vernis de « l'étude d'opinion ». Dans un portrait qui lui était consacré en 2023, iLe Nouvel Obs/i le qualifiait ainsi « id'oracle des déclinistes/i » (3/10/23)./p
pAuréolé du statut de meilleur analyste de la société française, l'oracle Fourquet voit souvent sa parole être mise en avant pour contrebalancer celle… de véritables scientifiques. C'est même une habitude sur le service public : en octobre 2023, la matinale de France Inter place Fourquet face à l'économiste Thomas Piketty. Rebelote en mai 2024, quand le sondeur et le journaliste Nicolas Beytout (iL'Opinion/i) sont opposés à l'économiste Michaël Zemmour. France Culture ne déroge pas à la règle : face à l'économiste Gabriel Zucman, le grand invité (10/09/25), la présence de Jérôme Fourquet a été jugée inévitable afin de bien rappeler que « iles-Français/i » subissent déjà une forte « ipression fiscale/i »… L'illustration la plus spectaculaire de ce dispositif et de la dynamique qu'on y observe est probablement le passage de Vincent Tiberj à la matinale de France Inter (3/09/24), flanqué, une nouvelle fois, de l'immanquable Fourquet. Le sociologue vient présenter son travail (iDroitisation, mythes et réalités/i, PUF, 2024), qui, à l'inverse des constats de Fourquet, conteste l'antienne médiatique d'une « idroitisation générale/i » de la société. Mais l'on sent bien, dès le début de l'entretien, à laquelle des deux thèses Nicolas Demorand accorde le plus de crédit : « iVincent Tiberj, ce qui dit Jérôme Fourquet sur le "régalien"/i [immigration et sécurité, NDLR]i, est-ce que ça vient limiter la portée de votre thèse ?/i » ; « iVenons-en aux européennes, le total "gauche", 31%, et le total "droite/extrême droite", 44% […], est-ce que ça c'est atmosphérique, Vincent Tiberj ?/i » ; « iMais quand le RN recueille 31% des suffrages aux européennes, puis dans la foulée un nombre record de députés à l'Assemblée, est-ce que votre analyse, elle est pas un peu légère, là, Vincent Tiberj ?/i ». En face, les questions adressées à Jérôme Fourquet sont beaucoup plus amènes et l'invitent, en quelque sorte, à endosser le rôle d'arbitre des débats : « iComment recevez-vous l'analyse de Vincent Tiberj, Jérôme Fourquet ?/i » Le dispositif a donc un double effet : d'un côté, le temps de parole d'un sociologue qu'on entend rarement est divisé par deux, au bénéfice du temps de parole d'un sondologue qu'on entend tout le temps ; et de l'autre, le dispositif décrédibilise la recherche en sciences sociales, au profit d'une vision sondagière du « réel » qui, on le sent bien, a les faveurs du présentateur./p
pLes sentences prononcées par Jérôme Fourquet ont l'autre avantage, pour les journalistes, de receler une vision du monde extrêmement simpliste, qui tient parfaitement dans une interview de 4 minutes : « iLe propos est clair et net, sans afféteries dandys, ni prétentions universitaires/i », s'enthousiasme ainsi Luc Le Vaillant dans iLibération/i (03/05/19). À cet égard, Fourquet est le spécialiste pour lancer à la volée dans le débat public des concepts-en-deux-mots ou des problématiques faciles à digérer : « iculture yankee/i », « iindice de boboïsation/i », « iFrance Triple A/i » contre « iFrance backstage/i », « ila France du barbecue et celle du quinoa/i », « icivilisation périurbaine/i », « ikebab contre blanquette de veau/i », « ila France des Kevin et celle des Mohamed/i », « iFrance hydroponique/i »... C'est avec ce genre de hochets « attrape-journaliste » que Fourquet « idonn[e] le "la" de l'interprétation de la société française/i »span class="spip_note_ref" [a href="#nb4" class="spip_note" rel="appendix" title="« Les moutons de Monsieur Fourquet », La Grande Conversation, 25/04/23." id="nh4"4/a]/span : « iMoi, je dis ce que je vois, je le nomme, et après cela ne m'appartient plus/i », expliquait-il sérieusement au iNouvel Obs/i (5/10/23)./p
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h3 class='article_intertitres'Une référence intellectuelle des droites/h3
p/brAu fil de ses passages médiatiques, le presque sociologue et pas tout à fait géographe est en tout cas devenu une référence intellectuelle, du « cercle de la raison » à l'extrême droite, d'Emmanuel Macron à Renaud Camus. Il suffit pour s'en convaincre de jeter un œil à l'accueil de ses ouvrages acclamés par toutes les nuances de la presse bourgeoise, depuis des années. « iAussi captivant que rigoureux/i » (iLe Figaro/i, 18/11/21), Fourquet « iausculte la France et ses fractures/i » (iLa Dépêche/i, 8/10/23), dresse un tableau « iaussi passionnant qu'inquiétant/i » (iLe Figaro/i, 18/11/21), « iexceptionnel de lucidité et de clarté/i », « iquasi anthropologique/i » (iLes Échos/i, 8/10/21) et « iconfirme son statut de meilleur observateur de la France contemporaine/i » (iOuest-France/i, 19/10/23), rien que ça :/p
blockquote class="spip"
pIl semble connaître le bar-tabac de Marly-Gomont aussi bien que les Carrefour de la banlieue lyonnaise. On l'imagine avoir testé quelques pas de danse country dans le Béarn et dévoré des kébabs dans l'Est. À force d'analyser la France en tous sens, Jérôme Fourquet réussit à nous en rendre familier chaque recoin. On attend donc avec impatience chacune de ses cartes postales./p
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pDes « cartes postales » encensées comme il se doit au iFigaro/i, puisque Fourquet parle de « la France qui n'est plus la France » à cause de la « idéchristianisation/i », de l'« iimmigration/i », ou encore de l'« iaméricanisation/i » (iLe Figaro/i, 23/10/24). Des thèmes qui inspirent des élans particulièrement lyriques au directeur délégué de la rédaction, Vincent Trémolet de Villers (5/12/24) :/p
blockquote class="spip"
pC'est un étrange talent que celui de Jérôme Fourquet. Voilà des années qu'il décrit les métamorphoses françaises et, avec elles, la disparition du pays de notre enfance. Adieu les bouilleurs de cru, bonjour les dealers de coke. Fini la blanquette de veau, l'heure est aux tacos. Oublié la variété qui, en un refrain, faisait l'unité de tout un peuple, « y'a pas moyen Djadja », quand la Garde républicaine se dandine avec Aya Nakamura. Effacé les jeunes filles au prénom de Marie et, avec elles, l'ombre de la croix qui donnait à notre société son cadre et sa matrice. Tout change, nous dit Jérôme Fourquet./p
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pMais Jérôme Fourquet ne plaît pas qu'aux têtes pensantes du journalisme, parmi lesquelles les catholiques conservateurs du iFigaro/i. Son omniprésence médiatique, et la capacité de ses sondages et de ses livres à rythmer le débat politico-médiatique, ont fait de lui quelqu'un que le pouvoir écoute. Son concept d'« iarchipelisation/i », par exemple, a fait florès dans la classe politique, de Laurent Wauquiez à Marion Maréchal, en passant par le président de la République. La société serait « disloquée » en catégories dont les intérêts sont antagonistes – jusqu'ici tout va bien – mais « iil ne s'agit plus de classes sociales […], mais de ruraux, d'urbains, de péri-urbains, boomers et milleniums et – nous y voilà – de Français de souche et d'immigrés, de chrétiens ou de musulmans/i », relève Thomas Legrand (France Inter, 4/04/22). Où se dévoile un autre avantage du « fourquettisme », qui explique probablement l'attrait du monde médiatique pour ses « thèses » : l'effacement des classes sociales au profit des habitudes de consommation. En septembre 2023, a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/05/26/emmanuel-macron-les-sociologues-et-les-classes-moyennes-recit-d-un-dejeuner-confidentiel-a-l-elysee_6174904_823448.html" class="spip_out" rel="external"iLe Monde/i relate/a un autre épisode témoignant de l'insertion du sondologue dans les cercles de pouvoir : un déjeuner confidentiel à l'Elysée baptisé « idéjeuner des sociologues/i », où, sur les 4 convives, un seul était vraiment sociologue – et ce n'était pas Fourquet ! C'est au cours de ce déjeuner, agissant « icomme le conseiller occulte de Macron/i », que Fourquet va, selon iLe Monde/i, souffler au président le terme de « idécivilisation/i », que celui-ci réemploiera quelques mois plus tard. Le sondeur prétend emprunter ce terme au sociologue allemand Norbert Eliasspan class="spip_note_ref" [a href="#nb5" class="spip_note" rel="appendix" title="Dans Libération, le docteur en science politique Christophe Majastre (…)" id="nh5"5/a]/span, mais on le retrouve beaucoup plus sûrement – et de façon beaucoup plus cohérente avec le reste des écrits de Fourquet – dans les livres du théoricien d'extrême droite Renaud Camus, ou dans la bouche de Philippe de Villiers./p
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centerstrong***/strong/center
p/brJérôme Fourquet a pris en quelques années une place prépondérante dans le débat public français. Non pas grâce à la solidité de ses travaux ou aux extraordinaires découvertes qu'il y ferait, mais grâce, au contraire, à la parfaite conformité des thèses qu'il présente avec les attendus journalistiques. Les problèmes posés par la centralité et les usages médiatiques des sondages (et des sondeurs) sont a href="https://www.acrimed.org/Les-sondologues-piliers-de-l-editocratie"nombreux et documentés/a depuis de longues années. Jerôme Fourquet n'en est que l'une des incarnations modernes et participe, comme toutes les autres avant lui, bien plus de la fabrication de l'opinion que de sa mesure. En étroite collaboration avec le monde médiatique, contre les sciences sociales, et au profit de toutes les droites./p
p/brstrongJérémie Younes/strong/p/div
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div class='rss_notes'div id="nb1"
pspan class="spip_note_ref"[a href="#nh1" class="spip_note" title="Notes 1" rev="appendix"1/a] /span« "Une alternative aux kebabs" : comment McDo s'est emparé d'un petit village des Yvelines », iLe Figaro/i, 28/09/25./p
/divdiv id="nb2"
pspan class="spip_note_ref"[a href="#nh2" class="spip_note" title="Notes 2" rev="appendix"2/a] /span« Un récit anxiogène adossé à une géographie inventive », Jean Rivière, iMétropolitiques/i, janvier 2024./p
/divdiv id="nb3"
pspan class="spip_note_ref"[a href="#nh3" class="spip_note" title="Notes 3" rev="appendix"3/a] /spanExpression a href="https://pierrebourdieuunhommage.blogspot.com/2021/03/videos-pierre-bourdieu-sur-les-sondages.html" class="spip_out" rel="external"empruntée au sociologue Pierre Bourdieu/a./p
/divdiv id="nb4"
pspan class="spip_note_ref"[a href="#nh4" class="spip_note" title="Notes 4" rev="appendix"4/a] /span« Les moutons de Monsieur Fourquet », La Grande Conversation, 25/04/23./p
/divdiv id="nb5"
pspan class="spip_note_ref"[a href="#nh5" class="spip_note" title="Notes 5" rev="appendix"5/a] /spanDans iLibération/i, le docteur en science politique Christophe Majastre expliquera que Norbert Elias s'exprimait de son vivant « icontre l'usage politique de sa théorie pour donner une caution scientifique au vague sentiment de dissolution des mœurs/i » (26/05/23)./p
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ven, 2025-10-17 12:25
img src='https://www.acrimed.org/local/cache-vignettes/L150xH120/lecornu_logo-056cf.jpg?1760696725' class='spip_logo spip_logo_right' width='150' height='120' alt="" /
div class='rss_chapo'pEn pâmoison devant le discours de politique générale du nouveau Premier ministre, émoustillé par la perspective de « non-censure » au point de désinformer sans entraves sur la question des retraites, le journalisme politique nous a encore gratifié d'une très grande scène de son théâtre habituel. Tandis que la co-production de l'information politique (en huis-clos) bat son plein, les grands médias pèsent de tout leur poids sur la recomposition du champ politique en général… et de « la gauche » en particulier./p/div
div class='rss_texte'pDans la foulée du discours de politique générale de Sébastien Lecornu, plateaux et journaux ne savaient plus se contenir : « iEst-ce la fin de la crise politique ?/i » se demandait-on en chœur. « iSuspension/i » de la réforme des retraites, promesse de renoncer au 49.3, accord de non-censure avec le Parti socialiste : la perspective, même momentanée, d'une éventuelle « istabilité politique/i », tant désirée par les partisans de l'ordre, a déclenché une nouvelle vague d'unanimisme éditorial, où la désinformation le dispute à la dépolitisation médiatique de la politique./p
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h3 class='article_intertitres'Lecornu-mania/h3
p/br« iUn discours habité de Sébastien Lecornu/i » ! Il est 16h05 ce mardi 14 octobre et le discours de politique générale vient d'être prononcé par le nouveau-nouveau Premier ministre. Les éditorialistes de LCI, emballés, ne savent plus quels qualificatifs enfiler : le discours est une « iréussite/i » pour Élizabeth Martichoux, qui l'a trouvé « iinédit/i », par « isa forme, sa durée/i », « ison débit de mitraillette/i », mais aussi par « isa transgression, évidemment/i ». Patrice Duhamel le juge lui « iextrêmement efficace, sobre, d'un pragmatisme tout à fait exceptionnel/i ». « iTrès efficace/i », confirme Renaud Pila. « iRusé, habile, très original/i » ajoute le sondeur Fréderic Dabi : « iIl y avait du Rocard […], il y avait du Louis XI./i » Il y avait aussi du Chaban-Delmas pour Valérie Nataf : « iUn côté "nouvelle société" dans ce discours/i », qui était « id'une modernité absolument incroyable !/i ». « iNous sommes en plein compromis/i », se réjouit plus tard David Pujadas, « iet quel compromis ! Là, Sébastien Lecornu donne entière satisfaction !/i » L'enthousiasme bat aussi son plein sur BFM-TV, avec le grand frère de Patrice, Alain Duhamel, qui a trouvé le discours « iintelligent/i », « isobre/i » et « icourt/i ». Le journaliste Thierry Arnaud parle lui de « ila promesse tenue de la rupture/i ». Même ambiance sur Franceinfo, où nous sommes « iavec la crème de la crème de l'éditorialisme politique/i », dixit la présentatrice, à savoir Nathalie Saint-Cricq (épouse de Patrice Duhamel) et Gilles Bornstein. La directrice des rédactions nationales de France Télévisions a trouvé le discours de Sébastien Lecornu « iefficace/i », « isérieux/i », « iraisonnable/i », estime que « ic'est malin/i » et que « iça devrait marcher/i ». Gilles Bornstein voit quant à lui « iun style Lecornu qui est en train d'émerger/i », « isans esbroufe, sans emphase/i », « iavec les mots attendus/i »./p
pL'allégresse est partagée par une large partie de la presse écrite. iLibération/i a aussi trouvé Lecornu « iplus malin que ses prédécesseurs/i », et salue, sur la forme, la fin du « iton sentencieux/i » et des « ilogorrhées digressives/i » (14/10), et sur le fond un Lecornu « ihumble/i », « icombatif/i » et « irevenu de loin/i » (15/10). iLe Monde/i juge la déclaration de politique générale du Premier ministre « itout simplement décisive/i » (15/10). Dans son éditorial, titré « Savoir sortir d'une crise », le journal de référence se réjouit d'« iun pas important sur la voie du compromis/i », et prévient : « icensurer le gouvernement serait désormais incompréhensible/i » (15/10). Politico cite des sources parlementaires sans les nommer, qui permettent d'adresser des compliments indirects : « iIl a sorti le grand jeu/i », « iil a été extrêmement bon/i », etc. (15/10) Mêmes louanges au iProgrès/i, qui félicite un Lecornu « ipolitiquement habile/i », « iles mains dans le cambouis/i » (15/10), quand iLa Dépêche/i applaudit la « itactique du moine-soldat/i » (15/10). Pour iOuest-France/i, le discours « isobre/i », « iefficace/i » et « iimparable/i » du Premier ministre constitue « iune proposition qui ne se refuse pas/i ». L'extraordinaire uniformité de tous ces commentaires s'explique peut-être par ce qu'on apprend dans iMidi Libre/i (15/10) : « iMardi matin, un proche conseiller du chef de l'État sollicitait la presse quotidienne régionale pour commencer à faire l'exégèse du discours de politique générale./i » On peut le dire : opération réussie !/p
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h3 class='article_intertitres'Réforme des retraites : mise en scène… et désinformation en masse/h3
p/brAvec une presse si bien disposée à l'égard du pouvoir, nulle surprise à observer le journalisme de cour redoubler d'effort pour matraquer la martingale du moment, commune au gouvernement de Sébastien Lecornu et au Parti socialiste, son allié de circonstance : la « suspension de la réforme des retraites ». Désignée par le PS comme une condition isine qua non/i de la « non-censure », annoncée par le Premier ministre dans son discours de politique générale, scrutée par tous les journalistes de France et de Navarre comme le signe d'une stabilité retrouvée, la « suspension » est naturellement sur toutes les lèvres… et à la Une de la quasi-totalité des journaux./p
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div class='spip_document_16239 spip_document spip_documents spip_document_image spip_documents_center spip_document_center'
figure class="spip_doc_inner" a href='https://www.acrimed.org/IMG/jpg/lecornu.jpg' class="spip_doc_lien mediabox" type="image/jpeg" img src='https://www.acrimed.org/local/cache-vignettes/L500xH399/lecornu-76d3e-8e907.jpg?1760696725' width='500' height='399' alt='' //a
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p/brPeu importe qu'au moment de décider de tels gros titres, aucune rédaction ne connaisse les modalités concrètes de la mise en œuvre de cette « suspension ». Peu leur importe non plus – pour ne pas dire encore moins – que les plus fins connaisseurs du sujet aient immédiatement cherché à tempérer l'emballement, notamment en pointant l'usage équivoque du terme « suspension » : « iIl ne s'agit pas d'un gel de la réforme ("suspension") au sens où la réforme n'est pas arrêtée au point qu'elle a atteint en 2025/i », précise par exemple le chercheur Michaël Zemmour sur a href="https://blogs.alternatives-economiques.fr/zemmour/2025/10/14/analyse-a-chaud-l-annonce-du-premier-ministre-concernant-la-reforme-des-retraites" class="spip_out" rel="external"son blog d'Alternatives économiques (14/10)/a, évoquant plutôt « iun décalage du calendrier de la réforme de 2023, d'environ 3 mois pour les générations 1964 à 1968/i » – ce qui, convenons-en, est tout de suite moins spectaculaire… « iLa suspension annoncée est en réalité un décalage de son application de quelques mois seulement/i, a href="https://www.cgtservicespublics.fr/IMG/pdf/cp_de_la_cgt-_suspensionretraites-_141025.pdf?41068/932762b0767f1d59650e88528396abf855d5b742a72f1b0407b68d157a7aa123" class="spip_out" rel="external"ajoute la CGT/a, qui dénonce par voie de communiqué une nouvelle manœuvre « iau mépris de la mobilisation de millions de travailleurs et de travailleuses depuis 2 ans et demi. […] Décaler n'est pas bloquer, ni abroger/i ». Autant de voix qui pèsent peu dans le tohu-bohu médiatique : si, de la PQR aux chaînes d'info, des journalistes ont bel et bien cherché à nuancer l'emballement, on sentait les chefferies trop impatientes de surjouer le théâtre du « compromis » et de « l'abandon de la réforme des retraites ». Une comédie jouée à guichets fermés à peine le discours de politique générale terminé, dramatisation garantie./p
pSur LCI (14/10), la présentatrice Marie-Aline Meliyi s'emballe : « iLa suspension de la réforme des retraites, c'est LE point clef du discours de politique générale prononcé il y a quelques minutes par Sébastien Lecornu [...]. C'est une rupture !/i » Au même moment, à l'antenne de BFM-TV, son homologue Pauline Simonet dirait même plus : « iLa chute d'un totem d'Emmanuel Macron./i » Le mot d'ordre infuse partout. « iLa chute du totem, la fin d'un tabou/i », proclame iSud Ouest/i (15/10). « iLecornu fait tomber un totem/i » avance également en Une iLe Républicain lorrain/i. Du côté du iParisien/i (15/10), on multiplie aussi les hyperboles au moment d'expliquer aux lecteurs « ipourquoi Lecornu a lâché le totem/i », la rédaction évoquant tantôt un « i"bougé" majeur/i », tantôt une « iconcession majeure/i »./p
pL'AFP ne dément pas l'information, qui, par la voix du « spécialiste en communication politique » Philippe Moreau-Chevrolet, salue « iune concession majeure/i » d'Emmanuel Macron « isur ce qui devait être son testament politique/i » (14/10). Une « iconcession majeure de Matignon/i », confirme iL'Union/i (15/10). Une « idécision majeure/i », reformule iLibération/i (15/10), qui prend décidément son rôle de journal d'opposition très au sérieux. « iCette reculade macroniste est un tournant/i », se félicite d'ailleurs Paul Quinio, le directeur délégué de la rédaction, légèrement moins emphatique que iLe Berry Républicain/i, qui nous apprend quant à lui que Sébastien Lecornu « ia porté l'estocade finale à l'héritage de son bienfaiteur/i ». « iUn dogme de l'ère macroniste vient de tomber/i », lâche aussi Olivier Pérou dans iLe Monde/i (15/10). Le curseur de la dramatisation est poussé un cran au-dessus dans les pages du iFigaro/i. « iLecornu sacrifie les retraites/i », titre sans honte le quotidien (15/10), qui n'en démord pas : « iLa concession est immense/i ». Tellement immense que Guillaume Tabard parle d'un « iscalp de la réforme des retraites/i », là où son confrère Vincent Trémolet de Villers assimile le discours de politique générale à « iune grande braderie d'automne/i ». Le directeur délégué de la rédaction n'était pas au bout de ses capacités : « iLecornu a reculé comme un lion ; Emmanuel Macron est revenu à la source de sa vie politique : le socialisme./i » Carrément ! L'éditocratie radicalisée vit ce moment comme une telle révolution qu'Hubert Coudurier en a des sueurs froides : « iLe chef du gouvernement risque d'être victime de la surenchère des socialistes pour le vote du budget/i », tremble-t-il dans iLe Télégramme/i (15/10). Même son de cloche sur LCI : « iEst-ce que le Parti socialiste va rester sur une position de chantage et va trouver une nouvelle ligne rouge ?/i », s'inquiète Élizabeth Martichoux (14/10)./p
pRestent enfin quelques titres pour tester certaines formules plus innovantes au registre de la désinformation. iLa Voix du Nord/i (15/10) par exemple, qui soutient qu'« ien une demi-heure chrono, Sébastien Lecornu a enterré [...] la réforme des retraites/i » ; iPresse Océan/i, qui déclare en gros titre le « igel de la réforme/i » (15/10) ; iLe Figaro/i, qui parle de « il'abandon de la seule réforme de ce second quinquennat/i » (15/10) ou encore Stéphane Vernay qui, dans son éditorial à la Une de iOuest-France/i (15/10), annonce aux lecteurs « iune suspension complète de la réforme des retraites/i ». « iS'il n'est pas permis de sacrifier son roi aux échecs, le Premier ministre a quand même décidé de bazarder une pièce majeure du camp macroniste : la réforme des retraites/i », s'avance également iMidi Libre/i (15/10) qui, dans un article voisin, prétendait pourtant ne pas être dupe de la communication politicienne : « iLe Château veut montrer qu'Emmanuel Macron cède sur ses fondamentaux, que les concessions faites ébranlent ses totems, qu'il est près [sic] à tous les sacrifices pour sortir de la crise./i » Et comme d'habitude, il peut compter sur la presse française pour servir cette entreprise./p
pComme du temps de a href="https://www.acrimed.org/Faisons-battre-en-retraite-les-chiens-de-garde"la « pension minimale à 1200 euros »/aspan class="spip_note_ref" [a href="#nb1" class="spip_note" rel="appendix" title="Voir également « Contre-réforme des retraites, éléments de langage (…)" id="nh1"1/a]/span, faux scoop et dramatisation tiennent donc lieu d'information. Et si quelques accidents de « vérité » surviennent, ils ne pèsent pas grand-chose face au bruit médiatique dominant. Car un éditocrate préfèrera toujours aux faits… la bonne vieille tambouille politicienne. Exemple sur RMC (15/10), où l'économiste Michaël Zemmour dévie à 180°C du cadrage fixé par son intervieweuse en lui donnant, sobrement, une leçon de journalisme :/p
blockquote class="spip"
pstrong- Apolline de Malherbe :/strong Lorsque vous avez entendu ces mots de Sébastien Lecornu hier, lorsque vous avez vu qu'il était applaudi sur les rangs des socialistes, est-ce que, comme eux, vous diriez que c'est une victoire de la gauche ?/p
pstrong- Michaël Zemmour :/strong Euh… Ce que j'ai fait quand j'ai entendu le Premier ministre, c'est que j'ai essayé de comprendre quel était le contenu de la mesure./p
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pPrécisément la tâche à laquelle auraient dû se consacrer les rédactions. Las, sacrifiant toute déontologie sur l'autel de la dramaturgie politico-médiatique, les médias dominants signent une nouvelle fois le triomphe de la comm'. Il faut dire que l'enjeu était de taille… Tout à sa quête de stabilité – que lui commande sa fonction de gardien de l'ordre –, l'éditocratie n'avait qu'un seul cap depuis des semaines : éviter la censure d'un énième (et peut-être ultime) gouvernement macroniste. Et tout à ses obsessions politiciennes, a href="https://www.acrimed.org/Le-journalisme-politique-vit-son-moment"elle a par conséquent scruté les positions du principal levier/a capable d'assurer cet objectif : le Parti socialiste./p
/br
h3 class='article_intertitres'La gauche respectable et les méchants/h3
p/brÀ la recherche de tout indice permettant de nourrir l'espoir de survie du gouvernement Lecornu II, le journalisme politique s'occupe en commentant les moindres attitudes des uns et des autres : « iPendant le discours, on a vu François Hollande lancer les applaudissements/i », note LCI. « iLes sourires socialistes ne trompent pas/i, selon iLe Figaro/i (15/10), ile hochement de tête victorieux d'Olivier Faure encore moins/i ». « iPar ce hochement de tête, Olivier Faure acte sa victoire/i », confirme lui aussi David Pujadas (LCI, 15/10). « iSur les bancs socialistes, le soulagement et le contentement se lisent sur les visages/i », abonde iLe Monde/i (15/10). iValeurs Actuelles/i n'a lui discerné « iqu'un léger sourire/i » sur le visage d'Olivier Faure. La construction continue de la centralité du PS dans l'agenda et le commentariat médiatiques trahit le point de vue qu'adoptent à l'unanimité les rédactions : celui du gouvernement, suspendues qu'elles sont, comme lui, aux moindres faits et gestes des députés PS. À tel point que les journalistes leur courent après et le signifient à l'antenne. Guillaume Daret : « iAllez, on va faire les couloirs du palais Bourbon pour essayer de vous trouver un socialiste qui veut parler !/i » (BFM-TV, 14/10). Le landerneau politique se les arrache et leur réserve les plus hauts-lieux du PAF : « iToutes les caméras étaient bloquées sur vous aujourd'hui, c'est vous qui détenez la clef de la survie du gouvernement/i », résume Jean-Baptiste Boursier face à Olivier Faure, invité du 20h de TF1 (14/10). « iVous êtes le vice-Premier ministre/i », lui lance carrément Apolline de Malherbe, le lendemain matin, sur BFM-TV (15/10). « iLe Premier ministre, c'est lui/i », confirme Guillaume Tabard (iLe Figaro/i, 15/10). « iOlivier Faure savoure/i »… et iLibération/i profite : « iLes socialistes peuvent revendiquer une victoire symbolique/i », explique Charlotte Belaïch (15/10). « iUne victoire en forme de première étape/i », pour iLe Parisien/i (15/10). « iLes succès se font rares/i » pour le PS, note iL'Écho Républicain/i (15/10) : « iCelui glané hier dans l'Hémicycle est considérable./i » « iLe PS fait plier Lecornu sur les retraites/i » titre encore iL'Union/i (15/10). Journaliste… ou attaché de presse ?/p
pEt Élizabeth Martichoux de dévoiler un autre – si ce n'est le principal – motif de satisfaction parmi l'éditocratie (LCI, 14/10) :/p
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pstrongÉlizabeth Martichoux :/strong Je parlais d'une victoire d'Olivier Faure mais elle est double, parce qu'effectivement, ce sera le coup de grâce [pour les Insoumis] ! Et là évidemment, LFI va se déchaîner, mais le Parti socialiste aura fait ce qu'il a manqué de faire depuis des années, du point de vue de ceux qui défendent la social-démocratie, c'est-à-dire couper court à un accord avec Jean-Luc Mélenchon et ses députés./p
/blockquote
pTrier le bon grain (« réformateur ») de l'ivraie (« jusqu'au boutiste ») ? Les prescriptions ordinaires de l'éditocratie. Diaboliser La France insoumise en applaudissant le « décrochage » du PS du NFP ? Son passe-temps depuis deux ans. a href="https://www.acrimed.org/Bernard-Cazeneuve-ou-la-gauche-dont-revent-les"Peser de tout son poids sur la définition de « la gauche »/a ? Son militantisme ordinaire. Ainsi les chefferies médiatiques profitent-elles de cette séquence de recomposition politique pour jouer les arbitres des élégances, bien décidées à s'assurer que le PS rentre dans le rang – l'avait-il déjà quitté ? « iIls ont été capables de montrer qu'ils pouvaient s'émanciper clairement de La France insoumise/i », les congratule la journaliste Marie-Aline Meliyi sur LCI (14/10). Rejointe sur cette ligne par sa collègue Ruth Elkrief, un peu plus tard dans la soirée :/p
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pstrongRuth Elkrief :/strong C'est une victoire politique très importante pour [le Parti socialiste] dans leur chemin d'autonomisation par rapport à LFI et dans le chemin de reprise de leur ascendant au sein de la gauche. C'est un moment clef ! Donc il faudra bien profiter de ce moment-là.../p
/blockquote
piLibération/i ne boude pas non plus son plaisir : Charlotte Belaïch décrit ainsi les Insoumis comme des rabat-joie, « iconcentrés à dégonfler la victoire brandie par les roses/i » (15/10). Toujours aussi brillant. « iLes Insoumis [cherchent] à minorer la concession accordée ce mardi par Lecornu/i », regrette aussi iLe Parisien/i (15/10). L'article ne s'attarde pas sur les critiques insoumises, mais prend tout de même le temps de dire qu'elles sont « ibalayées par le PS/i ». L'espoir d'une relégation de LFI réjouit bien sûr au iFigaro/i, où l'on affirme que « iles socialistes se sont même offert le luxe de s'émanciper [...] des Insoumis et de leurs acolytes écologistes/i » (15/10), comme au iTélégramme/i (15/10), qui considère lui que les « isocialistes se dégagent de l'emprise des Insoumis et abordent les municipales en meilleure posture/i ». Comme souvent, la synthèse est livrée dans iLe Monde/i (15/10) : « iSigne que la piste [de la suspension de la réforme des retraites] n'est pas inintéressante, cette perspective a semblé gêner Jean-Luc Mélenchon./i » « Gêner LFI » devenu le critère d'appréciation des faits politiques dans toute la presse : aveu involontaire ? La meilleure version de ce refrain sera indubitablement chantée sur BFM-TV, dans une version crue et sans arrangements. Après que les députés Laurent Baumel (PS) et Alma Dufour (LFI) ont débattu en plateau, les journalistes-arbitres résument ce qu'ils veulent bien en retenir :/p
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pstrong- Alain Marschall :/strong [...] De ce qu'on peut voir sur notre plateau en direct, j'ai l'impression qu'en fait, la France insoumise va pourrir le débat parlementaire !/p
pstrong- Antoine Oberdorff (iL'Opinion/i) :/strong Va même souiller la copie en réalité !/p
/blockquote
pLa presse est donc à l'unisson : la « suspension » de la réforme des retraites est une « victoire majeure » pour le PS, le signe prometteur d'une renaissance de la « gauche de gouvernement » et une chance inespérée pour la stabilité du pouvoir macroniste./p
pNaturellement, les plus éminents journalistes politiques savent être au rendez-vous de cette vaste séquence de dépolitisation. Dans iLe Monde/i (15/10), Olivier Pérou fait ainsi des « révélations », pas peu fier de nous faire profiter de son entregent ! Ayant visiblement accès aux SMS de François Hollande, la fine fleur nous narre les coulisses de cet accord de non-censure entre la macronie et le PS : théâtre dans le théâtre. Et comédie maximale sur LCI, où l'on ne sait plus quoi inventer pour prôner la non-censure. C'est Renaud Pila qui ouvre le bal : « iVous savez, je crois que plus on s'approche des fêtes de Noël, plus une immense majorité des Français va dire "mais c'est pas possible, on a la tête ailleurs, on a des problèmes de pouvoir d'achat". Et en novembre ou en décembre on va faire tomber le gouvernement ?!/i » Nous connaissions « les grèves doivent s'arrêter parce que Noël arrive », voici venu le temps de « Sébastien Lecornu doit rester parce que Noël arrive ». L'esprit de l'éditorialiste y voit néanmoins un lien logique, car qui dit stabilité retrouvée dit espoir de réforme :/p
blockquote class="spip"
pstrong- Pascal Perri :/strong Je me réjouis qu'à court terme on ne rentre pas dans des guerres picrocholines... ou des élections... vous vous rendez compte ? Enfin, des élections... juste avant Noël, ou juste après Noël, dans un pays qui a une hypersensibilité politique.... on n'avait pas besoin de ça !/p
pstrong- David Pujadas :/strong Donc le jeu en valait la chandelle ? Céder sur toutes les exigences du Parti socialiste, le jeu en valait la chandelle ?/p
pstrong- Pascal Perri :/strong Oui, mais il faudra faire la réforme des retraites./p
pstrong- David Pujadas :/strong Plus tard ?/p
pstrong- Pascal Perri :/strong Dès que possible./p
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pDerrière les applaudissements de façade, les chiens de garde ruminent et veillent au grain. « iLe sort économico-politique du paquebot France, toujours en proie à la voie d'eau d'un déficit incolmatable, attendra/i », se désole-t-on par exemple au iBerry Républicain/i. « i[F]aire l'autruche ne sera pas plus à la hauteur demain/i », prévient aussi Olivier Biscaye, directeur de la rédaction de iLa Provence/i (15/10). Même tonalité à la tête du iParisien/i (15/10), où le chef adjoint, Olivier Auguste, s'adresse fermement à tous les futurs candidats à l'élection présidentielle, lesquels « idevront [...] bien expliquer que, sauf à se diriger vers l'effondrement du système par répartition, il faut trouver des façons acceptables de prolonger la carrière des Français […]. À moins de leur faire croire que, de la prolongation du déni, naîtra une solution […]./i »/p
/br
centerstrong***/strong/center
p/brÀ l'été 2024, les grands médias réussissaient à a href="https://www.acrimed.org/La-bataille-pour-Matignon-comment-les-medias-ont"faire oublier le résultat des élections législatives/a. Un an plus tard, obnubilé par la sauvegarde du gouvernement Lecornu, le journalisme de cour applaudit le sacro-saint « compromis » de la (non garantie) « suspension de la réforme des retraites »… pour mieux oublier tout le reste : accessoirement, un budget qui accumule les mesures anti-socialesspan class="spip_note_ref" [a href="#nb2" class="spip_note" rel="appendix" title="Une « violente cure d'austérité » selon la CGT (15/10). Lire « Austérité, (…)" id="nh2"2/a]/span et « idont les principales mesures ressemblent furieusement à celles du budget Bayrou/i », selon la très gauchiste iDépêche/i (15/10). Le tout au mépris du pluralisme, mais aussi de la déontologie la plus élémentaire. Manifeste, la co-construction de l'information politique bat son plein, à mesure que les commentateurs distribuent leurs bons (et mauvais) points au sein de « la gauche », adoubant le PS, diabolisant LFI. Et si l'exercice relève parfois de la pratique routinière et dépolitisée du journalisme politique, la plupart des chefferies médiatiques campent résolument leur rôle d'acteurs politiques dans la séquence, au service d'un seul et même objectif : préserver l'ordre./p
p/brstrongPauline Perrenot/strong et strongJérémie Younes/strong/p/div
hr /
div class='rss_notes'div id="nb1"
pspan class="spip_note_ref"[a href="#nh1" class="spip_note" title="Notes 1" rev="appendix"1/a] /spanVoir également a href="https://www.acrimed.org/Contre-reforme-des-retraites-elements-de-langage"« Contre-réforme des retraites, éléments de langage médiatique »/a, 14/03/2023 et a href="https://www.acrimed.org/Retraites-les-debats-desequilibres-de-C-a-vous"« Retraites : les débats déséquilibrés de "C à vous" »/a, 16/02/2023./p
/divdiv id="nb2"
pspan class="spip_note_ref"[a href="#nh2" class="spip_note" title="Notes 2" rev="appendix"2/a] /spanUne « iviolente cure d'austérité/i » a href="https://www.cgtservicespublics.fr/IMG/pdf/cp_de_la_cgt-_suspensionretraites-_141025.pdf?41068/932762b0767f1d59650e88528396abf855d5b742a72f1b0407b68d157a7aa123" class="spip_out" rel="external"selon la CGT/a (15/10). Lire a href="https://www.alternatives-economiques.fr/austerite-injustices-politique-de-loffre-un-budget-lecornu-rupture/00116581" class="spip_out" rel="external"« Austérité, injustices, politique de l'offre : un budget Lecornu sans rupture »/a, iAlternatives économiques/i, 16/10./p
/div/div
mer, 2025-10-15 10:31
img src='https://www.acrimed.org/local/cache-vignettes/L118xH150/logo56-59f7c.jpg?1760517105' class='spip_logo spip_logo_right' width='118' height='150' alt="" /
div class='rss_chapo'pLe iMédiacritiques/i n°56 sortira de l'imprimerie le 27 octobre. À commander dès maintenant a href="https://boutique.acrimed.org/mediacritiques" class="spip_out" rel="external"sur notre site/a ou à retrouver en librairie. Et surtout, a href="https://boutique.acrimed.org/adhesion-abonnement" class="spip_out" rel="external"abonnez-vous/a !/p/div
div class='rss_texte'/br
div class='spip_document_16233 spip_document spip_documents spip_document_image spip_documents_center spip_document_center'
figure class="spip_doc_inner" a href='https://www.acrimed.org/IMG/jpg/une56.jpg' class="spip_doc_lien mediabox" type="image/jpeg" img src='https://www.acrimed.org/local/cache-vignettes/L400xH510/une56-53201-d7598.jpg?1760517105' width='400' height='510' alt='' //a
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/divdiv class='spip_document_16232 spip_document spip_documents spip_document_image spip_documents_center spip_document_center'
figure class="spip_doc_inner" a href='https://www.acrimed.org/IMG/jpg/sommaire56.jpg' class="spip_doc_lien mediabox" type="image/jpeg" img src='https://www.acrimed.org/local/cache-vignettes/L400xH510/sommaire56-a35f7-f61a9.jpg?1760517105' width='400' height='510' alt='' //a
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/div
p/brCe numéro ne sera pas plus diffusé en kiosques que les précédents. Vous pourrez cependant le trouver dans les librairies a href="https://www.acrimed.org/-Mediacritiques-"listées ici/a, ainsi que sur a href="https://boutique.acrimed.org/mediacritiques" class="spip_out" rel="external"notre boutique en ligne/a./p
pEt surtout, abonnez-vous ! Pour cela, rendez-vous a href="https://boutique.acrimed.org/adhesion-abonnement" class="spip_out" rel="external"sur notre boutique en ligne/a. Vous pouvez également nous soutenir en a href="https://boutique.acrimed.org/adhesion-abonnement" class="spip_out" rel="external"adhérant/a à l'association ou en a href="https://boutique.acrimed.org/don" class="spip_out" rel="external"faisant un don/a./p
pTous les anciens numéros sont (ou seront) a href="https://www.acrimed.org/-Mediacritiques-"en accès libre ici/a./p/div
lun, 2025-10-13 11:37
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div class='rss_chapo'pSeptembre 2025. Bribes du naufrage, ici et là./p/div
div class='rss_texte'p/brstrongTF1 et France 2 · 5-14/09./strong C'est une hiérarchie de l'information ordinaire. Face à l'anéantissement méthodique de Gaza-ville, les JT de 13h et 20h assurent le service minimum. Entre le 5 et le 14 septembre selon a href="https://www.arretsurimages.net/articles/offensive-israelienne-a-gaza-ville-ce-que-les-jt-ne-vous-ont-pas-raconte" class="spip_out" rel="external"une étude d'Arrêt sur images/a, 13h et 20h cumulés, France 2 « iévoquera Gaza durant près de cinq minutes au total sur dix jours, quand TF1 y consacrera près de huit minutes./i » Confrontées à cette « iprésence modérée de Gaza à l'antenne/i », dixit iTélérama/i (23/09), les deux chaînes déroulent leur argumentaire dans les pages de l'hebdomadaire. Directrice adjointe de l'information à France Télévisions, Muriel Pleynet explique la « inécessité de respecter une forme d'équilibre entre les deux bords/i », « id'avoir une ligne très factuelle/i » et de ne pas « iêtre dans le parti-pris/i ». On apprend par ailleurs que France 2 « in'utilis[e] pas le mot "génocide" car, pour l'instant, le droit international ne parle pas de "génocide"/i ». Tout simplement. Du côté de TF1, Gilles Bouleau « ia utilisé pour la première fois ce mot mardi 16 septembre [2025]/i » pour citer les conclusions de la commission d'enquête indépendante de l'ONU. Le maigre traitement de Gaza ? Le présentateur et rédacteur en chef du 20h avance qu'« ion a choisi de ne pas feuilletonner, ni de tenir tous les jours la "chronique" de cette guerre/i ». Et de poursuivre en se disant attaché à ce que la rédaction de TF1 ne soit pas « iinstrumentalisée, que ce soit par le Hamas ou les autorités israéliennes/i » : « iIl nous faut des journalistes expérimentés, à équidistance, pas des militants/i ». Bref, l'autocritique journalistique est loin d'être à l'ordre du jour./p
/br
centerstrong***/strong/center
p/brstrongSud Radio · 8/09./strong C'est un interrogatoire ordinaire. À peine évoque-t-elle la flottille humanitaire pour Gaza que la députée Clémence Guetté (LFI) affronte la hargne de son intervieweur :/p
blockquote class="spip"
pstrong- Jean-François Achilli :/strong La flottille avec madame Adèle Haenel ? On parle de la même, hein ? i[Oui, exactement.]/i Vous savez qu'Adèle Haenel, c'est quand même une personnalité du monde du cinéma qui a compté au départ de MeToo, hein ? i[Oui...]/i Et vous trouvez normal qu'elle participe à une flottille qui va soutenir, quelque part, de fait, un mouvement terroriste qui a commis autant de féminicides le 7 octobre ?/p
/blockquote
pDurant la minute trente qui suit, Clémence Guetté est interrompue 14 fois, soit une fois toutes les six secondes : « iLe Hamas tient toujours Gaza hein !/i » ; « iRien à voir avec le Hamas ? Vous dissociez les choses ?/i » ; « iVous dites quoi [au] Hamas ? Vous dites quoi ?! "Rendez les otages" ?/i » ; « iNon, non, attendez ! [...] Vous dites quoi du Hamas ?! "Rendez les otages" ? "Arrêtez la guerre" ?/i » En boucle./p
/br
centerstrong***/strong/center
p/brstrongLCI · 10/09./strong C'est une causerie ordinaire. Alors que l'État d'Israël vient de bombarder une résidence à Doha (Qatar), les journalistes en plateau lui donnent quitus. « iC'est la signature du Mossad et globalement d'Israël : nous frappons qui nous voulons, où nous voulons, quand nous voulons. Aucun agresseur d'un juif dans le monde ne sera épargné, ne sera à l'abri nulle part/i », affirme le lieutenant porte-parole… Christophe Barbier (10/09). L'éditorialiste poursuit en expliquant pourquoi le Qatar est certes un pays ici attaqué, mais surtout un « ipays ambivalent, hypocrite pourrait-on dire/i », qui « in'est pas la Suisse/i », ayant d'un côté « ide très bonnes relations avec […] la France de Sarkozy comme la France de Macron/i » et, de l'autre, « icapable de financer des mouvements terroristes/i ». La réaction de l'animatrice va ensuite délier les langues :/p
blockquote class="spip"
pstrong- Anaïs Bouton :/strong Il joue un double-jeu franchement dégoûtant, non ? Et c'est la vie ?!/p
pstrong- Christophe Barbier :/strong Non mais attendez… nous sommes en Orient ! Nous sommes en Orient !/p
pstrong- Anaïs Bouton :/strong Ah ! i[Éclats de rire en plateau.]/i/p
pstrong- Christophe Barbier :/strong Ah oui ! C'est pas les mêmes critères !/p
/blockquote
p« Le journalisme ». Emmanuelle Ducros – qui affirmait un peu plus tôt n'être « ipas très sûre d'avoir compris tous les tenants et les aboutissants de cette affaire/i » – est naturellement chargée de conclure ce plateau dégoulinant de racisme, en pleine démonstration de sa supériorité « occidentale » :/p
blockquote class="spip"
pstrong- Emmanuelle Ducros :/strong Ce qui est spectaculaire, c'est de voir que quelles que soient les ambitions du Qatar d'être cette Suisse ambivalente, c'est quand même un gruyère ! i[Ricanements en plateau.]/i Parce qu'on peut attaquer au cœur du pays et… et voilà !/p
pstrong- Anaïs Bouton :/strong Magnifique conclusion Emmanuelle Ducros, merci beaucoup ! C'est maintenant l'heure de [la chronique] « Y a qu'en France que ça se passe comme ça »./p
/blockquote
pC'est peu de le dire./p
/br
centerstrong***/strong/center
p/brstrongX · 14/09./strong C'est un Plantu ordinaire./p
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div class='spip_document_16229 spip_document spip_documents spip_document_image spip_documents_center spip_document_center'
figure class="spip_doc_inner" img src='https://www.acrimed.org/local/cache-vignettes/L400xH427/1_plantu-8fa12.png?1760347489' width='400' height='427' alt='' /
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p/brstrongRTL · 15/09./strong « iDans quelques jours, le président Macron va aller reconnaître l'État de Palestine à l'ONU. Ça vous inspire quoi ?/i » C'est une question ordinaire. Sauf que l'interviewé est chanteur et qu'en octobre 2023, il appelait à « idégommer/i » « ipeut-être physiquement/i » les membres de LFI (CNews, 10/10/2023). Un propos sans aucune incidence sur son capital médiatique : après deux ans d'interventions publiques constantes en soutien de l'État d'Israël, Enrico Macias se voit dérouler un énième tapis rouge pour soutenir que « iles Palestiniens ne veulent pas faire la paix/i » et que Netanyahou « ise défend contre les Palestiniens. C'est tout./i » Et c'est offert par RTL./p
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p/brstrongFrance Info · 15/09./strong C'est un rappel à l'ordre ordinaire. Dans le cadre d'une discussion sur les actions du mouvement de solidarité en Espagne, Fabienne Messica, membre de la direction de la LDH, relève que le pays « ia été un des premiers […] à reconnaître qu'il y avait un génocide/i ». Grand seigneur, le présentateur Loïc de la Mornais n'interrompt pas sa prise de parole. Il se contente d'en attendre la fin pour la discréditer : « iEt je précise, vous avez employé le mot de génocide et c'est… voilà, les historiens le diront. […] En tout cas, ce n'est pas sur ce plateau que moi je vais le trancher. […] Chacun fera son travail plus tard./i » Voilà pour le coup droit. Le revers arrive avec l'intervention suivante, signée Patrick Martin-Genier, expert multimédias sur les « iquestions européennes et internationales/i » :/p
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pstrongPatrick Martin-Genier :/strong Je crois malheureusement qu'on oublie qu'il y a eu le 7 octobre […], le plus grand pogrom depuis la seconde guerre mondiale. […] Je ne dis pas qu'il faut légitimer tout ce que fait Israël à Gaza mais en tout cas, on a oublié cela […]. Et je crois que lorsqu'on parle de la reconnaissance d'un État palestinien, mais strongc'est quoi l'État palestinien ?/strong Pour l'instant, c'est le Hamas qu'on n'a toujours pas éliminé […], strongc'est le Hezbollah également dans le sud Liban/strong et donc tous ces gens qui veulent la destruction d'Israël. Donc je ne veux pas tout justifier, mais on oublie l'histoire. L'histoire proche des Israéliens qui ont été assassinés, des bébés qui ont été brûlés, des femmes qui ont été éventrées, et je crois qu'on oublie cela./p
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pD'une durée de deux minutes et trente secondes – sans la moindre interruption, fait rare sur un plateau –, cette tirade d'« expert » s'est conclue quant à elle en douceur : sans l'ombre d'un rappel à l'ordre./p
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p/brstrongLCI · 16/09./strong « iMerci colonel. Nous voulions passer ces quelques minutes avec un porte-parole de Tsahal pour mieux comprendre./i » C'est une révérence ordinaire : Éric Brunet vient de terminer son « interview » avec Olivier Rafowicz, auquel il donne tout du long du « imon colonel/i ». Après lui avoir passé les plats pour parler de « icette grande offensive qu'on attendait/i », Éric Brunet remet une couche de cirage au terme du duplex :/p
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pstrongÉric Brunet :/strong [Olivier Rafowicz] a beaucoup parlé mais ça a permis à ceux qui regardent LCI de comprendre ce qui se passe en ce moment même à Gaza. strongNous avons eu tout à l'heure l'intervention de ce journaliste, qui a passé une nuit très difficile dans Gaza/strong, et nous suivrons de très très près sur LCI le sort des populations civiles dans cette offensive lancée ce matin par l'armée israélienne./p
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pLe journaliste palestinien qu'Éric Brunet ne prend pas la peine de nommer est Rami Abou Jamous, dont un « face cam » enregistré – d'une minute à peine – a été diffusé par LCI avant l'interview, en direct, du porte-parole de l'armée israélienne. Bilan des courses ? Un temps de parole près de dix fois supérieur pour le second, et des conditions d'expression incomparablement meilleures. Rien à dire : LCI se donne effectivement tous les moyens de « isuivre de très très près le sort des populations civiles/i »./p
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p/brstrongFrance 5 · 16/09./strong C'est un expert médiatique ordinaire. Nous sommes le jour de la publication du rapport de a href="https://news.un.org/fr/story/2025/09/1157475" class="spip_out" rel="external"la commission d'enquête indépendante de l'ONU/a concluant à l'existence d'un génocide à Gaza, mais certains médias disposent de savants autrement mieux informés. Après avoir brillé le matin dans la matinale de BFM-TV/RMC, celui que Blast décrit comme a href="https://www.blast-info.fr/articles/2025/cher-frederic-encel-boxing-day-39-M2Q6DJ2WQ5i_AS-a5_bzcg" class="spip_out" rel="external"« iune sorte de généraliste spécialiste/i »/a, ialias/i Frédéric Encel, débarque dans « C à vous ». Pour refuser la qualification de génocide : « iNe galvaudons pas les termes ! Ou alors, il faut baptiser différemment ce qui s'est produit en 1915 [...] contre les Arméniens, pendant la Shoah, qui a concerné les juifs mais également les tziganes, et les Tutsis rwandais. Et j'ajoute l'ex-Yougoslavie. Donc je ne suis pas pour le galvaudage des termes./i » Juriste et historien : deux casquettes de plus à épingler au brillant CV du « géopolitologue » médiatique./p
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p/brstrongFrance Info · 17/09./strong C'est un journal d'actualité ordinaire. Diffusé à 15h, un bulletin d'information a encore été malencontreusement confondu avec un communiqué de l'armée israélienne : « iTsahal indique avoir frappé plus de 150 cibles, poussant des milliers d'habitants sur les routes. strongPour leur permettre de fuir ce matin/strong, Israël a annoncé l'ouverture d'une nouvelle route de passage temporaire./i »/p
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p/brstrongFrance Inter · 17/09./strong C'est une invitation ordinaire. « iBonjour Joshua Zarka, merci d'être avec nous ce matin sur France Inter, alors que l'armée israélienne a lancé hier son offensive terrestre sur la ville de Gaza./i » Face à Benjamin Duhamel, l'ambassadeur d'Israël en France n'en espérait sans doute pas tant. Netanyahou sous mandat d'arrêt international pour crimes contre l'Humanité ? La matinale radio s'obstine à octroyer une exposition de premier plan à l'un de ses porte-parole. Naturellement, il arrive ce qui devait arriver : « iCe n'est pas un génocide quand on demande à la population de se retirer de là où ont lieu les attaques./i » La promotion du n'importe quoi – qui valut à France Inter a href="https://x.com/amnestyfrance/status/1968303442855920034" class="spip_out" rel="external"une réaction immédiate d'Amnesty International/a – fait en prime les gros titres de l'émission : « iPour Joshua Zarka, le terme de génocide "est utilisé comme un terme politique, pas comme un terme légal"./i » Et l'information sur le rapport de la commission de l'ONU, dans tout ça ? Inexistante./p
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p/brstrongX · 17/09./strong C'est un crachat ordinaire. « iIsraël éradique le Hamas. Sans prendre de gants et brutalement. Mais tous les autres pays – même les pays arabes qui sont empoisonnés par les palestiniens depuis +80 ans – attendent juste qu'Israël finisse le job tout en s'indignant en façade. Ça déplaît mais c'est la réalité./i » Xavier Gorce. Le maître à penser des pingouins./p
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p/brstrongLCI · 17/09./strong Ce n'est pas un mea culpa ordinaire. « iTrès vite [après le 7 octobre], on s'est dit : "Où vont-ils ? Il n'y a pas d'objectif politique." Et puis, je fais partie des gens qui se sont trompés, c'est-à-dire qu'il y avait un objectif politique. On l'a vu, c'était en effet, finalement, une forme d'épuration ethnique, d'essayer de rendre Gaza invivable pour forcer les Gazaouis à partir./i » 23 mois : le temps d'un revirement public pour la grand reporter de iL'Express/i, Marion Van Renterghem. Où sont les équivalents parmi les commentateurs les plus en vue ?/p
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p/brstrongCNews · 18/09./strong C'est un commentaire ordinaire. Au beau milieu de bavardages (à charge) à propos de la mobilisation sociale du 18 septembre, le plateau se déchaîne contre les drapeaux palestiniens visibles dans le cortège parisien. Rachel Khan éructe :/p
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pstrongRachel Khan :/strong Ce drapeau ne symbolise pas du tout le peuple palestinien, il symbolise dans nos rues une colonisation de l'espace public, une colonisation des esprits parce que derrière ce drapeau, c'est le palestinisme ! C'est la victoire du Hamas dans nos rues, c'est la haine d'Israël, c'est la haine des juifs, c'est la haine du peuple libre ! Et puis c'est un drapeau qui symbolise l'instrumentalisation des masses, l'instrumentalisation de nos jeunes. C'est aussi le drapeau qui efface le 7 octobre, c'est le drapeau qui efface l'ensemble des victimes./p
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pDiscours quotidiens, quotidiennement tolérés par l'Arcom. Quelques jours plus tard, sur la même antenne : « i[Le drapeau palestinien] est vu aujourd'hui comme étant le drapeau de l'islamisme vainqueur, de l'islamisme conquérant […], des antisémites. Et c'est le drapeau d'un communautarisme. [...] Et derrière cette cause palestinienne, vous avez la cause djihadiste qui, naturellement, méprise les juifs mais au-delà des juifs, méprise l'Occident dans lequel cet islam-là s'est imprégné./i » Signé Ivan Rioufol. La haine, H24./p
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p/brstrongFrance Inter · 18/09./strong C'est un lundi matin ordinaire. Sophia Aram est en pleine forme. Et pour cause : une flottille est de nouveau en route pour Gaza. La boute-en-train renoue pour l'occasion avec le jeu des surnoms – « iLady Gaza/i » pour Rima Hassan ; « iMiss Krisprolls/i » pour Greta Thunberg –, et partage ses traits d'esprit, hilare face à un équipage qui « icontinu[e] ses ronds dans l'eau, avec à son bord deux kilos de pâté vegan, un pack de Palestine Cola et trois boîtes de protections périodiques/i ». La mission humanitaire ? « iSe dorer la nouille en Méditerranée sur des voiliers à 6 000 boules par jour co-financés par les proxys du Hamas./i » Mais encore ? Un « icirque pour aller chercher trois sandwichs et un vol retour auprès de l'armée israélienne/i ». À ce stade, la médiocrité annulerait presque l'indécence./p
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p/brstrong iLe Point/i · 18/09./strong C'est une pleine page ordinaire dans un hebdomadaire. À court d'éditorial, d'interview ou de tribune contre la reconnaissance de l'État de Palestine par la France ? Pas de panique ! La direction du iPoint/i a la solution toute trouvée : publier tel quel un communiqué du réseau « Agir ensemble » – « Et si tous les pays arabes reconnaissaient enfin Israël ? » –, à la pointe de la rigueur historiquespan class="spip_note_ref" [a href="#nb1" class="spip_note" rel="appendix" title="On y apprend par exemple que « le conflit israélo-arabe » a débuté au (…)" id="nh1"1/a]/span. Étonnant… ou pas : le communiqué en question fut projeté la veille, à Paris, lors du a href="https://www.agirensemble.org/rass-pour-la-verite" class="spip_out" rel="external"meeting « icontre la reconnaissance d'un État palestinien sans conditions/i »/a co-organisé par « Agir ensemble » et Elnet, l'un des principaux lobbies pro-Israël en France. Le tout en compagnie d'éminents représentants de CNews (Paul Amar, Rachel Khan, Michel Onfray, etc.) et de quelques personnalités politiques, de Manuel Valls à Caroline Yadan en passant par David Lisnard./p
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figure class="spip_doc_inner" img src='https://www.acrimed.org/local/cache-vignettes/L500xH326/2_lepoint-30797.png?1760347489' width='500' height='326' alt='' /
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p/brstrong iLe Figaro/i · 19/09./strong/p
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figure class="spip_doc_inner" img src='https://www.acrimed.org/local/cache-vignettes/L500xH315/3_lefigaro-0a8c4.png?1760347489' width='500' height='315' alt='' /
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p/brC'est un gros titre ordinaire. Et iLe Figaro/i fait d'une pierre quatre coups : convertir la question politique de l'État de Palestine en une question identitaire ; essentialiser les « iFrançais juifs/i » ; a href="https://www.acrimed.org/Dans-les-medias-la-reconnaissance-de-la-Palestine"invisibiliser les voix palestiniennes/a ; et établir un lien entre la reconnaissance et « iles niveaux très élevés/i » des « iactes antisémites/i » en France. Le niveau très élevé d'islamophobie culmine quant à lui dans les pages intérieures :/p
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pstrongStéphane Kovacs :/strong Expert en stratégie numérique et coauteur de iLa Fin des juifs/i de France ?, Didier Long considère que quelque « i150 000 Juifs, vivant directement au contact de populations arabo-musulmanes, sont en danger aujourd'hui en France/i ». « iReconnaître la Palestine aujourd'hui, c'est mettre une cible dans le dos des Juifs du monde entier/i », craint-il./p
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pEt l'avalanche raciste de se poursuivre – « icette décision qui vise à calmer les banlieues aura l'effet inverse : cela importera encore plus le conflit sur notre territoire, en y légitimant la violence/i » – sans le début du commencement d'une contradiction : iLe Figaro/i en roue libre./p
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p/brstrong iL'Éclair des Pyrénées/i · 20/09./strong « iEn quoi la reconnaissance d'un État palestinien facilitera la paix au Proche-Orient ? Voudrait-on importer en France le conflit israélo-palestinien qu'on ne s'y prendrait pas autrement./i » C'est un éditorial ordinaire. Signé Patrice Carmouze – et oui, il existe encore un journal pour le prendre au sérieux./p
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p/brstrongT18 · 20/09./strong C'est une démonstration de mépris ordinaire. Après que Pierre Jacquemain (iPolitis/i) a dénoncé le génocide à Gaza commis par « iune armée face à un peuple qui est démuni/i », Jean Quatremer lui saute à la gorge :/p
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pstrong- Jean Quatremer :/strong C'est insupportable ! Quand je vous entends dire que l'armée israélienne ne se bat contre personne mais contre le peuple palestinien... mais c'est un pur scandale de dire une chose pareille ! [...] Israël ne se bat pas contre le peuple ! Israël se bat contre le Hamas ! Si le Hamas demain rend les otages, dépose les armes, ça s'arrête. [...] Dire que c'est une guerre contre le peuple palestinien, c'est purement scandaleux ! [...]/p
pstrong- Pierre Jacquemain :/strong 60 000 civils… [Coupé]/p
pstrong- Jean Quatremer :/strong C'est pas 60 000 civils ! C'est 30 000 civils, et 30 000 combattants, déjà ! Rien que là-dessus, voyez, sur les chiffres ! Donc on peut continuer longtemps là-dessus la mauvaise foi./p
pstrong- Pierre Jacquemain :/strong [30 000], c'est quand même pas mal.../p
pstrong- Jean Quatremer :/strong Oui mais ça, c'est de l'importation du conflit justement et c'est tenter de tordre la réalité. strongJe vous demande de faire du journalisme/strong !/p
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pC'est un expert qui parle : un mois plus tôt, a href="https://www.mediapart.fr/journal/international/220825/l-offensive-gaza-fait-au-moins-83-de-morts-civils-selon-les-chiffres-de-l-armee-israelienne" class="spip_out" rel="external"une enquête conjointe de journalistes israéliens et britanniques/a, basée sur des données des services de renseignements israéliens, faisait état de 83% de civils tués à Gaza entre octobre 2023 et mai 2025 sur un bilan – par ailleurs largement sous-estimé – de 53 000 morts. En d'autres termes, au moins 44 100 civils. Mais à l'évidence, celui qui enjoint de « ifaire du journalisme/i » n'en est pas à 10 000 morts palestiniens près./p
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p/brstrongPublic Sénat · 22/09./strong C'est un transfert ordinaire. Après Maël Benoliel, a href="https://www.acrimed.org/Gaza-une-inflexion-mediatique-en-trompe-l-oeil"recruté par le bureau « Moyen-Orient » de France Télévisions/a, voici qu'un autre journaliste d'i24News est embauché comme éditorialiste officiel sur le service public : Michaël Darmon, professionnel exigeant et passionné de droit international – la Cour internationale de justice rebaptisée « iconclave de l'inimitié juive/i », c'est de lui. Au cours de la saison 2024-25, il bénéficiait d'un a href="https://www.acrimed.org/i24News-un-rond-de-serviette-sur-France-Info"fauteuil sur France Info/a et officiait déjà sur Public Sénat sous le statut « éditorialiste i24News ». Il est depuis monté en grade, comme le laisse entendre son confrère Thomas Hugues au moment de présenter le plateau de l'émission « Sens Public » : « iBonsoir Michaël, bienvenue à vous. Éditorialiste politique pour "Sens Public", je rappelle que vous avez été vous aussi correspondant à Jérusalem./i » Puis éditorialiste pour une chaîne propagandiste et coutumière de discours génocidaires : dommage d'avoir oublié la précision./p
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p/brstrong iLe Parisien/i · 22/09./strong Ce n'est pas un éditorial ordinaire (mais un peu quand même). Déplorant « ile timing/i » de la reconnaissance de l'État de Palestine, « icar ceux qui se féliciteront bruyamment sont les bourreaux d'Israël/i », le directeur des rédactions Nicolas Charbonneau va jusqu'à se fâcher avec son Président chouchou : « iBien sûr, la France et ses alliés assureront que cette reconnaissance doit s'accompagner du démantèlement du Hamas – la blague –, mais ces discours à l'ONU iront bien droit au cœur des maîtres de Gaza./i » Et de poursuivre en suivant un lien de cause à effet pour le moins cavalier : « iQui peut […] croire que cette reconnaissance sans avoir obtenu jusqu'ici la moindre condition préalable strongmettra un terme à un antisémitisme débridé/strong ou aidera les populations civiles palestiniennes ?/i » Qui peut croire que quoi que ce soit mettra un terme à a href="https://www.acrimed.org/Cessez-le-feu-a-Gaza-les-oeilleres-et-les-partis"la couverture indigente que donne à voir jour après jour iLe Parisien/i depuis deux ans/a ?/p
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p/brstrongTMC · 22/09./strong C'est une consécration ordinaire. Et une double peine : « iÇa s'appelle/i Les nouveaux antisémites. Enquête d'une infiltrée dans les rangs de l'ultra gauche. iC'est sorti chez Albin Michel. Et voici le prochain numéro de/i Franc-Tireur iaussi, avec une nouvelle enquête signée de vous, et ça sort mercredi. Merci [Nora Bussigny] d'être venue sur le plateau de Quotidien !/i »/p
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figure class="spip_doc_inner" img src='https://www.acrimed.org/local/cache-vignettes/L500xH368/4_bussigny-2d3ab.png?1760347489' width='500' height='368' alt='' /
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p/brNon, Yann Barthès ne reçoit pas l'extrême droite partisane sur son plateau. Par contre, il sert régulièrement la soupe aux commentateurs qui promeuvent activement ses obsessions, de l'islamophobie (bon teint) à la haine de la gauche et des « inouveaux inquisiteurs/i », selon le titre du précédent livre de cette « iinfiltrée en terres wokes/i » (chez Albin Michel, déjà)./p
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p/brstrongMediapart · 24/09./strong C'est une manipulation de l'information ordinaire. Fin juillet 2025, l'ambassade israélienne en France a organisé un voyage de presse tous frais payés en Israëlspan class="spip_note_ref" [a href="#nb2" class="spip_note" rel="appendix" title="Aller-retour en avion, repas et nuits d'hôtel (de luxe). Seul le journal La (…)" id="nh2"2/a]/span. Alors que perdure le blocus de Gaza et que les journalistes internationaux y sont toujours interdits, il se trouve encore des journaux français pour répondre présent à ce type d'invitation. Cinq, en l'occurrence : iLe Journal du dimanche/i, iLe Figaro/i, iL'Express/i, iMarianne/i et iLa Croix/i. a href="https://www.mediapart.fr/journal/international/240925/israel-paye-le-voyage-des-journalistes-francais-pour-faire-sa-propagande" class="spip_out" rel="external"Comme le rapporte Mediapart/a, « ihormis le quotidien catholique et/i L'Expressi, aucun des trois autres n'a jugé utile de préciser que leurs articles avaient été rédigés dans le cadre d'un voyage concocté par l'ambassade israélienne/i ». Dans iMarianne/i (7/08), la directrice de la rédaction, Ève Szeftelspan class="spip_note_ref" [a href="#nb3" class="spip_note" rel="appendix" title="Lire son récent portrait paru sur Blast (11/10)." id="nh3"3/a]/span, livre même une caricature de « reportage embedded » au cœur d'« iune nation prête à rendre le moindre coup/i »… et au plus près des autorités militaires, dont le récit est recraché sans aucun recul. « iJe n'ai pas mentionné le cadre du voyage de presse car ce cadre n'était pas contraignant/i », affirme-t-elle à Mediapart. On n'en doute pas ! Et lorsque le journal lui demande si elle entrevoit « iun problème déontologique/i » dans sa démarche, la réponse est tout aussi tranquille : « iNon, et la preuve c'est que le papier que j'ai écrit était très équilibré./i »/p
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figure class="spip_doc_inner" img src='https://www.acrimed.org/local/cache-vignettes/L500xH319/5_marianne-65174.png?1760347489' width='500' height='319' alt='' /
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p/brstrongMediapart · 29/09./strong C'est un management ordinaire. Le 18 septembre, la directrice de iMarianne/i Ève Szeftel, encore elle, était visée par une motion de défiance votée par 71 % de la rédaction. « iEn tête des griefs formulés : son positionnement personnel pro-israélien/i », a href="https://www.mediapart.fr/journal/culture-et-idees/290925/est-entres-dans-une-guerilla-marianne-fortes-tensions-autour-de-la-directrice" class="spip_out" rel="external"rapporte Mediapart/a, que la directrice commente avec toute la franchise qu'on lui connaît : « iMarianne traite avec le souci de la contradiction et du pluralisme tous les sujets, celui-là comme les autres./i » Les plaintes des journalistes disent pourtant le contraire, témoignant d'un interventionnisme débridé concernant tout sujet lié de près ou de loin à la question palestinienne et à ses répercussions en France. Éditoriaux caricaturaux ; « ientretiens téléguidés/i » avec ses « iinterlocuteurs fétiches […] généralement favorables à l'action de Tsahal/i » ; reprises en main éditoriales, comme ce jour où une proposition d'article mettant en scène deux juristes « pour et contre » la caractérisation de génocide est devenue, iin fine/i, « iun débat entre deux juristes, le premier choisi par la directrice, qui a ensuite lui-même désigné son contradicteur/i »span class="spip_note_ref" [a href="#nb4" class="spip_note" rel="appendix" title="Le tout pour que tous deux se rejoignent à la fin sur le fait que le terme (…)" id="nh4"4/a]/span. Sans compter d'autres types de pratiques autoritaires, incluant un entretien sous forme de coup de pression avec une « ipigiste permanente/i », alors susceptible d'être promue rédactrice en cheffe du service culture :/p
blockquote class="spip"
pLa discussion s'était vite orientée sur la question israélo-palestinienne. Ève Szeftel a donné son point de vue – pour elle, « iil n'y a pas de génocide à Gaza/i » et les journalistes gazaoui·es, « ià partir du moment où ils ont des liens avec le Hamas, et ils en ont, sont des terroristes/i ». Pour offrir le poste à la journaliste, elle a posé comme condition que celle-ci soit alignée sur ses convictions. Raison avancée ? En tant que potentielle cheffe du service culture, la journaliste devrait recenser les boycotts en France d'artistes israélien·nes ou soutenant Israëlspan class="spip_note_ref" [a href="#nb5" class="spip_note" rel="appendix" title="Une version, précise Mediapart, contestée par Ève Szeftel." id="nh5"5/a]/span./p
/blockquote
pSans commentaire…/p
p… et en attendant le mois prochain./p
p/brstrongPauline Perrenot/strong/p/div
hr /
div class='rss_notes'div id="nb1"
pspan class="spip_note_ref"[a href="#nh1" class="spip_note" title="Notes 1" rev="appendix"1/a] /spanOn y apprend par exemple que « ile conflit israélo-arabe/i » a débuté au lendemain de la déclaration d'indépendance de l'État d'Israël, le 14 mai 1948, lorsque « ile monde arabe lui déclare la guerre pour l'effacer de la carte/i ». Ou encore qu'« ià sept reprises, les pays arabes puis les Palestiniens [ont] rejeté les propositions de paix et une "solution à deux États", toutes acceptées par l'État juif/i ». Entre autres./p
/divdiv id="nb2"
pspan class="spip_note_ref"[a href="#nh2" class="spip_note" title="Notes 2" rev="appendix"2/a] /spanAller-retour en avion, repas et nuits d'hôtel (de luxe). Seul le journal iLa Croix/i a pris en charge le transport, selon Mediapart./p
/divdiv id="nb3"
pspan class="spip_note_ref"[a href="#nh3" class="spip_note" title="Notes 3" rev="appendix"3/a] /spanLire a href="https://www.blast-info.fr/articles/2025/chere-eve-szeftel-boxing-day-51-KC4tdG6KQCuL52lAu1dC_g" class="spip_out" rel="external"son récent portrait paru sur Blast (11/10)/a./p
/divdiv id="nb4"
pspan class="spip_note_ref"[a href="#nh4" class="spip_note" title="Notes 4" rev="appendix"4/a] /spanLe tout pour que tous deux se rejoignent à la fin sur le fait que le terme génocide « iest dans le cas de Gaza instrumentalisé et ne correspond pas à la situation sur place/i », ainsi que le décrit Mediapart./p
/divdiv id="nb5"
pspan class="spip_note_ref"[a href="#nh5" class="spip_note" title="Notes 5" rev="appendix"5/a] /spanUne version, précise Mediapart, contestée par Ève Szeftel./p
/div/div
ven, 2025-10-10 08:47
img src='https://www.acrimed.org/local/cache-vignettes/L150xH84/arfifauvelle-6409e.png?1760078876' class='spip_logo spip_logo_right' width='150' height='84' alt="" /
div class='rss_chapo'pLe 25 septembre 2025, l'ancien président de la République Nicolas Sarkozy est condamné en première instance par le tribunal correctionnel de Paris à cinq ans de prison pour association de malfaiteurs avec exécution provisoire en raison d'un pacte de corruption noué avec le dictateur libyen Mouammar Kadhafi. Fabrice Arfi, journaliste à Mediapart ayant largement contribué à documenter ledit pacte, est invité sur le plateau de Marc Fauvelle sur BFM-TV quatre jours plus tard./p/div
div class='rss_texte'p« iJ'étais sur le plateau de BFM où je n'aurais jamais dû aller pour parler de la condamnation de Nicolas Sarkozy/i », a publiquement regretté Fabrice Arfi (Bluesky, 29/09). En effet… Verrouillé par un présentateur reconverti en avocat de Nicolas Sarkozy – dont il mobilise les arguments de « défense » sous couvert de « questions qui fâchent » et de « nuances » –, le dispositif met le journaliste de Mediapart en situation d'être tantôt un « adversaire politique » de l'ancien président, tantôt le porteur d'une « opinion » parmi d'autres. Nourrir le confusionnisme tout en ayant l'air de servir le « pluralisme » et la « contradiction » : tel est le bilan de ce formatage du débat public, où les faits et l'information sont noyés sous un conducteur de fausses questions… et de vrais à-peu-près./p
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h3 class='article_intertitres'Un journalisme de diversion/h3
p/brAlors que le journaliste de Mediapart dénonce la stratégie médiatique de l'ancien président – accuser les médias « vendus à la gauche » et « les juges rouges » –, l'intervieweur relaie au contraire, dès sa deuxième question, l'un des principaux arguments de la défense Sarkozy : « iC'est LA note qui a lancé la machine judiciaire./i » Le lancement de Marc Fauvelle est sans équivoque : la première partie de son interview sera consacrée à la fameuse « note Moussa Koussa », du nom du chef des services secrets extérieurs libyens de Kadhafi, un document révélé en 2011 par Mediapart. « iQue contient cette note ?/i », demande le présentateur à Fabrice Arfi. Alors que le journaliste de Mediapart explique ce que contient ce document, qui a permis de révéler une rencontre secrète entre le terroriste et chef des renseignements libyens Abdallah Senoussi et les proches de Nicolas Sarkozy, Marc Fauvelle ne rebondit pas sur « l'extraordinaire gravité » des faits qui sont évoqués face à lui… mais sur les arguments de la défense de l'ancien président, qui s'acharne sans succès depuis plus d'une décennie à discréditer cette « note » :/p
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pstrongMarc Fauvelle :/strong Nicolas Sarkozy dit que cette note est un faux. Il s'appuie d'ailleurs sur les mots de la présidente au moment de prononcer le jugement la semaine dernière, qui dit : « Il y a aucun élément qui a permis de corroborer le contenu de la note qui apparaissait déjà fragile. » Je cite les mots de la présidente du tribunal. Le plus probable est que ce document Mediapart soit un faux. Est-ce que vous vous êtes trompé ?/p
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pSi la question est d'un premier abord légitime, Marc Fauvelle ne se contente pas de la réponse de Fabrice Arfi sur cette affaire pourtant déjà jugée 3 fois – à chaque fois pour donner raison à Mediapart. Au gré de relances incessantes, témoignant d'une relative méconnaissance du sujet qu'il aborde, l'animateur entre dans des considérations juridiques byzantines – pour ne pas dire de mauvaise foi – revenant, iin fine/i, à légitimer les arguments Sarkozy, ou, tout « au mieux », à semer le doute :/p
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pstrongMarc Fauvelle :/strong Il y a eu procès, il [Nicolas Sarkozy] vous a attaqué pour faux… […] Il y a eu procès, enfin vous avez raison, il y a eu procès, il y a eu procès en appel. Vous avez gagné procès, procès en appel. Il y a une Cour de cassation… sur cette affaire et la Cour de cassation dit à la fin… elle a écarté l'accusation lancée par Nicolas Sarkozy. Elle dit « Ce n'est pas un faux mais on ne peut pas dire pour autant avec certitude qu'il s'agit d'un vrai ». […] On n'est pas plus avancé à ce moment-là./p
pstrong- Fabrice Arfi :/strong […] Il y a ce qu'on appelle en droit une autorité de la chose jugée. Cette note est selon la justice française ni un faux matériel, ni un faux intellectuel. […]/p
pstrong- Marc Fauvelle :/strong Mais vous êtes d'accord pour dire que la Cour de cassation n'a jamais dit « il s'agit d'un vrai » ?/p
pstrong- Fabrice Arfi :/strong La justice s'est saisie pour dire s'il s'agit d'un faux !/p
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pLe présentateur conclut que cette question qu'il a lui-même posée… ne se pose pas – « iOui, elle [la Cour de cassation] n'a pas été interrogée pour dire si c'était un vrai/i » – sans en démordre pour autant :/p
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pstrong- Marc Fauvelle :/strong Ouais… ça a son importance…/p
pstrong- Fabrice Arfi :/strong Mais non mais c'est le droit ! [M. F. : Oui…] La justice ne peut pas dire : « elle est authentique » ; elle dit : « il n'y a rien qui permet de dire que c'est un faux matériel et un faux intellectuel »./p
/blockquote
pMais rien n'y fait. Les questions suivantes se focalisent de nouveau sur la fameuse « note Moussa Koussa », comme s'il en allait du cœur du sujet, – ce que surlignent (lourdement) les bandeaux tout au long de l'interview…/p
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div class='spip_document_16222 spip_document spip_documents spip_document_image spip_documents_center spip_document_center'
figure class="spip_doc_inner" a href='https://www.acrimed.org/IMG/png/bandeauxbfm.png' class="spip_doc_lien mediabox" type="image/png" img src='https://www.acrimed.org/local/cache-vignettes/L500xH181/bandeauxbfm-be9b0.png?1760078876' width='500' height='181' alt='' //a
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p/brAussi l'animateur embraye-t-il au quart de tour sur un détail, de façon à suggérer l'incompétence ou la manipulation de Fabrice Arfi :/p
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pstrong- Fabrice Arfi :/strong Nous le disons depuis des années, il y a probablement une erreur dans la date [coupé]/p
pstrong- Marc Fauvelle :/strong C'est ce que j'allais vous demander. Il y a une date sur ce document qui n'est pas la date du document, mais la date qui est… de la réunion Takieddine/Brice Hortefeux. Il est inscrit qu'elle aurait eu lieu le 6 octobre 2006. Ce jour-là, Brice Hortefeux était non pas à Tripoli mais à Clermont-Ferrand qui n'a pas grand-chose à voir. Comment expliquer une erreur de date comme ça sur un document aussi important ?/p
/blockquote
pFabrice Arfi met alors en évidence les contre-feux médiatiques allumés par Nicolas Sarkozy, centrés spécifiquement autour de ladite note, avant d'être à nouveau coupé par Marc Fauvelle : « iLa présidente du tribunal, elle n'est pas manipulée par Nicolas Sarkozy ?/i »/p
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h3 class='article_intertitres'Un journalisme d'accusation/h3
p/brAlors que l'échange se tend, Fabrice Arfi évoque l'hostilité (de longue date) des médias dominants à l'endroit de Mediapart dans cette affaire. Marc Fauvelle le rassure sur un ton piquant : « iVous n'êtes pas accusé Fabrice Arfi, je vous pose des questions parce qu'on se les pose, sans doute parce qu'on les voit passer partout. J'en ai plein d'autres à vous poser, si vous permettez./i » Las… c'est bien au procès de Mediapart que nous continuons d'assister :/p
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pstrongMarc Fauvelle :/strong Bon, cette note, vous la publiez, vous, à Mediapart, le samedi 28 avril 2012. C'est pas une date anodine, on est pile poil entre les deux tours de l'élection présidentielle. Nicolas Sarkozy est candidat. Il est finaliste. Il va affronter François Hollande quelques jours après. Pourquoi à ce moment-là ? Depuis combien de temps vous l'aviez cette note ?/p
/blockquote
pEt pourquoi relancer, à ce moment-là, un débat qui s'est déjà tenu moult fois sur la place publique au cours des treize dernières années ? Fabrice Arfi joue néanmoins le jeu, entrant dans l'explication, arguant que la responsabilité des conséquences politiques de révélations journalistiques n'incombent pas aux journalistes d'investigation… mais aux personnalités politiques prises la main dans le pot de miel. Peine perdue : il est coupé après 7 secondes à peine. Et Marc Fauvelle de poursuivre, non plus en insinuations mais en accusation explicite : « iDonc c'est le 28 avril 2012 à une semaine du second tour que vous avez eu la preuve selon vous qu'elle était exacte ? Vous ne l'avez pas gardée sous le coude ?/i »/p
pAlors que Fabrice Arfi s'indigne, Marc Fauvelle le coupe à nouveau en prenant cette fois-ci explicitement la défense de l'ancien candidat UMP avec une affirmation pour le moins inexacte :/p
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pstrong- Marc Fauvelle :/strong Parce que vous savez qu'à cette date-là, on est dans une période en plus où le temps de parole est géré. Les candidats peuvent pas s'exprimer, très peu. C'est l'égalité, entre guillemets, il pouvait pas répondre aux accusations à ce moment./p
pstrong- Fabrice Arfi :/strong Bien sûr que si, il a répondu. On a contacté l'Élysée, on a contacté tous les acteurs…/p
pstrong- Marc Fauvelle :/strong Pas dans les médias audiovisuels. Vous savez, c'est la période de d'égalité entre les deux tours de la présidentielle./p
/blockquote
pMédias audiovisuels où Sarkozy disposait néanmoins… de vaillants porte-parole./p
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h3 class='article_intertitres'Un journalisme d'opinion/h3
p/brDernier volet des « questions » de Marc Fauvelle ? L'accusation de complot à l'endroit des juges et des journalistes. Interviewé la veille dans le iJDD/i de Bolloré, l'ancien président continue de donner le « la » de l'interview et ses élucubrations fournissent à l'intervieweur… son cadrage :/p
blockquote class="spip"
pstrongMarc Fauvelle :/strong Nicolas Sarkozy, hier, vous l'avez sans doute lu comme nous dans l'interview au JDD, dit « l'officier de police judiciaire qui enquêtait sur moi likait les articles de Mediapart et par ailleurs à chaque fois qu'il y avait une audition chez un magistrat par exemple, je l'apprenais quasiment en lisant Mediapart ». Est-ce qu'il y a, pour répondre aux accusations qu'il a lancées contre vous, un complot de la justice ou la police et Mediapart pour le faire tomber ? […] C'est le mot qu'il utilise, le terme « complot »./p
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pLa réponse de Fabrice Arfi pique de nouveau au vif l'avocat de Nicolas Sarkozy. Mais piètre avocat, qui ne connaît pas bien son dossier :/p
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pstrong- Fabrice Arfi :/strong On est en train de parler d'un homme qui a été définitivement condamné pour corruption. D'ailleurs, il a assisté…/p
pstrong- Marc Fauvelle :/strong Il a fait appel…/p
pstrong- Fabrice Arfi :/strong Non, non…/p
pstrong- Marc Fauvelle :/strong Ah oui pardon, pour corruption c'est l'autre volet…/p
pstrong- Fabrice Arfi :/strong Non, non, dans l'affaire Bismuth, il a corrompu un magistrat, il est définitivement condamné au regard du droit français. C'est un délinquant./p
/blockquote
pEt Marc Fauvelle d'allumer instantanément un nouveau contre-feu, dont il n'aurait certainement pas eu l'idée pour un condamné sans col blanc :/p
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pstrong- Marc Fauvelle :/strong Donc il [ne] doit plus s'exprimer dans la presse ?/p
pstrong- Fabrice Arfi :/strong Mais pas du tout.../p
pstrong- Marc Fauvelle :/strong Non ? Bon…/p
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pBrutale, la conclusion de l'entretien est à l'image de l'orientation des questions du journaliste : elles épousent le point de vue d'un avocat qui s'émancipe des faits et qui installe son confrère de Mediapart dans une posture de commentateur, lequel donnerait son avis « comme tout un chacun » :/p
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pstrong- Marc Fauvelle :/strong Et là dans l'affaire libyenne, il est présumé innocent puisqu'il a fait appel. Merci beaucoup Fabrice Arfi strongd'être venu défendre ce point de vue/strong ce soir sur ce plateau./p
pstrong- Fabrice Arfi :/strong Les faits. Je défends les faits./p
pstrong- Marc Fauvelle :/strong J'en ai rappelé d'autres aussi. J'essaie aussi, je vous assure. J'essaie aussi./p
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pDisons plutôt que par ses choix éditoriaux (et ses angles morts), l'animateur a précisément dévalué ou noyé les faits, en instillant l'idée qu'il n'en existerait pas, que tout ne serait qu'« opinion » ou « point de vue » et que par conséquent, toutes les paroles se vaudraient. Une morale que Marc Fauvelle continue d'ailleurs de véhiculer alors que Fabrice Arfi quitte le plateau : « iOn va entendre à présent un point de vue assez différent, très différent même sur ce procès./i » Des dires du présentateur lui-même, c'est un avocat dénué de toute spécialisation dans cette affaire, Patrick Klugman, qui fait son entrée :/p
blockquote class="spip"
pstrongMarc Fauvelle :/strong Vous n'êtes pas dans le dossier Sarkozy […] de près ou de loinspan class="spip_note_ref" [a href="#nb1" class="spip_note" rel="appendix" title="Un mensonge ? D'après Le Canard enchaîné, Patrick Klugman était en lien avec (…)" id="nh1"1/a]/span, et pourtant, vous avez un avis tranché [Marc Fauvelle aurait pu s'arrêter là pour justifier cette invitation ! NDLR] qui n'est pas celui de Fabrice Arfi sur cette affaire. Vous dites que « ce n'est pas une sentence qui a été rendue, mais une vengeance ». Qui se venge de qui ?/p
/blockquote
pCerise sur le gâteau : « il'avis tranché/i » en question n'est rien d'autre… qu'un tweetspan class="spip_note_ref" [a href="#nb2" class="spip_note" rel="appendix" title="« C'est pas une sentence c'est une vengeance. Et sous couvert de rendre la (…)" id="nh2"2/a]/span. Une métaphore du « journalisme » dominant ? Au fond, que peuvent bien valoir a href="https://www.mediapart.fr/journal/france/dossier/l-argent-libyen-de-sarkozy" class="spip_out" rel="external"213 articles d'une enquête de treize ans/a face aux 166 caractères d'un « iavis tranché/i » ?/p
/br
centerstrong***/strong/center
p/brNicolas Sarkozy étant un expert en contre-feux médiatiques, la séquence est tristement banale. Quel dommage toutefois, pour un média dit d'« information », de ne pas profiter de l'un des journalistes experts du dossier pour… informer, mais, au contraire, pour instruire le procès de ce dernier – et celui de son média –, tout en prenant la défense de Nicolas Sarkozy. Si les grands médias nous ont habitués de longue date à la reprise des éléments de langage de l'ancien président, il est regrettable de voir le même procédé se répéter, tout particulièrement depuis cette nouvelle condamnation, comme l'ont longuement documenté a href="https://www.arretsurimages.net/chroniques/plateau-tele/sarkozy-condamne-par-la-justice-blanchi-par-les-chaines-dinfo" class="spip_out" rel="external"Arrêt sur images/a ou Mediapart, a href="https://www.mediapart.fr/journal/france/021025/condamnation-de-sarkozy-les-dessous-d-une-semaine-de-mensonges-en-continu" class="spip_out" rel="external"ici/a, a href="https://www.youtube.com/watch?v=ycvxHQPurSs" class="spip_out" rel="external"là/a ou encore a href="https://blogs.mediapart.fr/fabrice-arfi/blog/021025/affaire-sarkozy-kadhafi-la-manipulation-du-point" class="spip_out" rel="external"là/a. Se répéter, jusqu'à l'appel, la cassation, et au-delà ?/p
p/brstrongVincent Bollenot/strong, avec strongPauline Perrenot/strong/p/div
hr /
div class='rss_notes'div id="nb1"
pspan class="spip_note_ref"[a href="#nh1" class="spip_note" title="Notes 1" rev="appendix"1/a] /spanUn mensonge ? D'après a href="https://www.lecanardenchaine.fr/police-justice/52070-l-ex-president-s-offre-une-operation-deminage-avant-son-embastillement" class="spip_out" rel="external"iLe Canard enchaîné/i/a, Patrick Klugman était en lien avec l'avocat de Nicolas Sarkozy autour d'un projet de tribune critique de la décision judiciaire. C'est même ce dernier qui aurait suggéré à BFM-TV d'inviter Klugman sur son plateau./p
/divdiv id="nb2"
pspan class="spip_note_ref"[a href="#nh2" class="spip_note" title="Notes 2" rev="appendix"2/a] /span« iC'est pas une sentence c'est une vengeance. Et sous couvert de rendre la justice en s'éloignant de l'administration charge de la preuve on l'affaiblit dangereusement/i » (X, 25/09)./p
/div/div
jeu, 2025-10-09 15:52
img src='https://www.acrimed.org/local/cache-vignettes/L150xH127/marianne_chaudasse-a1dcd.png?1760017958' class='spip_logo spip_logo_right' width='150' height='127' alt="" /
div class='rss_chapo'pEt iMarianne/i eut la riche idée d'établir un « imode d'emploi pour approcher une chaudasse/i »./p/div
div class='rss_texte'pOn croyait avoir à peu près tout lu au répertoire du sexisme médiatique. C'était sans compter une série estivale signée iMarianne/i – « Comment s'adresser à… » –, un format pensé pour remplir des pages et divertir les lecteurs. Le principe ? « iL'été, saison des rencontres. Mais avec le règne du tout-à-l'ego, les gens sont devenus d'une susceptibilité à vif. Chaque semaine, apprenons à identifier les personnalités difficiles et à les gérer habilement./i » Jusque-là, hormis quelques indices trahissant d'emblée le conservatisme de ces rédactions parisiennes pétries d'un certain sens du « c'était mieux avant », tout est seulement insignifiant. Au fil des semaines, les deux auteurs donnent donc dans le second degré pour expliquer aux lecteurs comment s'adresser à « iun people/i » (17/07), « iun con/i » (31/07), « iun fou/i » (14/08), mais aussi à « iune future retraitée/i » (7/08) – observons fatalement l'emploi du féminin – et le 24 juillet… à « iune chaudasse/i »./p
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div class='spip_document_16219 spip_document spip_documents spip_document_image spip_documents_center spip_document_center'
figure class="spip_doc_inner" img src='https://www.acrimed.org/local/cache-vignettes/L500xH423/marianne_chaudasse-038a5.png?1760017958' width='500' height='423' alt='' /
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p/br« iLe soleil et la plage incitent certaines créatures sans complexes et sans scrupule à adopter un comportement parfois très malaisant. Comment s'en dépêtrer ?/i » Sous couvert d'humour, dopés au prêt-à-penser masculiniste, les journalistes font étalage du sexisme le plus crasse. Florilège :/p
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p- Ne confondez pas […] la vraie chaude iopen bar/i avec l'innocente allumeuse en microshort, la modeuse déguisée en pole danseuse, l'ado qui secoue ses couettes ou encore la simulatrice égarée (cherche du travail dans l'événementiel)./p
p- Ne sous-estimez pas sa dangerosité. Il est rare qu'une « chaude » assumée soit une authentique hédoniste […]. Au mieux, vous avez affaire à une don Juane, qui vérifie sa séduction par le nombre. Au pire, une radasse sans foi ni loi qui veut atomiser votre frêle petit équilibre affectif et économique […]./p
p- Intéressé ? Jouez-là subtil […]. Offrez-lui l'occasion de s'épancher (sous son 85D, un gouffre de détresse existentielle) […]. Concrétisez sur-le-champ si le contexte est favorable. Allez à l'essentiel, tâchez de savoir si elle vit seule. Loin ? Frigo rempli ? Boissons fraîches ? Netflix ? Attention à la dimension hystérique de ce type de femme (cherche qui la fuit, fuit qui la cherche)./p
p- [C]e n'est pas une gentille. Elle veut contrôler de bout en bout la relation et vous prendra vite pour une merde si vous jouez les pachas ou les soumis./p
p- Si vous prenez le large le premier, attendez-vous à une pluie d'invectives (vous n'avez aucun goût, vous êtes prétentieux, misogyne, homo refoulé) et à affronter une furie, à deux doigts de la dénonciation #Metoo./p
p- La découverte de ce sentiment amoureux réveille en elle un romantisme niais qu'elle avait refoulé pour devenir une sex-killeuse. En deux minutes, c'est une mémère douce et câline./p
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pEt ainsi de suite. Jusqu'en légende de la photo accompagnant l'article : « iLa fameuse serial loveuse Jayne Mansfield, aux mensurations hors norme (102-53-91 cm) et au quotient intellectuel tout aussi exceptionnel (163 !)./i »/p
pComment les deux auteurs peuvent-ils plaider l'humour ? En particulier lorsqu'on constate que loin d'être un accident, cet article dessine une vision du genre (et du monde) que les deux auteurs ont eu préalablement l'occasion d'exposer, par exemple dans leur portrait de « ila femme Jackie Sardou/i » – « igrande gueule/i » à la « iféminité invincible/i » opposée aux « ifragiles obséquieux/i » et aux « inéoféministes éplorées/i »span class="spip_note_ref" [a href="#nb1" class="spip_note" rel="appendix" title="Laurent Giraud et Stéphanie Milou, « Contre le wokisme, grande gueule, (…)" id="nh1"1/a]/span. Et ce, dans un hebdomadaire dont le passif est lourd en la matière, que l'on se remémore a href="https://www.acrimed.org/Affaire-DSK-6-les-journalistes-savaient-Mais-quoi"les positions de la direction de iMarianne/i lors l'affaire DSK/a, celles de son ancien chef Jean-François Kahn – qui évoquait alors un a href="https://lmsi.net/Violeur-au-dela-du-periph" class="spip_out" rel="external"« itroussage de domestique/i »/a sur France Culture –, mais aussi a href="https://www.acrimed.org/BalanceTonPorc-la-liberation-de-la-parole-sous"la flamboyance de Jacques Julliard à l'aube du mouvement MeToo/a, sans oublier, depuis, une croisade tout à fait franche contre « le wokisme », laquelle s'incarne régulièrement dans des articles qui s'imaginent sans doute « défier la bien-pensance » : « iComment faire pour que votre fille ne devienne pas une pouffe ?/i » (iMarianne/i, 22/09)/p
pCette livraison estivale met néanmoins la barre très haut, reproduisant parmi le pire des stéréotypes sexistes et véhiculant des commentaires et des représentations que ne renierait aucun groupuscule prospérant sur une véritable haine des femmes. Un texte comme celui-ci en dit donc surtout très long sur ses auteurs, sur les affects qu'ils entendent mobiliser au sein du lectorat qu'ils pensent être le leur, mais aussi sur la complaisance de la rédaction (et de sa direction) à l'égard de ce type de discours, où il ne s'est visiblement trouvé personne pour mettre le holà. Une chose est sûre : dans un paysage médiatique travaillé par des courants réactionnaires toujours plus puissants, nombre de refoulés misogynes ne demandent naturellement qu'à s'exprimer davantage et sans entrave. Et face au backlash, iMarianne/i ne sera jamais un rempart./p
p/brstrongPauline Perrenot/strong/p/div
hr /
div class='rss_notes'div id="nb1"
pspan class="spip_note_ref"[a href="#nh1" class="spip_note" title="Notes 1" rev="appendix"1/a] /spanLaurent Giraud et Stéphanie Milou, « Contre le wokisme, grande gueule, féminité invincible… Rendez-nous la femme "Jackie Sardou" ! », iMarianne/i, 3/02./p
/div/div
mar, 2025-10-07 12:08
img src='https://www.acrimed.org/local/cache-vignettes/L150xH132/tribune_agenda_logo-090e5.jpg?1759831688' class='spip_logo spip_logo_right' width='150' height='132' alt="" /
div class='rss_chapo'pLe 22 septembre, une poignée de pays occidentaux dont la France a reconnu officiellement l'État de Palestine à la tribune de l'ONU, comme près de 150 autres pays avant eux. Une journée « ihistorique/i » selon les grands médias, mais un jour comme les autres dans la plupart d'entre eux, qui ont continué de faire ce qu'ils font de mieux depuis deux ans : effacer le peuple palestinien, criminaliser ses soutiens, parler de Gaza sans en parler vraiment, ou plutôt… depuis le point de vue israélien./p/div
div class='rss_texte'pAngles anecdotiques, invisibilisation des Palestiniens, dépolitisation et journalisme « par le haut », omniprésence de la propagande israélienne, éléments de langage complices, sondages d'opinion, bavardages de plateaux, digressions racistes, insultes et criminalisation des soutiens de l'émancipation : le récit médiatique n'a rien changé de ses vieilles habitudes pour raconter la reconnaissance, lundi 22 septembre, de l'État de Palestine par la France et quelques autres pays occidentaux lors de l'Assemblée générale des Nations Unies à New-York./p
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h3 class='article_intertitres'Drapeaux palestiniens : quand l'écume fait la vague/h3
p/brLe cadrage dominant de cette « séquence médiatique » va s'imposer dès le 14 septembre, à la faveur d'un a href="https://www.acrimed.org/Surenchere-antisemite-Olivier-Faure-a-son-tour"épisode ubuesque/a qu'Acrimed a déjà raconté. Ce jour-là, le secrétaire du PS Olivier Faure propose sur X de « ifaire flotter le drapeau palestinien/i » sur les mairies le 22 septembre... et se voit aussitôt accusé de divers méfaits, antisémitisme compris. Pour une large partie de la presse audiovisuelle, cette énième « polémique » ne présente que des avantages : elle offre un nouveau tour d'injures et d'amalgames contre les soutiens de la cause palestinienne et donne un prétexte a href="https://www.arretsurimages.net./articles/offensive-israelienne-a-gaza-ville-ce-que-les-jt-ne-vous-ont-pas-raconte" class="spip_out" rel="external"pour ne pas parler/a des massacres qui s'intensifient à Gaza, ou des rapports qui, l'un après l'autre, confirment leur nature génocidaire. Bref, comme à leur (triste) habitude, les chefferies éditoriales ont préféré l'accessoire à l'essentiel : cadrer les discussions sur a href="https://www.acrimed.org/Drapeaux-palestiniens-Franceinfo-fait-du-CNews"un sujet annexe (et anecdotique)/a, lequel fait œuvre de diversion et donne le la du bruit médiatique : fallait-il pavoiser les mairies de drapeaux palestiniens ?/p
pPendant toute la semaine qui a précédé le 22 septembre, cette « question » va donc constituer la porte d'entrée principale pour aborder la reconnaissance par la France d'un État de Palestine : reportages, débats, tribunes, éditos, interviews, tous les genres du journalisme y passent. Adressée aux responsables de gauche, la question « Fallait-il pavoiser les mairies de drapeaux palestiniens ? » est une question accusatoire, qui réactualise les griefs ordinaires – « iimportation du conflit/i », « iclientélisme/i », « isymbole/i » inutile ; pour les responsables de droite et d'extrême droite, en revanche, c'est l'occasion rêvée de dérouler leur pensée automatique. Illustration le 22 septembre, sur BFM-TV : au matin de la reconnaissance de l'État de Palestine par la France, Julien Arnaud organise un « imatch/i » entre Ian Brossat (PCF) et Aleksandar Nikolic (RN). Sujet ? Les drapeaux aux frontons des mairies. Quoi d'autre ?/p
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pstrong- Aleksandar Nikolic :/strong C'est instrumentalisé, ils essayent de plaire à un électorat… La place du conflit et les tensions que ça peut amener en France sont dangereuses./p
pstrong- Julien Arnaud :/strong C'est jouer avec le feu de faire ça ?/p
pstrong- Aleksandar Nikolic :/strong Sincèrement, quand on voit la montée de l'antisémitisme, il y a un sondage qui est sorti avant-hier… mettre en avant ce drapeau, d'un pays qui est dirigé par le Hamas […] c'est évidemment un problème./p
pstrong- Ian Brossat :/strong Le sujet, c'est la Palestine…/p
pstrong- Julien Arnaud :/strong Non, le sujet, c'est les drapeaux sur les frontons des mairies./p
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pL'échange est furtif, mais il synthétise en trois phrases la mécanique permise par ce cadrage : l'élu d'extrême droite récite ses antiennes favorites, surfe sur les amalgames, jongle avec des sondages douteux et les éléments de langage propagandistes. L'élu de gauche, lui, tente de recentrer la discussion sur l'essentiel, mais le journaliste-animateur, qui relance avec entrain l'élu d'extrême droite, l'interdit formellement. Une dynamique ordinaire, iinscrite/i dans ce cadrage défectueux, et qui s'observe sur de nombreux plateaux. Sur la même chaîne (21/09), Marc Fauvelle campe le rôle à la perfection face à la députée Clémentine Autain :/p
blockquote class="spip"
pstrong- Clémentine Autain :/strong [Hisser le drapeau palestinien], je le ferai par l'expression simple d'une solidarité humaine avec un peuple qui subit un assaut effroyable, 60 000 personnes sont mortes, des civils sont morts, et nous sommes là à nous demander si nous allons hisser ou pas un drapeau en signe de solidarité […] alors qu'il y a un génocide qui est en train d'être perpétré ?/p
pstrong- Marc Fauvelle :/strong Pardonnez-moi d'affiner ma question Clémentine Autain : vous le ferez, [hisser le drapeau], même s'il y a une décision de justice administrative qui l'interdit ?/p
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p« Affiner la question »… ou verrouiller le « débat » ?/p
pLa même mésaventure arrive à Mathilde Panot (LFI) sur Franceinfo face à Agathe Lambret, jamais à court d'outrances (17/09) :/p
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pstrong- Mathilde Panot :/strong La question n'est pas juste de pavoiser avec des drapeaux […]. Sans sanction, sans embargo sur les armes […], nous serons en train de reconnaître un cimetière… Emmanuel Macron a les moyens d'agir…/p
pstrong- Agathe Lambret :/strong On vous entend Mathilde Panot, mais sur cette histoire des drapeaux, pourquoi pas deux drapeaux ? Drapeau palestinien, drapeau israélien… Yonathan Arfi, le président du CRIF, a répondu à Olivier Faure qu'il n'avait pas le souvenir qu'Olivier Faure avait demandé aux mairies d'afficher par exemple des portraits des otages à Gaza… Est-ce qu'il y a un deux poids, deux mesures ?/p
/blockquote
pContre une telle hiérarchie de l'information, Élizabeth Martichoux poussera tout de même un cri du cœur sur LCI (22/09) : « iDrapeaux palestiniens : on perd du temps !/i » Avant de consacrer son « humeur du jour » et de longues minutes de son émission… aux drapeaux palestiniens. CQFD./p
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h3 class='article_intertitres'L'effacement des Palestiniens/h3
p/brSi les plateaux télés ne voient aucun problème à bavarder si longuement sur des drapeaux au lieu de documenter le génocide en cours, ils n'en voient pas non plus à parler des Palestiniennes et Palestiniens en leur absence. Il faut dire que, pour certains éditorialistes de la presse française, le peuple palestinien n'existe tout simplement pas. C'est ce que soutient par exemple Nicolas Baverez dans iLe Figaro/i (22/09) : « iPour pouvoir faire l'objet d'une reconnaissance, un État doit disposer d'un peuple, d'un territoire et d'un gouvernement effectif. La Palestine ne remplit aucun de ces critères./i » Une assertion (scandaleuse) qui n'est pas sans rappeler celle d'un autre expert en la matière, qui le devançait de quelques semaines dans le registre suprémaciste (X, 10/07) :/p
/br
div class='spip_document_16209 spip_document spip_documents spip_document_image spip_documents_center spip_document_center'
figure class="spip_doc_inner" a href='https://www.acrimed.org/IMG/png/gorce-4.png' class="spip_doc_lien mediabox" type="image/png" img src='https://www.acrimed.org/local/cache-vignettes/L500xH175/gorce-4-cfdaf.png?1759831215' width='500' height='175' alt='' //a
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p/brEn niant ainsi l'existence même d'une population, ces toutologues se retrouvent ide facto/i alignés sur la ligne du ministre fasciste israélien, Bezalel Smotrich, qui, de passage en France en mars 2023, déclarait déjà que « iles Palestiniens n'existent pas, parce que le peuple palestinien n'existe pas/i » (iTimes of Israel/i, 20/03/23). Raphaël Enthoven s'était « contenté » de nier l'existence de journalistes palestiniensspan class="spip_note_ref" [a href="#nb1" class="spip_note" rel="appendix" title="« Il n'y a AUCUN journaliste à Gaza. Uniquement des tueurs, des combattants (…)" id="nh1"1/a]/span, Baverez et Gorce vont encore un cran plus loin./p
pMais les Palestiniennes et Palestiniens ne sont pas absents que des éditos de Baverez. On aurait pu imaginer qu'un événement diplomatique si attendu ouvre une brèche sur les plateaux et permette à des voix palestiniennes de s'exprimer, dans leur diversité. C'était apparemment trop attendre des directions éditoriales. Quelques heures avant le discours d'Emmanuel Macron à l'ONU, dans les matinales radio et télé, pas un seul Palestinien en vue – ou presque, nous y reviendrons... « iCe soir, la France va reconnaître l'État de Palestine, est-ce que c'est une bonne nouvelle ?/i » lance Apolline de Malherbe sur BFM-TV à… Sarah Knafo, députée européenne du parti d'extrême droite Reconquête. Sur Europe1/CNews les auditeurs en quête de pluralisme pouvaient entendre Marion Maréchal. À l'antenne de Sud Radio, l'invitée est la députée européenne de droite Nathalie Loiseau, suivie d'un débat entre Françoise Degois et un autre commentateur d'extrême droite, Robert Ménard. Sur Public Sénat, dans « Bonjour Chez Vous ! », la matinale réalisée avec la presse régionale, les invités sont Rémi Féraud, député PS, et Laurent Jacobelli, député RN. TF1 ? Le ministre démissionnaire des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot. France 2 ? Bernard Guetta. Franceinfo ? Yaël Braun-Pivet. Sur France Culture, les invités ne sont toujours pas Palestiniens, mais l'émission est tout de même d'une autre qualité, avec le professeur au collège de France Henry Laurens et le professeur de droit public Béligh Nabli. En dehors de cette émission et de la table ronde organisée par France Interspan class="spip_note_ref" [a href="#nb2" class="spip_note" rel="appendix" title="En présence d'Ofer Bronchtein, président du « Forum international pour la (…)" id="nh2"2/a]/span, c'est donc un casting 100% « politique français » qui parade dans les studios – comme s'il était question d'une banale affaire franco-française de politique intérieure –, avec un net penchant pour la famille des droitesspan class="spip_note_ref" [a href="#nb3" class="spip_note" rel="appendix" title="Une série d'outrances se voient alors naturellement diffusées sans guère de (…)" id="nh3"3/a]/span, que France Inter équilibrera le lendemain en invitant… Louis Aliot, maire RN de Perpignan./p
pSur RTL, si la grande interview de Marc-Olivier Fogiel est consacrée au procès Jubillar, il y aura bien 10 petites minutes concédées à Leïla Shahid, ancienne déléguée générale de Palestine en France, interviewée peu avant 8h. L'occasion de féliciter la radio ? Pas vraiment… Car passée la première minute où Thomas Sotto évacue deux questions de bienséance – « iQue signifie cette reconnaissance pour vous ?/i » ; « iC'est un symbole ou ça peut vraiment changer les choses ?/i » –, le journaliste transforme les neuf suivantes en véritable guet-apens :/p
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centeriframe width="560" height="315" src="https://www.youtube.com/embed/3V8W8xWHsCA?si=2h7wtQK1sDCWWwOG" title="YouTube video player" frameborder="0" allow="accelerometer; autoplay; clipboard-write; encrypted-media; gyroscope; picture-in-picture; web-share" referrerpolicy="strict-origin-when-cross-origin" allowfullscreen/iframe/center
p/brPrises à partie, invectives, défiance permanente, injonctions, interruptions constantes… : embourbé dans le prêt-à-penser, figé au 7 octobre 2023, Thomas Sotto coche toutes les cases de a href="https://www.acrimed.org/Acharnement-mediatique-contre-Rima-Hassan-video"l'interrogatoire audiovisuel/a infligé sans discontinuer aux Palestiniens – et à leurs soutiens – depuis maintenant deux ans./p
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h3 class='article_intertitres'Un traitement différencié des acteurs en présence/h3
p/brQuel que soit le bout par lequel on attrape la couverture de la reconnaissance de l'État de Palestine, un constat s'impose : la parole palestinienne est presque totalement effacée et le point de vue israélien, spectaculairement sur-représenté. Il est intéressant, pour fonder cette analyse, de comparer les trajectoires médiatiques de deux équivalents fonctionnels : Joshua Zarka, ambassadeur d'Israël en France, et Hala Abou Hassira, ambassadrice de Palestine en France. Sans surprise, la surface médiatique occupée par le premier est sans commune mesure avec celle de la seconde. Entre le 17 et le 25 septembre, Joshua Zarka a pu intervenir sur la matinale de RTL (23/09), celle de France Inter (17/09), en iprime time/i sur BFM-TV (21/09), RFI (22/09) et Franceinfo (23/09), ou encore TV5 Monde (25/09). À chaque fois, il est reçu en plateau entre 10 et 20 minutes, interrogé sans grande contradiction par les intervieweurs « stars », Thomas Sotto, Marc Fauvelle, Benjamin Duhamel... Au cours de ses divers entretiens, Joshua Zarka a pu nier le qualificatif de « igénocide/i », demander aux maires de « irenoncer à [l']idée/i » des drapeaux, dire que la reconnaissance de la Palestine « ine sert à rien/i », que « ila France devient un agent déstabilisateur du Moyen-Orient/i » et menacer à mots couverts de représailles diplomatiques. Ses déclarations font évidemment l'objet de reprises à travers la presse : ceux qui n'ont pas eu leur lot de Joshua Zarka s'en trouvent satisfaits. Sur la même période, Hala Abou Assira n'a pas connu les mêmes conditions d'expression. Quelques interviews dans la presse écrite (iL'Humanité/i, iLe Point/i, iL'Express/i, 22/09), une interview de 6 minutes sur « RTL Soir » avec Anne-Sophie Lapix (22/09), un passage en plateau sur RFI (24/09) – dans les mêmes conditions que Joshua Zarka, ce sera la seule fois –, et puis quelques interviews en duplex à des « carrefours » moins fréquentés : sur France 24 (22/09), Public Sénat (22/09) ou France Info (23/09)./p
pCette disproportion – sur-représentation du point de vue israélien iversus/i effacement des voix palestiniennes – est en outre aggravée par la production au rabais des chaînes d'information en continu et de l'audiovisuel en général. Outre l'insondable médiocrité de choix éditoriaux consistant à solliciter le point de vue de l'animateur Arthur ou du chanteur Enrico Macias sur la reconnaissance de l'État de Palestine à des heures de grande écoutespan class="spip_note_ref" [a href="#nb4" class="spip_note" rel="appendix" title="Comme ce fut le cas par exemple dans la matinale de France Inter pour le (…)" id="nh4"4/a]/span, les grilles des télévisions diffusent souvent tel un disque rayé. Le 22 septembre sur BFM-TV, dans les journaux qui entrecoupent les bavardages, deux petits sujets sont multidiffusés à partir de la mi-journée : le premier porte… sur les drapeaux aux frontons des mairies ; le second est un sujet d' « analyse » – « Qu'est-ce que la reconnaissance de la Palestine par la France pourrait changer » ? Deux chercheurs sont interrogés, David Rigoulet-Roize et Maya Khadra, respectivement 19 secondes et 22 secondes, puis la voix-off lance Marine Le Pen, seule réaction politique… Ce sujet sera diffusé pas moins de sept fois au cours de la journée./p
pAprès deux années où les chefferies médiatiques ont complétement normalisé le fait que n'importe qui puisse discuter du sort des Palestiniens en leur absence, sans doute ne faut-il pas s'étonner que la couverture de la reconnaissance de leur État suive la même pente. De fait, face à un événement qui concerne les Palestiniens au premier chef, les rédactions semblent avoir une inclinaison beaucoup plus spontanée à se demander comment réagissent et ce qu'en pensent… les Israéliens, n'hésitant pas à multiplier les sujets consacrés à « ila colère des Israéliens/i » (Franceinfo, 23/09) ou encore les interrogations sur ce « ià quoi vont ressembler les relations franco-israéliennes/i » désormais (BFM-TV, 27/09)./p
pSi, dans ce marasme, les reportages donnant directement la parole aux Palestiniens ont le mérite d'exister, le format du micro-trottoir y demeure, la plupart du temps, indépassable. Le cadrage excluant les voix palestiniennes au profit des points de vue israéliens a en outre des effets si puissants que, quand par miracle l'une d'entre elles parvient à percer le dispositif, les journalistes en plateau en sont désarçonnés. Sur LCI le 22 septembre, un reportage de bonne facture réalisé à Tulkarem, un camp de réfugiés en Cisjordanie, donne à entendre deux témoignages de Palestiniens favorables à la reconnaissance de leur État. Mais au moment de rebondir en interrogeant la journaliste à l'origine du reportage – Gwendoline Debono, présente en duplex –, la présentatrice insiste pour lui faire dire autre chose… :/p
blockquote class="spip"
pstrong- Amélie Carrouër :/strong Au regard de ce que vous avez vu sur le terrain, pensez-vous que la décision française peut être de nature à d'une certaine manière aggraver la situation des Palestiniens ?/p
pstrong- Géraldine Débono :/strong Alors, non… cette reconnaissance elle est saluée ici… Ce que vous disent les Palestiniens, c'est que de toute façon le gouvernement israélien met en place cette annexion depuis plusieurs mois, et vous le constatez en Cisjordanie […], il y a des avant-postes de colons qui se multiplient, des colons qui attaquent les villages palestiniens sans que rien ne soit fait pour les arrêter…/p
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pQuelques secondes de parole concernée qui, néanmoins, ne feront pas dévier le ton de l'émission. À peine dix minutes plus tard arrive l'invité principal, Élie Korchia, président du consistoire israélite central de France. Et Amélie Carrouër en revient aux fondamentaux : « iJe n'y vais pas par quatre chemins. [À propos des drapeaux palestiniens] Il faut les condamner ces maires ?/i »/p
pLe reportage de LCI est encore le meilleur des cas… Dans l'émission « C à vous » (22/09), Patrick Cohen consacre la seconde partie de son édito au « irejet unanime en Israël/i », et diffuse lui aussi un micro-trottoir, composé de trois témoignages israéliens recueillis par l'AFP à Tel-Aviv, tous défavorables à la reconnaissance d'un État palestinien. Ni l'avant, ni la suite de sa chronique ne contient de témoignage palestinien. « iQu'en dit-on en Israël ?/i », le lançait fort à propos sa consœur Anne-Élisabeth Lemoine, laquelle n'a pas non plus cherché à savoir ce qu'« on en disait »… en Palestine./p
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h3 class='article_intertitres'« L'après » : les conditions dont on discute… et celles dont on ne parle pas/h3
p/brL'invisibilisation structurelle des acteurs palestiniens conduit naturellement à marginaliser – pour ne pas dire à évincer – leurs intérêts, leurs points de vue et leurs questionnements d'un débat pourtant consacré à leur souveraineté politique. L'exemple le plus flagrant de ce deux poids, deux mesures concerne les articles et les émissions sur « l'après » et la « faisabilité » concrète de l'État de Palestine./p
pDans un réflexe suiviste assez classique, l'agenda journalistique est ici calqué sur celui de la diplomatie française. Un biais médiatique majeur réside alors dans la disproportion entre les questions qui ne se posent quasiment jamais… et celles qui sont abordées de façon systématique. Au soir du 22 septembre, la présentatrice de « C dans l'air » (France 5) synthétise le périmètre de la pensée autorisée en cette matière :/p
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pstrongCaroline Roux :/strong J'essaye d'y voir clair sur les conditions posées par la France. Et le président insiste beaucoup là-dessus. Il dit « ce qui compte, c'est le jour d'après […]. Attention, soyez vigilants, regardez ce qu'on a imposé comme conditions ». Donc démilitarisation du Hamas, non-participation du Hamas dans l'État de Palestine, réforme de l'Autorité palestinienne et libération des otages, naturellement, en premier./p
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pC'est donc « naturellement » dans ce cadre que discutent la quasi-totalité des commentateurs : « iQui va démilitariser le Hamas ?/i », s'interroge en cœur la table ronde de France Inter (22/09), sur base d'une question de David Khalfa ; « iQui peut aujourd'hui assurer la démilitarisation du Hamas ?/i », questionne encore Anne-Élisabeth Lemoine dans « C à vous » (22/09) ; « iEt le changement de gouvernance palestinien ?/i », ajoute Patrick Cohen, qui prescrivait un peu plus tôt : « iIl faudrait que noir sur blanc, [le Hamas] renonce à la violence. C'est ce qui est dans le plan franco-saoudien : pas de place pour une solution politique aux organisations qui ne renonceraient pas à la violence./i » Le considérant vaut-il pour l'État d'Israël, actuellement en train de perpétrer un génocide ?/p
pOn l'aura compris : partout ou presque, le « débat » sur « l'après » est réduit à ce que devrait faire et concéder la partie palestinienne, excluant du périmètre toute réclamation à la partie israélienne, et plus avant, toute sanction concrète à son endroit. Polarisé par les « conditions » d'un « après » tel que le pense – et cherche à le mettre en œuvre – la diplomatie française, le bruit médiatique dominant réussit le tour de force de reléguer une nouvelle fois dans ses marges la question des droits nationaux et démocratiques des Palestiniens, pourtant consacrés par le droit international, au moment même où la question d'un État de Palestine est à l'étude. Le tout au bénéfice de la domination coloniale : comment contraindre l'occupé au nom de « la sécurité » de… son occupant ? Voilà, au bout du compte, ce à quoi lecteurs et téléspectateurs doivent penser pour « l'après », conformément, du reste, à la tendance persistante du (mal nommé) « processus de paix »./p
pMajoritairement hors-champ, les réflexions sur le retour des réfugiés, la décolonisation ou encore les termes « apartheid » et « occupation militaire » n'arrivent ainsi dans le débat que par effraction. Ce fut le cas dans l'émission de « C dans l'air » précédemment citée, ivia/i une question de téléspectateur lue par Caroline Roux : « iSi l'État palestinien est reconnu internationalement, les colons israéliens devront-ils quitter les territoires qu'ils occupent en Cisjordanie ?/i » Temps de la discussion en plateau ? 30 secondes : un quasi hors-sujet pour France 5. Autre fulgurance de la présentatrice, quelques minutes plus tard : « iPour certains, strongon peut quand même le préciser/strong, ça ne va pas assez loin… Emmanuel Macron aurait dû imposer, à l'échelon européen ou pas, des sanctions à l'égard d'Israël […]./i » Espace concédé aux récalcitrants maximalistes ? 1 minute et 10 secondes : le temps du pluralisme sur le service public./p
piA contrario/i, les médias dominants n'hésitent pas à accorder une surface éditoriale démesurée à ceux qui pensent que « ça va trop loin ». Dans iLe Figaro/i (19/09), une tribune collective dite de « i20 personnalités/i » – parmi lesquelles Raphaël Enthoven, Arthur, Joann Sfar, BHL ou Charlotte Gainsbourg – appelle ainsi à ne pas reconnaître l'État de Palestine avant la libération des otages et le démantèlement du Hamas./p
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div class='spip_document_16215 spip_document spip_documents spip_document_image spip_documents_center spip_document_center'
figure class="spip_doc_inner" a href='https://www.acrimed.org/IMG/jpg/tribune_agenda.jpg' class="spip_doc_lien mediabox" type="image/jpeg" img src='https://www.acrimed.org/local/cache-vignettes/L500xH438/tribune_agenda-b20aa-1ca8f.jpg?1759831215' width='500' height='438' alt='' //a
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p/brLa notoriété et l'entregent des signataires garantissent au texte un très bel écho dans la presse, de iLibération/i – « "Une victoire symbolique pour le Hamas" : des personnalités et des instances juives alertent Macron sur la reconnaissance d'un État palestinien » (19/09) au iJDD/i (19/09), en passant par TF1 (20/09), iLe Point/i (19/09), RTL (19/09), mais aussi iPublic/i (20/09), iGala/i (20/09) et les magazines du service public comme « C à vous » ou « C dans l'air ». Discuté sur l'ensemble des chaînes d'information en continu, « l'appel des 20 » fait l'agenda au point d'être relayé par les journalistes auprès des autorités compétentesspan class="spip_note_ref" [a href="#nb5" class="spip_note" rel="appendix" title="Au cours des deux dernières années, moult pétitions et tribunes ayant (…)" id="nh5"5/a]/span. Ainsi d'Adrien Gindre face à Jean-Noël Barrot, ministre démissionnaire des Affaires étrangères, dans la matinale de TF1 (22/09) : « iLe chef de l'État a été interpellé ce week-end par vingt personnalités […] avec ces mots : "Affirmez […] que cette reconnaissance ne prendra effet qu'après la libération des otages et le démantèlement du Hamas." Alors, éclairez-nous : est-ce que la reconnaissance sera effective dès ce soir ou est-ce qu'elle reste soumise à ces conditions ?/i » Non convaincu par les réponses, le journaliste y reviendra par deux foisspan class="spip_note_ref" [a href="#nb6" class="spip_note" rel="appendix" title="Son confrère Bruce Toussaint bouclera la boucle… et de quelle manière : « Je (…)" id="nh6"6/a]/span. En revanche, il n'adressera au ministre aucune question sur la colonisation, l'occupation militaire ou les sanctions contre Israël./p
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h3 class='article_intertitres'D'une propagande à l'autre/h3
p/brL'omniprésence du point de vue israélien dans les médias français a permis, enfin, qu'un leitmotiv soit largement diffusé : la reconnaissance d'un État de Palestine est-elle un « icadeau pour le Hamas/i » ? Ce questionnement, qui n'est en fait qu'un tour de rhétorique propagandiste du gouvernement israélien, comme le montrera le discours de Netanyahou à la tribune de l'ONU quelques jours plus tard, va rapidement s'imposer dans le débat public, et même devenir une véritable ligne éditoriale des médias Bolloré, soutiens les plus acharnés de l'État d'Israël dans le paysage médiatique. Le flot de boue culmine comme souvent sur CNews (22/09), peu après le discours d'Emmanuel Macron à l'ONU, avec une intervention surréaliste de Rachel Khan, en larmes :/p
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pstrongRachel Khan :/strong Je pense aux familles d'otages, à ces femmes qui se battent […], qui ont été en première ligne du terrorisme. Comment elles vivent ce soir ces familles-là ? Soi-disant on doit fêter Roch Hachana, la fête… et on a un président soi-disant d'une des plus grandes démocraties du monde qui fait ce discours-là… Ce discours est à vomir… Véritablement… C'est un discours qui est inhumain, qui est dégradant, pour l'ensemble des personnes qui veulent maintenir les Lumières en France. Aujourd'hui à l'Hôtel de Ville, on voit des drapeaux… justement, des drapeaux de la haine… Ce qui est consacré aujourd'hui c'est le palestinisme ! Et en fait ce discours-là, il est en train de détruire la société française et notre fraternité. […] Je pense à ces otages, je pense à ces familles, je pense au Dôme de Fer, je pense aux roquettes, tous les jours je pense aux enfants qui sont traumatisés… [Macron] dit « une vie égale une vie », mais strong« une vie égale une vie », c'est la propagande du Hamas/strong./p
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pOn peut difficilement prendre au sérieux le gloubi-boulga de Rachel Khan, mais il faut admettre qu'elle synthétise, à elle seule, en semblant lancer des mots au hasard, un bon nombre d'inepties ayant circulé sur les antennes. Florilège :/p
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centeriframe width="560" height="315" src="https://www.youtube.com/embed/GLkkpxcLveY?si=IVFY9mbAmpyzjsZU" title="YouTube video player" frameborder="0" allow="accelerometer; autoplay; clipboard-write; encrypted-media; gyroscope; picture-in-picture; web-share" referrerpolicy="strict-origin-when-cross-origin" allowfullscreen/iframe/center
p/brLa « séquence » médiatique, déjà mutilée par des cadrages défaillants, des angles impertinents et des invités en roue libre, se conclut le 26 septembre avec le discours de Benyamin Netanyahou à l'ONU. Alors que l'Assemblée générale des Nations Unies le hue et se vide devant lui, deux chaînes d'info choisissent au contraire de diffuser en direct et en intégralité son discours : CNews et… Franceinfo. Quel autre chef de gouvernement, visé par un mandat d'arrêt international pour crimes contre l'humanité, pourrait bénéficier d'une telle exposition sur le service public ? Comment prétendre rééquilibrer l'antenne derrière un tel tunnel de propagande ? Était-il nécessaire d'entendre ce discours, dont les arguments principaux sont déjà fort bien portés dans la presse française ?/p
pPlus ou moins suivistes à l'égard de la diplomatie française, les grands médias se rejoignent en tout cas, pour l'essentiel, sur un dernier biais journalistique très classique, facilement repérable sur les Unes du 22 septembre : l'ultra personnalisation de l'événement et la focalisation sur Emmanuel Macron, son « ipari risqué/i », « isa lente conversion/i », sa « igrande victoire diplomatique/i », son « igeste fort/i »./p
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div class='spip_document_16216 spip_document spip_documents spip_document_image spip_documents_center spip_document_center'
figure class="spip_doc_inner" a href='https://www.acrimed.org/IMG/jpg/unes_macron.jpg' class="spip_doc_lien mediabox" type="image/jpeg" img src='https://www.acrimed.org/local/cache-vignettes/L500xH448/unes_macron-4464e-7a4ec.jpg?1759831215' width='500' height='448' alt='' //a
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p/brDans le registre, les médias du groupe CMA-CGM (Rodolphe Saadé), mettent les bouchées doubles./p
pD'un côté, le média « Brut », récemment racheté, accompagne le président de la République dans son avion privé, direction New-York, et le met en scène « ifinalis[ant] son discours sur la reconnaissance de la Palestine/i ». De l'autre, les équipes de BFM-TV livrent un documentaire « embedded » – « Macron à l'ONU. Les coulisses d'une décision » – incarné par le journaliste politique Mathieu Coache, qui « ia pu se glisser dans la délégation française/i ». Ce qui méritait, convenons-en, une promotion en grande pompe – option « journalisme d'investigation » – à l'antenne :/p
blockquote class="spip"
pstrongNicolas Poincaré :/strong Comment ça s'est passé ? Vous avez vraiment pu tout filmer ? […] Quand on regarde ces images, on se demande toujours quelle est la part de spontanéité, de réel, ou de comm'. Parce qu'Emmanuel Macron, il sait que vous êtes là pour BFM, vous êtes pas euh… bon. Quand dans la rue par exemple il décide d'appeler Donald Trump, est-ce qu'il joue avec vous ou est-ce que vraiment, il appelle Donald Trump ?/p
/blockquote/br
div class='spip_document_16214 spip_document spip_documents spip_document_image spip_documents_center spip_document_center'
figure class="spip_doc_inner" a href='https://www.acrimed.org/IMG/jpg/cma_cgm.jpg' class="spip_doc_lien mediabox" type="image/jpeg" img src='https://www.acrimed.org/local/cache-vignettes/L500xH378/cma_cgm-5bc90.jpg?1759831215' width='500' height='378' alt='' //a
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p/brUne propagande peut en chasser une autre… Et qu'elle soit israélienne ou française revient, finalement, au même : comment parler de la Palestine sans parler des Palestiniens./p
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centerstrong***/strong/center
p/brDurant une longue semaine, et dans la grande tradition du a href="https://www.acrimed.org/Informer-sur-le-Proche-Orient-le-syndrome-de-Tom-et-Jerry"« journalisme de diplomates »/a, l'attention journalistique sur la Palestine a été majoritairement calquée sur l'agenda du gouvernement français, reléguant la colonisation de la Cisjordanie et le génocide à Gaza au second plan. La reconnaissance de l'État de Palestine par la France n'aura pas été l'occasion de réellement infléchir les lignes éditoriales, mais au contraire d'en approfondir les biais habituels : « polémique » au détriment de l'information ; invisibilisation et déshumanisation des Palestiniens ; complaisance à l'égard de la propagande israélienne ; dépolitisation, alignement sur la diplomatie française et, iin fine/i, accompagnement de la domination coloniale… Dans ce marasme, il aura fallu une nouvelle fois se tourner vers la presse indépendante, française ou américaine, pour trouver d'autres sons de cloche : depuis les contributions d'éminents juristes analysant comment la France pourrait en pratique « isceller l'abandon du droit international concernant la Palestine/i » (a href="https://orientxxi.info/magazine/palestine-a-new-york-la-subversion-du-droit-international,8453" class="spip_out" rel="external"Orient XXI, 3/09/a), jusqu'aux angles critiques qui n'ont pas semblé intéresser les médias dominants : « iCes pays viennent de reconnaître la Palestine mais continuent de livrer des armes à Israël/i » (a href="https://theintercept.com/2025/09/25/palestine-statehood-israel-arms-sales/" class="spip_out" rel="external"The Intercept, 25/09/a)./p
p/brstrongJérémie Younes/strong et strongPauline Perrenot/strong/p/div
hr /
div class='rss_notes'div id="nb1"
pspan class="spip_note_ref"[a href="#nh1" class="spip_note" title="Notes 1" rev="appendix"1/a] /span« iIl n'y a AUCUN journaliste à Gaza. Uniquement des tueurs, des combattants ou des preneurs d'otages avec une carte de presse/i » (Raphaël Enthoven, X, 15/08). Un mois plus tard il écrira qu'il n'aurait « ijamais dû écrire/i » cette phrase (X, 10/09)./p
/divdiv id="nb2"
pspan class="spip_note_ref"[a href="#nh2" class="spip_note" title="Notes 2" rev="appendix"2/a] /spanEn présence d'Ofer Bronchtein, président du « Forum international pour la paix » conseillant Emmanuel Macron, Rym Momtaz, rédactrice en chef de la plateforme Strategic Europe chez Carnegie et David Khalfa, co-Directeur de l'Observatoire de l'Afrique du Nord et du Moyen-Orient de la fondation Jean-Jaurès./p
/divdiv id="nb3"
pspan class="spip_note_ref"[a href="#nh3" class="spip_note" title="Notes 3" rev="appendix"3/a] /spanUne série d'outrances se voient alors naturellement diffusées sans guère de contradiction, depuis la reconnaissance d' « iun siège à l'ONU pour le Djihad/i » (S. Knafo) à celle du « iHamasland/i » (L. Aliot) et de « il'État terroriste/i » (L. Jacobelli), en passant par la « irécompens[e] au Hamas/i » (M. Maréchal)./p
/divdiv id="nb4"
pspan class="spip_note_ref"[a href="#nh4" class="spip_note" title="Notes 4" rev="appendix"4/a] /spanComme ce fut le cas par exemple dans la matinale de France Inter pour le premier (30/09) et dans celle de RTL (15/09) pour le second – qui, faut-il le rappeler, appelait il y a deux ans à « idégommer ces gens-là/i », « ipeut-être physiquement/i » en parlant des élus LFI./p
/divdiv id="nb5"
pspan class="spip_note_ref"[a href="#nh5" class="spip_note" title="Notes 5" rev="appendix"5/a] /spanAu cours des deux dernières années, moult pétitions et tribunes ayant interpellé le président de la République pour son inaction en Palestine auraient aimé connaître le même sort, mais aussi pouvoir compter sur des journalistes animés d'une telle ténacité !/p
/divdiv id="nb6"
pspan class="spip_note_ref"[a href="#nh6" class="spip_note" title="Notes 6" rev="appendix"6/a] /spanSon confrère Bruce Toussaint bouclera la boucle… et de quelle manière : « iJe reviens un instant à cette tribune qu'évoquait Adrien Gindre. Reconnaissez que vous n'avez pas convaincu la communauté juive en France./i »/p
/div/div
lun, 2025-10-06 10:29
img src='https://www.acrimed.org/local/cache-vignettes/L150xH83/taxezucman-9849b.png?1759739348' class='spip_logo spip_logo_right' width='150' height='83' alt="" /
div class='rss_chapo'piNous publions sous forme de tribunespan class="spip_note_ref" [a href="#nb1" class="spip_note" rel="appendix" title="Les articles publiés sous forme de « tribune » n'engagent pas collectivement (…)" id="nh1"1/a]/span une contribution de l'économiste Michel Rocca./i/p/div
div class='rss_texte'pL'idée de a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2025/09/19/taxe-zucman-six-questions-pour-comprendre-le-debat_6641888_4355770.html" class="spip_out" rel="external"la taxe Zucman/a agite fortement le débat politique au moment où des choix budgétaires difficiles du Premier ministre sont attendus. Pour une meilleure justice fiscale, l'économiste Gabriel Zucman propose en effet la création d'un impôt annuel minimal de 2% sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d'euros./p
pEn France, « toucher » au patrimoine des citoyens riches est toujours un moment où l'hystérisation tente de prendre le pas sur l'information et le débat citoyen./p
pDans une déclaration au iSunday Times/i publiée le 20 septembre 2025, Bernard Arnault, PDG du groupe LVMH et première fortune de France, qualifie ainsi l'économiste Gabriel Zucman de « imilitant d'extrême gauche/i ». « iOn ne comprend pas les positions de M. Zucman si l'on oublie qu'il est d'abord un militant d'extrême gauche. A ce titre, il met au service de son idéologie (qui vise la destruction de l'économie libérale, la seule qui fonctionne pour le bien de tous) une pseudo-compétence universitaire qui, elle-même, fait largement débat/i », déclare-t-il./p
pUne partie des observateurs s'inquiète évidemment de la forme, tout en rappelant que l'idée que les milliardaires contribuent davantage aux charges communes est très majoritaire dans l'opinion, quelle que soit l'orientation politique des citoyens. « iDe la part du premier contributeur potentiel, environ 3 milliards d'euros annuel, on aurait aimé des faits, des arguments, pas cette diatribe qui convint davantage de la panique des ultra riches que de l'ineptie de la mesure/i » (Patrick Cohen, France Inter, 22/09/2025)./p
pMais l'habituel train de l'hystérisation du débat public sur la question de la taxation des riches est bel et bien lancé. Redoutable d'efficacité, cette hystérisation (ou exaltation exagérée) a une dynamique : elle est comme un ensemble de vannes qui libèrent des flots. Des flots d'exagérations dans le but de réduire à néant l'idée de Gabriel Zucman.br class='autobr' /
/br/p
h3 class='article_intertitres'Zucman, Piketty et les autres : de « véritables amateurs »/h3
p/brEn évoquant la « ipseudo compétence universitaire/i », le procès médiatique en amateurisme est légitimé. C'est la première vanne./p
pAgnès Verdier-Molinié, directrice de la fondation libérale IFRAP, est sans nul doute la plus offensive. a href="https://www.dailymotion.com/video/x9r348y" class="spip_out" rel="external"Le 24 septembre sur BFM Business/a : elle a recalculé et les chiffres sont faux. Et d'ailleurs, il n'y a pas de taxation relativement faible des riches en France. Le 17 juin 2025 sur la même chaîne, elle parlait déjà « a href="https://www.youtube.com/watch?v=3ceRGt21ENw" class="spip_out" rel="external"d'une manipulation des chiffres/a ». Zucman et son mentor Piketty s'appuient donc sur des données fausses./p
pMême si l'attaque est menée de manière plus civilisée, les opposants académiques à la taxe Zucman montent également au créneau en estimant, plus généralement, que l'idée ne tient pas./p
pPour la journaliste Géraldine Woessner dans a href="https://www.lepoint.fr/societe/taxe-zucman-un-sondage-revele-le-grand-malentendu-des-francais-sur-les-riches-et-les-inegalites-24-09-2025-2599522_23.php" class="spip_out" rel="external"iLe Point/i du 24 septembre/a, « isi la taxe Zucman est plébiscitée par 68 % des Français, un sondage de l'institut Cluster17 pour "Le Point", révèle aussi une certaine confusion : on veut taxer les riches sans savoir vraiment qui ils sont/i ». Dans le même numéro du iPoint/i, Antoine Lévy, professeur à Berkeley, estime d'ailleurs que « iles inégalités n'ont pas massivement augmenté/i ». Bref, il n'y a pas de problème de contribution insuffisante des riches à la solidarité nationale./p
pPour Christian Saint-Etienne, Professeur d'économie, c'est encore plus simple : « iLes fondements théoriques et politiques de la taxe Zucman sont faux./i » (iL'Opinion/i, 23/09)/p
pPrésident du Conseil d'analyse économique, Xavier Jaravel explique pour sa part sur a href="https://www.bfmtv.com/economie/entreprises/on-peut-avoir-un-patrimoine-eleve-mais-pas-de-revenu-le-president-du-conseil-d-analyse-economique-detaille-les-nombreux-exemples-ou-la-taxe-zucman-rate-ca-cible_AV-202509250356.html" class="spip_out" rel="external"BFM-TV le 25 septembre/a qu'il serait plus efficace de proposer « iun package de mesures/i » pour une meilleure justice fiscale plutôt qu'un dispositif inédit et « ipas ciblé/i » comme la taxe Zucman. Ne voyant pas s'appliquer la taxe Zucman, il la considère comme une sorte de fenêtre d'Overton laissant la place à d'autres dispositifs… nécessairement plus efficaces./p
pMais, dans tous les cas, ces interventions médiatiques ouvrent la première vanne du discrédit de l'économiste Zucman. Et, étrangement, le plein soutien de plusieurs Prix Nobel (Esther Duflo, Paul Krugman et Joseph Stiglitz) ne compte pas pour les médias. Les entrepreneurs peuvent dès lors déployer leur habituelle critique de la vérité du terrain entrepreneurial : les économistes ne connaissent rien à l'économie, « ic'est pas ça la vraie vie/i » comme le rappelle a href="https://www.youtube.com/watch?v=yi1hNk2TS8g" class="spip_out" rel="external"Pierre Gattaz/a, ancien président du Medef sur Boursorama./p
/br
h3 class='article_intertitres'Des « gens » qui font de la politique…/h3
p/brEn instillant l'idée – grossièrement fausse – que Gabriel Zucman est un « imilitant d'extrême gauche/i », Bernard Arnault ouvre encore plus la deuxième vanne de l'hystérisation. L'ensemble des médias réactionnaires se voit conforté dans ses messages./p
pAinsi, le 21 septembre 2025, le plateau a href="https://www.youtube.com/watch?v=vuBdas4oe44" class="spip_out" rel="external"d'Europe 1/a animé par Eliot Deval, journaliste sur Europe 1 et CNews, disserte sur « il'audiovisuel public qui a comploté avec la gauche pour imposer le débat sur la taxe Zucman/i »./p
pEn vérité, c'est le pedigree, évidemment caché, de Gabriel Zucman qui est scruté en recherchant les indices d'un activisme politique malsain./p
pAinsi, le a href="https://www.lejdd.fr/politique/gabriel-zucman-le-gourou-fiscal-de-la-gauche-et-du-service-public-162104" class="spip_out" rel="external"iJournal du Dimanche/i du 20 septembre/a « dévoile » que Gabriel Zucman « ia également participé aux programmes économiques de la Nupes puis du Nouveau Front populaire, tous deux bâtis sur une explosion supplémentaire de la fiscalité dans un pays déjà champion du monde des impôts. Son nom circule aussi à l'Institut La Boétie, laboratoire d'idées mélenchoniste. Quant à l'UE Tax Observatory, qu'il dirige, il est financé par l'Open Society Foundations du milliardaire et philanthrope de gauche George Soros. Autant de détails rarement mentionnés quand il prend la parole sur les chaînes publique/i ». Visiblement, apporter un soutien de citoyen-universitaire à un programme économique proposé au suffrage électoral est devenu un acte fondamentalement subversif, empêchant toute compétence et devant être rappelé à chaque prise de parole./p
pComme le synthétise Jules Torres dans la même livraison du iJDD/i, la taxe Zucman est « iune arnaque fiscale/i »… « iC'est le nouvel oracle fiscal. Gabriel Zucman n'est pas un chercheur neutre, mais un pur produit de la gauche intellectuelle. Élève de Thomas Piketty, prophète de "l'impôt-monde", professeur en Californie, directeur d'un observatoire financé par Bruxelles : bref, la caution académique d'une idéologie qui ne connaît qu'un seul verbe depuis vingt ans – taxer/i ». Avoir une sensibilité politique empêche de raisonner./p
pEt de conclure, « ila France n'a pas besoin d'une taxe Zucman, elle a besoin d'un grand coup de tronçonneuse/i ». Chacun comprend que l'aspiration aux méthodes du libertarisme argentin constitue la toile de fond./p
pMais, après avoir successivement ouvert les vannes de l'amateurisme et de la politisation de Gabriel Zucman, il restait encore une dernière vanne de l'hystérisation du débat que Bernard Arnault semble bien franchir par l'allusion à « iune pseudo-compétence universitaire qui elle-même fait largement débat/i ». Il s'agit de la vanne de la calomnie sur la personne. C'est sans nul doute la plus terrible tant l'histoire nous montre qu'elle peut, très vite, avoir des conséquences tragiques par les flots qu'elle libère./p
pLorsque Bernard Arnault évoque presque incidemment l'existence d'un « débat », il fait en fait allusion au refus de l'université de Harvard d'embaucher Gabriel Zucman... en 2018. Même si l'article du a href="https://www.huffingtonpost.fr/politique/video/l-argument-debile-de-thierry-breton-contre-gabriel-zucman-etrille-par-ces-economistes_254845.html" class="spip_out" rel="external"Huffington Post du 15 septembre 2025/a, montre très bien que cette pseudo-information n'est qu'une fake news émanant d'un groupe de réflexion libertarien conservateur (déjà très violemment critique des travaux de Thomas Piketty), la calomnie se répand. Harvard n'aurait pas recruté Zucman, déjà professeur dans la grande université publique de Berkeley… car il n'est tout simplement pas bon ! N'importe quel apprenti économiste sait évidemment que Zucman comme Piketty sont de très brillants économistes, mondialement reconnus et parmi les meilleurs de leurs générations./p
pPourtant, les flots sont libérés. Ainsi, Thierry Breton sur France Info le 15 septembre 2025 n'hésite pas à reprendre « l'information » pour discréditer la qualité du promoteur de la taxe Zucman. a href="https://www.lepoint.fr/monde/pourquoi-harvard-n-a-jamais-voulu-de-gabriel-zucman-17-09-2025-2598863_24.php" class="spip_out" rel="external"iLe Point/i du 17 septembre/a relaie cette calomnie en rappelant, en chapô de l'article, cette « information », et indique, par ailleurs, que Bernie Sanders avait même renoncé à reprendre les idées de Zucman. Si même son « camp » le désavoue, alors.../p
/br
h3 class='article_intertitres'Quand la calomnie tourne au tragique/h3
p/brCette vanne de l'hystérisation par la calomnie de la personne qui porte l'idée de taxer les riches est malheureusement habituelle dans l'histoire du capitalisme. L'hystérisation du débat sur la taxation des riches a d'ailleurs une histoire parfois tragique./p
pAinsi, à la veille de la Première guerre mondiale, 1% des plus riches concentrent 55% de la valeur des patrimoines déclarés. Plusieurs tentatives infructueuses de créer un impôt sur le revenu échouent du fait d'opposants dénonçant une « iinquisition fiscale/i » comme le rappelle a href="https://www.lepoint.fr/eureka/du-sang-et-des-larmes-qui-a-cree-l-impot-sur-le-revenu-16-02-2024-2552606_4706.php" class="spip_out" rel="external"iLe Point/i du 16 février 2024/a. Aujourd'hui, nombre d'intervenants sur les plateaux des chaînes d'information en continu évoquent très vite « l'expropriation » que représenterait l'application de la taxe Zucman./p
pLe 15 janvier 1914, Joseph Caillaux, de nouveau ministre des Finances du gouvernement Doumergue, dépose un projet d'impôt annuel sur le capital, dans un but de solidarité nationale. Inspecteur des finances, spécialiste reconnu de fiscalité publique, précurseur de la lutte contre les paradis fiscaux, il revient, une nouvelle fois, avec un projet déjà maintes fois discuté puis rejeté politiquement dans les années 1900-1910./p
pMais la calomnie (avérée ou pas) de la personne de Caillaux aura une nouvelle fois raison de son projet et de sa carrière. iLe Figaro/i publie en effet une lettre qu'il adresse en 1901 à sa première femme. Cette lettre laisse apparaître une posture hypocrite de Caillauxspan class="spip_note_ref" [a href="#nb2" class="spip_note" rel="appendix" title="À lire le texte de Benoît Jean-Antoine de 2018 montrant de manière très (…)" id="nh2"2/a]/span : « iJ'ai remporté un très beau succès : j'ai écrasé l'impôt sur le revenu en ayant l'air de le défendre/i » dit-il. Cet article s'inscrit en fait dans une stratégie violente de quotidiens de droite et du iFigaro/i qui publie, à lui seul, 138 articles en 95 jours sur le projet de Caillaux./p
pLe 16 mars 1914, soit deux mois après l'annonce du projet d'impôt, Henriette Caillaux, seconde épouse du ministre, assassine d'un coup de revolver Gaston Calmette, directeur du iFigaro/i. Caillaux démissionne immédiatement et le projet est abandonné. Lors de son procès, elle justifie son geste par le caractère insupportable de la campagne de presse calomnieuse dont son conjoint est la cible. C'est en 1916, après un chemin législatif encore compliqué, que l'impôt général sur les revenus sera finalement appliqué pour la première fois./p
pLes attaques de la presse de l'année 1914 ne sont en rien liées aux débats sur les problèmes techniques, politiques ou économiques que poseraient l'adoption d'une taxe nouvelle./p
pC'est systématiquement la moralité de la personne qui est visée jour après jour pendant des semaines. Ainsi, le 29 janvier 1914, le directeur du iFigaro/i publie en première page un article intitulé « iles combinaisons secrètes de Monsieur Caillaux/i ». Au moment où ce dernier présente son « ifameux projet de fiscalité anti française et d'inquisition vexatoire/i » (l'impôt sur le revenu), l'article se propose de montrer, « ichiffres à l'appui […] comment le Ministre des Finances a toujours été préoccupé d'obtenir les prébendes bien rétribuées, et que le souci des intérêts privés dont il s'est donné la garde […] l'a constamment porté à se concilier les sympathies agissantes des banques…/i ». Et chaque jour de ce début d'année 1914, iLe Figaro/i aura cette posture. Et aucune parution des mois de janvier et février 1914 ne manquent de revenir sur la moralité, les étranges habitudes ou les prétendues errances du ministre Caillaux./p
pSi l'histoire de la taxation des riches n'est pas toujours aussi tragique (ici pour celui qui hystérise), l'hystérisation par la calomnie du porteur de projet reste par contre l'arme fatale dans le débat./p
pSous l'ère progressiste aux États-Unis, par exemple, le projet de « recréer » un impôt sur le revenuspan class="spip_note_ref" [a href="#nb3" class="spip_note" rel="appendix" title="Aux États-Unis, l'impôt sur le revenu a été créé en 1861 afin de générer des (…)" id="nh3"3/a]/span porté par les travaux du célèbre économiste progressiste Richard T. Ely dans les années 1880 fut ainsi très sévèrement combattu. Fait très inhabituel, le débat se déplaça de la sphère académique - il y avait des articles dans la revue iScience/i - à la sphère médiatique. Et la violence du propos fut tout aussi inhabituelle pour le monde universitaire américain de la fin du 19e siècle./p
pLe plus écouté des libéraux de l'époque, Simon Newcomb, signa un article en 1886 dans iThe Nation/i, l'un des premiers magazines d'opinion américains à large diffusion. Critiquant plus globalement l'œuvre d'Ely, ses penchants socialistes et le caractère peu scientifique de ses travaux, le texte réclamait publiquement que Richard T. Ely soit chassé de l'université John Hopkins où tous deux étaient collègues. Et il fut entendu./p
pProposer que la solidarité par l'impôt, en particulier celui des plus aisés, soit une règle de vie vertueuse en société est toujours risqué, en particulier pour celui qui le propose./p
p/brstrongMichel Rocca/strong/p/div
hr /
div class='rss_notes'div id="nb1"
pspan class="spip_note_ref"[a href="#nh1" class="spip_note" title="Notes 1" rev="appendix"1/a] /spanLes articles publiés sous forme de « tribune » n'engagent pas collectivement l'association Acrimed./p
/divdiv id="nb2"
pspan class="spip_note_ref"[a href="#nh2" class="spip_note" title="Notes 2" rev="appendix"2/a] /spanÀ lire a href="https://books.openedition.org/igpde/5250" class="spip_out" rel="external"le texte de Benoît Jean-Antoine/a de 2018 montrant de manière très intéressante les évolutions parfois étranges de la pensée de J. Caillaux./p
/divdiv id="nb3"
pspan class="spip_note_ref"[a href="#nh3" class="spip_note" title="Notes 3" rev="appendix"3/a] /spanAux États-Unis, l'impôt sur le revenu a été créé en 1861 afin de générer des revenus pour la guerre civile. Le Congrès a abrogé la taxe en 1872. L'impôt fédéral sur le revenu est finalement mis en place par l'intermédiaire du 16e amendement ratifié le 3 février 1913./p
/div/div
mer, 2025-10-01 10:20
img src='https://www.acrimed.org/local/cache-vignettes/L106xH150/tract_2_octobre_recto-7b57e.jpg?1759306830' class='spip_logo spip_logo_right' width='106' height='150' alt="" /
div class='rss_chapo'pUn tract pour les manifestations du 2 octobre est a href="https://www.acrimed.org/IMG/pdf/tract_2_octobre_v2.pdf"disponible en pdf ici/a./p/div
div class='rss_texte'pSale temps pour l'éditocratie ! Après avoir patiemment contribué, il y a plus d'un an, à faire a href="https://www.acrimed.org/La-bataille-pour-Matignon-comment-les-medias-ont"oublier la victoire de la gauche/a aux élections législatives, les chefferies éditoriales ont vu tour à tour tomber leur « ihomme de consensus/i » (iLe Monde/i), alias Michel Barnier, et leur « ihomme du compromis/i » (iL'Express/i), alias François Bayrou. Qu'à cela ne tienne ! Avec la nomination de Sébastien Lecornu au poste de Premier ministre, la presse reprend son souffle et télégraphie le discours des communicants, saluant « il'habileté et la rondeur/i » (iLe Parisien/i) de ce « ifin négociateur/i » (France Info), dont le CV passe au crible d'un journalisme politique impitoyable. « i[Il] affiche de nombreuses qualités/i », analyse ainsi iLa Voix du Nord/i, avant d'entamer la liste : « icapacités à gérer les crises/i » ; « italents éprouvés de négociateur parlementaire/i » ; « iméthode préférant la subtilité à l'affrontement direct/i ». Etc. Journaliste… ou directeur RH ? Reste que parmi les plus vaillants gardiens de l'ordre, certains semblent perdre patience : « iLes élus ne parviennent pas à imaginer des gouvernements fondés sur la négociation et le compromis/i », s'agace iLe Monde/i, qui porte la voix d'un « cercle de la raison » inquiet, lassé de tant d'instabilité politique./p
/br
h3 class='article_intertitres'Concert des gardiens de l'ordre/h3
p/brAussi les grands médias n'ont-ils pas accueilli d'un très bon œil le mouvement social du mois de septembre. Face aux actions de blocage et aux manifestations syndicales, les chaînes d'information en continu ont émis tel un disque rayé – « extrême gauche - ultra-gauche - black bloc - casseurs - violence - chaos » – et les chefferies médiatiques ont suivi la feuille de route traditionnelle par temps de mobilisation : focalisation sur les « effets » des grèves – au détriment des causes ; invectives contre les manifestants ; interviews sous forme d'interrogatoires pour les syndicalistes ; sous-estimation de l'ampleur des manifestations…/p
pÀ cela s'ajoute un journalisme de préfecture omniprésent : a href="https://www.acrimed.org/Le-message-est-clair-debloquez-tout-hostilite"avant/a, a href="https://www.acrimed.org/Bloquons-tout-un-journalisme-sous-escorte"pendant/a et a href="https://www.acrimed.org/Bloquons-tout-haro-sur-les-ingenieurs-du-chaos"après/a les mobilisations, l'angle sécuritaire verrouille le traitement médiatique, empêchant toute critique de la répression et favorisant une surenchère autoritaire dont les médias Bolloré n'ont nullement l'apanage… À propos du mouvement « Bloquons tout », le toutologue Nicolas Bouzou synthétise le crédo sur LCI : « iC'est pas une manifestation populaire, ce sont des actes de délinquance qui sont extrêmement graves, qu'il faut traiter comme des actes de délinquance./i » Dépolitiser et criminaliser la contestation sociale : telle est la tâche des acteurs répressifs, auxquels les médias dominants apportent tout leur concours./p
pDémobiliser d'une main ; appeler à la concertation de l'autre : le tableau ne serait en effet complet sans l'interventionnisme des chiens de garde en faveur des dominants. Partie prenante de chaque conflit social, ils n'aiment rien tant que mettre en scène le « dialogue social », prescrire la politique du « compromis », enjoindre aux représentants de salariés de négocier (à la baisse) et de s'aligner sur les préoccupations du patronat. Le tout pour mieux trier le bon grain « réformateur » de l'ivraie « jusqu'au-boutiste » au sein de la gauche partisane et syndicale. Deux jours avant la mobilisation du 18 septembre, les trois journalistes animant l'émission « Questions politiques » (iLe Monde/i/France Inter/France Info) en ont fait une (énième) démonstration face la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet. Florilège :/p
blockquote class="spip"
pstrong- Françoise Fressoz :/strong Je suis pas sûre que l'abrogation de la réforme [des retraites] soit en tête des revendications. […] Est-ce que vous en faites pas une sorte de totem pour tout bloquer en fait ?/p
pstrong- Alexandra Bensaïd :/strong Vous dites « abrogation de la réforme » et donc des 64 ans ; est-ce que pour vous si le gouvernement lâchait à 63 ans, ça serait une victoire ? Vous voulez aller jusqu'où en réalité ?/p
pstrong- Brigitte Boucher :/strong Vous vous êtes sur l'abrogation, Marylise Léon [de la CFDT], elle est sur la suspension. Est-ce que vous ne pensez pas que si il y a des avancées sur la pénibilité, […] sur les carrières des femmes, […] la CFDT va toper et que le front syndical va se fissurer ?/p
pstrong- Brigitte Boucher :/strong Vous êtes contre la baisse des dépenses publiques ?! […] Vous avez pas l'impression qu'aujourd'hui, notre modèle social nous coûte trop cher ? Qu'on n'a plus les moyens de ce modèle ?/p
pstrong- Brigitte Boucher :/strong Est-ce que vous n'allez pas installer le RN au pouvoir si le gouvernement tombe et si cette assemblée est dissoute ?/p
pstrong- Françoise Fressoz :/strong Chacun montre ses muscles mais la dernière manifestation, elle était quand même nettement moins importante que pour la mobilisation des retraites […]. Est-ce que vous ne craignez pas, au fond, d'avoir un langage très dur et d'avoir une mobilisation beaucoup plus faible ?/p
/blockquote/br
h3 class='article_intertitres'« Taxe Zucman », éditocratie en panique/h3
p/brLes éditocrates ont beau faire la pluie et le beau temps dans les médias, ils peinent néanmoins à masquer leur inconfort face à la crise de régime, à la pression du mouvement social et à l'ampleur des revendications de justice sociale. En témoigne, ces dernières semaines, la place concédée par les chefferies éditoriales aux « débats » sur la taxe Zucman. Non pas par conviction… mais par opportunisme : « iLe fait que la bataille se concentre sur la fiscalité est un […] signal d'alarme/i », s'inquiète Françoise Fressoz dans iLe Monde/i, qui conseille par conséquent « ide faire baisser la pression pour que la vague du dégagisme n'emporte pas tout/i »./p
pMais dans des médias toujours outrageusement dominés par les tenants du prêt-à-penser libéral – et possédés en grande majorité par des milliardaires constituant précisément le cœur de cible… de la taxe Zucman –, la mesure est loin d'avoir bonne presse. Chez les plus fervents défenseurs du capital, elle prend même des allures bolchéviques ! « iHausses d'impôts, le patron des patrons dit non !/i », proclame iLe Parisien/i en placardant à sa Une le dirigeant du Medef. Sur LCI, les lieutenants du capital se mettent en rang d'oignon derrière François Lenglet, qui tance un « iraisonnement fiscal […] spéculatif et dangereux/i ». « iStop aux enfumages économiques !/i » s'emporte iL'Express/i, qui promeut à sa Une « iles vrais économistes qu'on devrait écouter/i » contre « iceux qui désinforment les Français/i », classant évidemment Gabriel Zucman dans la deuxième catégorie. Des iÉchos/i de Bernard Arnault à iLa Tribune/i de Rodolphe Saadé – où, selon Mediapart, la direction a proscrit le terme « ultrariches », jugé « iconnoté et stigmatisant/i » ! –, la presse économique frôle l'apoplexie. Même ambiance au iFigaro/i, qui multiplie les publications « icontre la gauche "Zucman"/i », étrillant un projet qualifié pêle-mêle d'« iépouvantail/i », de « imachine à casser les rêves/i », de « idélire fiscal/i », de « idanger qui menace l'économie française/i » et d' « ioffensive antiriches/i ». Ça branle dans le manche !/p
pEn cette matière – comme en tant d'autres –, l'état du débat public est un symptôme de la radicalisation de la classe dirigeante et de ses relais. Il nous rappelle à une urgence : mettre la question médiatique à l'agenda des luttes ! Déposséder les milliardaires des médias qu'ils contrôlent : un mot d'ordre pour les mobilisations actuelles ?/p/div
mer, 2025-09-24 17:04
img src='https://www.acrimed.org/local/cache-vignettes/L150xH83/franceinfodrapeau-0fb94.png?1758726255' class='spip_logo spip_logo_right' width='150' height='83' alt="" /
div class='rss_chapo'pAlors que l'État d'Israël poursuit sans relâche le génocide des Palestiniens, on se prend naïvement à espérer, chaque jour, un sursaut de la part des grands médias français. Mais chaque jour, l'éditocratie (ré)invente mille et une manières d'aggraver son cas. (Nouveau) naufrage sur Franceinfo./p/div
div class='rss_texte'p« Palestine : le drapeau de la discorde » (22/09) ; « Drapeaux palestiniens : la querelle des frontons » (22/09) ; « Drapeau palestinien sur les mairies, pour ou contre ? » (20/09) ; « État palestinien : les drapeaux de la discorde » (16/09)… : depuis a href="https://www.acrimed.org/Surenchere-antisemite-Olivier-Faure-a-son-tour"l'appel d'Olivier Faure à pavoiser le drapeau palestinien sur les mairies/a en symbole de la reconnaissance de l'État de Palestine par la France, Franceinfo multiplie les plateaux de bavardage sur le sujet, légitimant l'un de ces faux débats dont raffole « l'info en continu », omniprésent au point de constituer la « polémique » (médiatico-politique) du moment./p
pComme ailleurs dans l'audiovisuel, le temps d'antenne qu'elle occupe – au détriment de l'information sur le génocide en Palestine –, et l'énergie que lui consacrent les toutologues de tout poil – inversement proportionnelle à celle qu'ils dépensent pour condamner les crimes de l'État d'Israël – sont un symptôme. Cette hiérarchie à front renversé nous dit-elle tout ce que l'on a à savoir de l'état du débat public et de la déchéance professionnelle de ses principaux « animateurs » ? Oui… et non, puisqu'à ces faux débats répondent naturellement de vraies outrances. Le 22 septembre, l'émission « L'info s'éclaire » de Franceinfo était là pour nous rappeler que CNews compte de vaillants compétiteurs en la matière./p
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h3 class='article_intertitres'Acte 1 – « iForcer les populations sur place à applaudir le drapeau israélien/i »/h3
p/brDe nombreuses caméras sont braquées sur la mairie de Saint-Denis (93) lors du lever de drapeau palestinien, hissé sur le fronton sous les applaudissements d'Olivier Faure et de l'équipe municipale. Alors que ces images défilent en arrière-plan du plateau, le présentateur Axel de Tarlé tique d'emblée : « iY a pas le drapeau israélien./i » Et de revendiquer son droit au « en même temps » – « iEst-ce qu'on peut être l'un et l'autre ?/i » – déplorant « ique de plus en plus on nous demande d'être l'un ou l'autre et de choisir notre camp. Et c'est ça qui est dramatique dans cette affaire !/i » Alors que dans les jours et les semaines ayant suivi le 7 octobre 2023, des centaines puis des milliers de Palestiniens étaient déjà tués sous les bombes israéliennes, les commentateurs ne s'embarrassaient pas de telles considérations, qui imposaient alors d'être dans un (et un seul) camp. Reste cette idée de sujet pour une prochaine émission d'Axel de Tarlé : à quand le drapeau russe aux côtés du drapeau ukrainien sur le fronton des mairies ?/p
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div class='spip_document_16204 spip_document spip_documents spip_document_image spip_documents_center spip_document_center'
figure class="spip_doc_inner" a href='https://www.acrimed.org/IMG/png/franceinfodrapeau2.png' class="spip_doc_lien mediabox" type="image/png" img src='https://www.acrimed.org/local/cache-vignettes/L500xH278/franceinfodrapeau2-00530.png?1758725706' width='500' height='278' alt='' //a
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p/brQuelques minutes plus tard, le journaliste propose d'écouter un extrait du discours du maire PS de la ville, témoignant de sa « isolidarité vis-à-vis des massacres en cours/i » à Gaza. C'est alors que l'éditorialiste Gilles Bornstein peine à contenir l'agacement que lui inspire la vue du drapeau palestinien sur la mairie de Saint-Denis :/p
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pstrong- Gilles Bornstein :/strong On a entendu les applaudissements nourris quand le drapeau palestinien est monté [au fronton de la mairie]... J'aurais aimé qu'il [le maire Mathieu Hanotin] fasse applaudir les deux drapeaux. Parce que là, c'est évidemment très facile ! strongLà, il est devant son public/strong, il fait applaudir le drapeau palestinien. […] Si on soutient la position de la France, strongc'est pas le drapeau palestinien pour le drapeau palestinien, c'est le drapeau palestinien pour une solution à deux États/strong. Comme l'a dit Bernard Guetta [député européen macroniste et ancien journaliste sur France Inter, NDLR], et là je souscris : deux États, deux drapeaux. Le vrai courage aurait été de faire applaudir les deux drapeaux, de strongforcer les populations sur place à applaudir aussi le drapeau israélien et à montrer qu'elles ne sont pas pour une solution palestinienne mais pour une solution de coexistence, de cohabitation/strong. Faire applaudir le drapeau israélien en même temps que le drapeau [palestinien]./p
pstrong- Axel de Tarlé :/strong Passer de la discorde à la concorde./p
pstrong- Gilles Bornstein :/strong Passer de la discorde à la concorde parce que là, il dit, c'est pas une démarche de division, mais enfin… le seul drapeau hissé est le drapeau palestinien. strongFaire applaudir les deux drapeaux aurait vraiment été une démarche de concorde et j'insiste, obliger… enfin voilà… mettre les gens en demeure d'accorder leurs actes et leur parole et d'applaudir le drapeau israélien aussi/strong./p
pstrong- Valérie Lecasble/strong (éditorialiste pour LeJournal.info) : C'est ce qu'a fait Karim Bouamrane qui est le maire [PS] de Saint-Ouen et effectivement, vous avez tout à fait raison, moi je suis d'accord là-dessus./p
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pDans l'air du temps, recueillant l'approbation générale du plateau, la tirade de Gilles Bornstein est symptomatique du prêt-à-penser médiatique glorifiant le a href="https://www.acrimed.org/Gaza-une-inflexion-mediatique-en-trompe-l-oeil"faux « équilibre »/a. Elle recouvre également un racisme patent, qui s'exprime ici contre les habitants de Saint-Denis, a href="https://www.acrimed.org/Le-Figaro-a-Saint-Denis-Desinformation-sur-Seine"éternel épouvantail médiatique/a. L'État d'Israël perpètre-t-il un génocide, encore dénoncé comme tel tout récemment par a href="https://genocidescholars.org/wp-content/uploads/2025/08/IAGS-Resolution-on-Gaza-FINAL.pdf" class="spip_out" rel="external"l'Association internationale des chercheurs sur le génocide/a et par une a href="https://news.un.org/fr/story/2025/09/1157475" class="spip_out" rel="external"Commission d'enquête internationale indépendante de l'ONU/a ? Qu'à cela ne tienne ! Aux yeux de Gilles Bornstein, le « ivrai courage/i » consiste à « iapplaudir aussi/i » le drapeau de cet État./p
pNon content de ne pas dire un seul mot des Palestiniens et de la situation à Gaza en cinquante minutes d'émission, l'éditorialiste prescrit à tour de bras. Il décrète quels symboles sont « acceptables » et quels autres ne le sont pas ; il définit la conduite « acceptable » qu'un maire se devrait d'adopter ; il décide des conditions « acceptables » et nécessaires à « la concorde » ; il spécifie, enfin, la (seule) manière « acceptable » de célébrer le drapeau palestinien : aligner cet hommage sur la politique gouvernementale de la dite « solution à deux États ». Soutenir la Palestine pour la Palestine ? C'est niet. Autant dire qu'avec Gilles Bornstein, le périmètre de la pensée autorisée est très restreint ! « iQui peut être contre cette solidarité ?/i » s'exclamait l'éditorialiste en réaction au « itémoignage de solidarité/i » du maire de Saint-Denis. Gilles Bornstein n'est peut-être pas « contre », mais au vu de ses obsessions – et de ses œillères –, il offre une excellente illustration des vraies-fausses préoccupations de l'éditocratie à l'égard des Palestiniens de Gaza…/p
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h3 class='article_intertitres'Acte 2 – « iVous savez qu'il y a 1 juif pour 10 musulmans en France […], ça veut dire que la population juive se sent agressée et c'est tout à fait normal/i »/h3
p/brVient ensuite le cas de Valérie Lecasble – éditorialiste pour le média « LeJournal.info », créé en 2023 par l'illustre Laurent Joffrin. Cette dernière est invitée à commenter les gesticulations de Bruno Retailleau, qui, la veille, incitait les préfets à « isaisir systématiquement la justice administrative/i » contre tout maire qui choisirait de dresser le drapeau palestinien (iLe Monde/i, 21/09). Légitimant l'action du ministre, la journaliste avance trois phénomènes pour expliquer cette hostilité à l'affichage de drapeaux palestiniens dans l'espace public : « icette histoire du 7 octobre/i », « ila présence en France de La France insoumise/i » – comprenne qui pourra ! –, mais aussi… « ila démographie française/i ». C'est-à-dire ? « iC'est-à-dire que les études le prouvent, on a de moins en moins d'enfants en France, mais la population qui est issue de l'immigration continue à avoir plus d'enfants que la population française./i » Mais encore ?/p
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pstrong- Valérie Lecasble :/strong Ça veut dire que chez les jeunes, aujourd'hui, il y a une sorte d'identification…/p
pstrong- Axel de Tarlé :/strong Alors… au risque d'essentialiser finalement, voilà, c'est-à-dire que chacun est renvoyé dans son camp selon ses origines…/p
pstrong- Valérie Lecasble :/strong Mais c'est une catastrophe, on est tout à fait d'accord… La génération au-dessus qui était vraiment totalement intégrée et qui voulait être française… les gens voulaient être Français…/p
pstrong- Axel de Tarlé :/strong On a une régression…/p
pstrong- Valérie Lecasble :/strong On a une régression par rapport à ça./p
pstrong- Axel de Tarlé :/strong Identitaire./p
pstrong- Valérie Lecasble :/strong Une régression identitaire./p
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pFranceinfo, ou CNews pour (et par) les nuls ? Et ce n'est pas terminé :/p
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centeriframe title="vimeo-player" src="https://player.vimeo.com/video/1121531747?h=a4a343838e" width="640" height="360" frameborder="0" referrerpolicy="strict-origin-when-cross-origin" allow="autoplay; fullscreen; picture-in-picture; clipboard-write; encrypted-media; web-share" allowfullscreen/iframe/center
p/br« iVous savez qu'il y a 1 juif pour 10 musulmans en France […], ça veut dire que la population juive se sent agressée et c'est tout à fait normal./i » Valérie Lecasble, candidate au prix « Racisme » inter-médias ? Il faudra donc l'intervention de Gilles Bornstein pour mettre le holà, sans quoi rien ni personne ne semblait prêt à enrayer cette longue (et « naturelle ») dégringolade. Peinant à justifier ses propos, Valérie Lecasble répond à la remontrance en prétendant réagir… à un sondage (a href="https://x.com/StefPalomba/status/1969038647660871881" class="spip_out" rel="external"bidonné/a) de l'Ifop pour le Crif diffusé un peu plus tôt à l'antenne, et dont il était (a href="https://x.com/StefPalomba/status/1969175194838220903" class="spip_out" rel="external"abusivement/a) tiré que « i31% des 18-24 ans estiment "légitime de s'en prendre aux Français juifs, au nom du conflit en cours à Gaza"/i ». On imagine donc la chaîne de raisonnement – jeunesse - immigration - arabes - antisémites – qui s'est construite dans son esprit entretemps…/p
pComme à l'occasion de a href="https://www.acrimed.org/Mission-tourisme-balneaire-a-Gaza-debacle-a"précédentes séquences sur la même chaîne/a, cette débâcle en dit au moins aussi long sur l'impensé raciste structurant les plateaux de télévision (et la plupart des commentateurs du « cercle de la raison ») que sur les ravages du journalisme de commentaire, où le grand n'importe quoi est devenu la norme de l'expression publique. En témoigne d'ailleurs le conducteur sans queue ni tête de cette première partie d'émission initialement consacrée… aux drapeaux palestiniens, où l'on aura entendu pêle-mêle des élucubrations concernant les visées stratégiques d'Olivier Faure, qualifié de « ispeedy Faure/i » par Gilles Bornstein parce que « ic'est quand même pas facile d'aller plus vite que La France insoumise dans le soutien à la cause palestinienne/i » ; des louanges adressées à la mairie de Paris pour avoir projeté les deux drapeaux sur la tour Eiffel – « iC'est très beau/i » (Axel de Tarlé) – ; des questionnements sur le « irisque […] que des manifestations propalestiniennes dégénèrent et que ce drapeau palestinien soit le drapeau de la discorde/i » (Axel de Tarlé) ; la promotion d'une tribune parue dans iLe Figaro/i (20/09) appelant Emmanuel Macron à ne pas « ireconnaître un État palestinien sans conditions préalables/i » ; un reportage sur les universités et « ice climat dans lequel s'inscrit cette reconnaissance de l'État de Palestine, ce climat où les juifs de France peuvent parfois se sentir devenir des cibles/i » (Axel de Tarlé) ; quelques coups de boutoir contre LFI pour avoir « iprononc[é] des phrases qui peuvent friser l'antisémitisme [sic] ou être interprétées comme telles/i » (Valérie Lecasble) ; des indignations quant à « il'importation de ce conflit israélo-palestinien sur nos terres… euh… en France/i » (Axel de Tarlé) ; mais aussi une revendication de « ipédagogie sur la conception française de la laïcité/i » notamment pour « iles plus jeunes/i » (Frédéric Micheau), précédée d'un grand gloubi-boulga où se sont entremêlés drapeaux palestiniens, « imontée du fait religieux/i » et « imanifestation en soutien à Charlie Kirk/i » :/p
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pstrongAxel de Tarlé :/strong Jean-François Colosimo, le spécialiste des religions, dit "il n'y a rien de tel pour cimenter une population que de mettre un peu de religion là-dedans". C'est ce à quoi on assiste, au fond ? Chacun est renvoyé à son camp ? Renvoyé à sa religion… et le monde est plus simple ?/p
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pRideau./p
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centerstrong***/strong/center
p/brRaconter n'importe quoi, H24 : tel semble être le projet de Franceinfo avec de telles émissions de commentaire. Diffusée deux fois par jour sur la chaîne publique low cost, « L'info s'éclaire » consacre le règne des toutologues et la mort de l'information, rivalisant ici avec ses concurrentes dans la course au talk-show le plus réactionnaire… et le plus en pointe dans la déshumanisation des Palestiniens. Dommage que l'émission n'ait attiré l'attention ni de la rédaction, ni des syndicats… et encore moins de la direction. « Palestine : le drapeau de la discorde ? » titrait tout du long le bandeau de la chaîne. Bientôt « Franceinfo : le média du déshonneur » ?/p
p/brstrongPauline Perrenot/strong/p/div
mar, 2025-09-23 18:00
img src='https://www.acrimed.org/local/cache-vignettes/L150xH80/cotillard-26f8e.png?1758643201' class='spip_logo spip_logo_right' width='150' height='80' alt="" /
div class='rss_chapo'pConstruction médiatique du nouveau Michel-Edouard Leclerc, étude de cas./p/div
div class='rss_texte'pDans les grands médias, l'ordre capitaliste et le a href="https://www.acrimed.org/Journalisme-economique-40-ans-de-catechisme"catéchisme libéral/a s'incarnent à travers des figures patronales. Le modèle en la matière est bien entendu Michel-Édouard Leclerc. « iC'est le roi de la comm' ! Il sature l'espace médiatique ! Il est partout !/i », s'exclamait Aurélie Casse dans « C à vous » (France 5, 22/05). Grand patron « ipréféré des Français/i », descendant d'une grande lignée d'entrepreneurs, défenseur du « ipouvoir d'achat/i », spécialiste de « ila consommation/i », il est l'incarnation de ces « dirigeants à visage humain » qui, une fois installés comme tels dans le paysage médiatique, occupent un espace démesuré et tiennent le rôle de « bon client ». Un recours accessible et « prestigieux » pour les journalistes, qui leur tendent volontiers le micro sur l'inflation, l'Ukraine, le déficit, les retraites, mais aussi les mouvements sociaux, l'intelligence artificielle, les vacances des Français… et ainsi de suite, réussissant le tour de force de convertir les tenants de l'ordre économique en « témoins neutres » de la société française !/p
p« iAvec vos 800 magasins un peu partout en France, vous êtes un des meilleurs points d'observation de la consommation des Français. Alors justement, comment vous les trouvez les Français en cette rentrée 2025 […] ?/i », demandait ainsi Léa Salamé à Michel-Édouard Leclerc en clôture de son 20h inaugural, après avoir qualifié ce dernier de « igrand patron emblématique/i »… si ce n'est « il'un des plus emblématiques/i » ! La construction médiatique et hagiographique de l'héritier Leclerc et de sa « ibelle entreprise familiale/i » a atteint des proportions telles qu'il n'est pas rare de voir la presse se demander : « Présidentielle 2027 : Michel-Édouard Leclerc bientôt candidat ? » (iOuest-France/i, 20/05) ; « 2027, un patron à l'Élysée : et si c'était Michel-Édouard Leclerc ? » (France 5, 22/05) ; « "Je suis disponible pour la nation" : Michel-Édouard Leclerc candidat en 2027 ? Qu'en pensent les Français ? » (BFM-TV, 14/02) Voilà pour le maître…/p
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h3 class='article_intertitres'Cotillard mania dans les médias/h3
p/br… au tour de l'élève. À la faveur des mêmes procédés journalistiques, le patron du a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Groupement_Mousquetaires" class="spip_out" rel="external"groupe Mousquetaires (Intermarché)/a, Thierry Cotillard, parade en ce moment sur les plateaux. Au cours des dernières semaines, on l'aura vu ou entendu sur TF1, RMC, BFM Business, Radio Classique, mais aussi dans iLe Figaro/i, Capital, iSud Ouest/i, sur France Inter, dans l'émission « C à vous » (France 5)… et même dans le journal iL'Équipe/i. Les journalistes parlent également de lui en son absence, certaines de ses déclarations faisant l'objet de reprises dans la presse, comme ce 8 septembre, quand il s'inquiète de la mobilisation « Bloquons tout »… L'occasion d'une dépêche AFP – « iLe patron d'Intermarché a renforcé ses stocks par "crainte" des actions/i » (8/09) –, reprise de iLibération/i aux iÉchos/i, lesquels redoublent encore la portée du message de ce patron déjà omniprésent sur les antennes./p
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div class='spip_document_16198 spip_document spip_documents spip_document_image spip_documents_center spip_document_center'
figure class="spip_doc_inner" a href='https://www.acrimed.org/IMG/png/cotillard.png' class="spip_doc_lien mediabox" type="image/png" img src='https://www.acrimed.org/local/cache-vignettes/L500xH265/cotillard-ce78d.png?1758636759' width='500' height='265' alt='' //a
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p/brAinsi donc, les procédés qui ont été utilisés pour élever Michel-Édouard Leclerc au rang d'égérie du patronat sont aujourd'hui décalqués pour fabriquer la stature – et le capital médiatique – de Thierry Cotillard. Ce n'est pas un hasard : Michel-Edouard Leclerc est le « imentor/i » de Thierry Cotillard, apprend-on dans un portrait particulièrement élogieux du patron d'Intermarché publié par le magazine professionnel a href="https://www.lsa-conso.fr/dans-la-vie-du-patron-des-mousquetaires-thierry-cotillard-l-homme-presse-portrait,458512" class="spip_out" rel="external"LSA Conso/a (25/12/2024), qui dépeint Cotillard comme un « ihomme pressé/i », désormais « ihabitué des médias/i », « iqui sait embarquer grâce à sa générosité communicationnelle/i ». Sic./p
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h3 class='article_intertitres'« iUn baromètre de l'état d'esprit des Français/i »/h3
p/brUne « générosité » que France Inter souhaite naturellement partager avec les auditeurs ! C'est la rentrée des classes sur la « première radio de France » et Thierry Cotillard est l'invité de la matinale (3/09). La première question que lui adresse Benjamin Duhamel en dit long sur l'idée que se font les intervieweurs de ces acteurs économiques : « iComme patron d'une entreprise de grande distribution, plus de 3 000 points de vente, 160 000 collaborateurs, strongvous êtes comme un baromètre de l'état d'esprit des Français/strong… Que voyez-vous chez les Français ?/i » Aux yeux de Benjamin Duhamel, Thierry Cotillard n'est pas le président d'un groupe qui affiche un chiffre d'affaires de 55,6 milliards d'euros en 2024, mais bien un « ibaromètre de l'état d'esprit des Français/i », un instrument fiable de mesure de « l'opinion », presque un sociologue. On retrouve là le procédé imade in/i Leclerc : le patron exerçant dans un secteur de l'économie auquel « les-Français » sont confrontés quotidiennement – la grande distribution – il en devient par transitivité un « ispécialiste des Français/i », à la « ifibre sociale/i » qui plus est !/p
pAlors que Leclerc a pris pour habitude de se faire passer pour le héros du pouvoir d'achat, Cotillard a quant à lui choisi la carte de « ila précarité étudiante/i » et ne manque pas une occasion de le rappeler devant des journalistes conquis. Mais comme tout patron « télé » qui se respecte, Thierry Cotillard suit surtout le sens du vent (médiatique) : en février, au salon de l'agriculture, il lançait en grande pompe avec l'animatrice Karine Le Marchand et d'autres géants de la distribution une opération commerciale pour « isoutenir les agriculteurs/i », intitulée « L'amour est tout près ». Invité sur le plateau de « Quelle Époque ! » (France 2, 8/03) pour parler de cet « iengagement/i », Thierry Cotillard était reçu avec tous les égards par Léa Salamé : « iPourquoi vous avez dit oui [à Karine Le Marchand] ? Pourquoi vous vous êtes engagé ?/i » Léa Salamé se demandera tout de même s'il ne s'agit pas d'une « iopération de comm'/i », mais ne poussera pas jusqu'à se demander s'il est bien décent de faire passer un patron de la grande distribution pour un homme « iengagé/i » contre la précarité des agriculteurs./p
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div class='spip_document_16200 spip_document spip_documents spip_document_image spip_documents_center spip_document_center'
figure class="spip_doc_inner" a href='https://www.acrimed.org/IMG/png/cotillard-lemarchand.png' class="spip_doc_lien mediabox" type="image/png" img src='https://www.acrimed.org/local/cache-vignettes/L500xH281/cotillard-lemarchand-b9446.png?1758636759' width='500' height='281' alt='' //a
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p/brCar bien entendu, cette (fine) couche de vernis social résiste mal aux (rares) incartades que s'autorisent les intervieweurs : « iAu cœur des débats Thierry Cotillard, il y a la question de la contribution des plus aisés à l'effort national […]. Est-ce que vous dites "on est prêts à faire un effort" ?/i », demande par exemple Duhamel sur France Inter. Cotillard le stoppe : « iÉcoutez, je crois que nous sommes tous prêts à faire des efforts mais franchement y'en a marre, y'en a marre de penser que la solution, c'est soit un impôt soit une taxe, parce qu'on fait partie des pays qui sont les plus taxés. Et puis, ça suffit ce concours Lépine de la nouvelle taxe !/i » Et le président des Mousquetaires d'enfiler les poncifs patronaux, à l'image du patron du Medef, depuis la « isurrèglementation/i » jusqu'aux « isurcouches administratives/i ». Tout est en ordre./p
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h3 class='article_intertitres'« iFaut-il un patron au pouvoir ?/i »/h3
p/br« iAlors moi, je ne suis pas au Medef/i », s'esclaffe-t-il pourtant sur le plateau de « C à vous », alors que l'éditorialiste Yaël Goosz regrette que le patronat « idans son ensemble/i » n'ait fait « iaucun compromis/i » lors du conclave des retraites, ce « iqui aurait pu donner de l'air à ce gouvernement Bayrou/i ». Nous sommes le 5 septembre, la chute du Premier ministre est annoncée dans les jours qui viennent, et le journaliste Mohamed Bouhafsi organise un plateau sur la crise politique et « iles-Français/i » qui « ise serrent/i » conséquemment « ila ceinture/i ». Choisi dans le rôle du petit père de la nation, Thierry Cotillard récite son imitation de Michel-Édouard Leclerc en adoptant un langage familier, censé, on l'imagine, le rapprocher « des-Français » ou de l'image qu'il s'en fait : « iLe seul pays qui est planté, c'est la France. Et c'est là où j'ai envie de dire vulgairement "T'as les boules" […]. On n'a pas cette culture du compromis, chacun reste sur ses positions jusqu'à bloquer le pays./i » La journaliste Amandine Bégot reconnaît là le discours de « stabilité » et de « compromis » si cher au petit monde médiatique. D'où cette question, tout à fait caractéristique de la fascination journalistique pour le patronat : « iFaut-il un patron au pouvoir ?/i »/p
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pstrong- Amandine Bégot :/strong Près de 40% des Français veulent un Premier ministre apolitique ! Thierry Cotillard, est-ce qu'un grand patron ferait mieux ?/p
pstrong- Thierry Cotillard :/strong C'est un raccourci, je sais qu'un de mes confrères pourrait être candidat…/p
pstrong- Amandine Bégot :/strong On parle souvent de Michel-Édouard Leclerc, régulièrement les Français…/p
pstrong- Thierry Cotillard :/strong Écoutez, je crois que c'est un autre exercice, mais une chose dont je suis sûr, c'est qu'on n'a pas assez de mixité entre les politiques […] et le monde de l'entreprise./p
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div class='spip_document_16201 spip_document spip_documents spip_document_image spip_documents_center spip_document_center'
figure class="spip_doc_inner" a href='https://www.acrimed.org/IMG/png/cotillard-begot.png' class="spip_doc_lien mediabox" type="image/png" img src='https://www.acrimed.org/local/cache-vignettes/L500xH278/cotillard-begot-ad86b.png?1758636759' width='500' height='278' alt='' //a
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p/brEn 2024 déjà, Jean-Michel Aphatie lui jouait le même air : « iVous allez finir ministre./i » (« Quotidien », TMC, 10/01/24) Quant à Michel-Édouard Leclerc, trois mois plus tôt, « C à vous » se posait la même question à son sujet – « 2027 : un patron à l'Élysée ? » – et la chroniqueuse Émilie Tran Nguyen jouait déjà la partition avec entrain : « iQuand on regarde les sondages, [il] y a 66% des Français qui feraient plus confiance à un chef d'entreprise pour réformer la France. [Il] y a même un sondage qui dit que les Français font plus confiance à Michel-Édouard Leclerc qu'à Jean-Luc Mélenchon pour faire des propositions efficaces pour la France !/i »/p
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centerstrong***/strong/center
p/brEntre fin août et mi-septembre, Thierry Cotillard a en tout cas bénéficié de la surface médiatique d'un homme politique de premier plan : matinales, grands entretiens en iprime time/i, interviews dans la presse régionale, nationale, économique et même sportive… Il a pu donner son avis sur l'abaissement de la note de la dette publique de la France, « il'état d'esprit des Français/i », le mouvement « Bloquons tout », l'inflation, la précarité étudiante, l'instabilité politique ou encore sa stratégie de sponsoring du football et du rugby ! Comme toute parole émanant d'un acteur dominant dans le champ économique, les déclarations d'un grand patron sont extrêmement valorisées par les journalistes, qui leur confèrent une forme d'autorité et d'expertise incontestable. Au point que l'éditocratie, lassée de l'instabilité politique et ivre de bavardages insensés, envisage aujourd'hui l'un d'entre eux à la tête du pays, comme a href="https://www.acrimed.org/General-nous-voila-les-editocrates-avec-Pierre-de"elle jetait hier son dévolu sur un ex-chef d'état-major des armées/a pour y rétablir l'ordre… Grâce à cette complicité médiatique, et en appliquant le manuel de son « mentor », Thierry Cotillard a pu, en 15 jours, être tout à la fois un chef d'entreprise « iengagé/i », un « ibaromètre/i » de l'opinion des Français, et un fervent défenseur médiatique des intérêts de sa classe./p
p/brstrongJérémie Younes/strong/p/div
lun, 2025-09-22 10:36
img src='https://www.acrimed.org/local/cache-vignettes/L150xH128/25eheure_logo-f3c89.png?1758530194' class='spip_logo spip_logo_right' width='150' height='128' alt="" /
div class='rss_chapo'pLes « débats » actuels sur « l'isolement », « l'image » et la « crédibilité » d'Israël ne sont pas sans rappeler une séquence médiatique structurante dans le développement de ce type de cadrage, qui polarise une grande partie de l'agenda. Au printemps 2025, tandis que le gouvernement français formulait quelques remontrances de façade à l'égard du gouvernement israélien, un certain nombre d'intellectuels et de personnalités se sont exprimés, en tant que juifs et juives, contre la politique de Benyamin Netanyahou. Encensées et largement amplifiées par les grands médias, ces prises de position eurent beau témoigner d'une désolation morale devant les massacres de Palestiniens, elles n'en ont pas moins assuré la continuité du cadrage politique imposé au lendemain du 7 octobre 2023, parfois au gré d'une réécriture frauduleuse de l'histoire, toujours en vue de la sauvegarde de « l'image » ou de « l'âme » de l'État d'Israël. Ou comment assurer la reproduction du (même) récit dominant et la reconduction du (même) monopole de la parole… en prétendant faire état d'un « changement ». Retour sur une séquence loin d'être achevée./p/div
div class='rss_texte'pLe 10 mai 2025, sous les projecteurs et la bande-son haletante de « Quelle époque ! » (France 2), Léa Salamé livre une introduction que tout étudiant en journalisme se devrait d'étudier pour mesurer la puissance de deux a href="https://www.acrimed.org/Le-pouvoir-des-medias-entre-fantasmes-deni-et"pouvoirs fondamentaux des médias/a : le pouvoir d'agenda et le pouvoir de consécration./p
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pstrongLéa Salamé :/strong On en vient maintenant à un sujet qu'on ne pouvait pas ne pas traiter cette semaine. Deux femmes puissantes, deux femmes influentes ont pris la parole en fin de semaine. Deux femmes dont la voix compte en France et dans la communauté juive. Anne Sinclair et Delphine Horvilleur ont écrit chacune un texte fort alors que la situation n'a jamais été aussi critique à Gaza./p
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pCette mise en scène d'une actualité subitement présentée comme incontournable ne saurait faire oublier qu'à l'antenne de « Quelle époque ! », Gaza a surtout été un non-sujet, largement laissé hors-champ au cours des deux années passées. Aux arguties de la présentatrice affirmant « ne pas pouvoir ne pas traiter » le sujet en cette semaine de mai 2025, on opposera que la rédaction ia très bien pu ne pas le traiter/i pendant de trop nombreux mois : à titre d'exemple, la précédente émission abordant Gaza remonte au 24 novembre 2024… soit 5 mois plus tôt./p
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h3 class='article_intertitres'« Les voix qui comptent »… et les distinctions sélectives/h3
p/brQue nous vaut cette soudaine préoccupation ? Deux textes publiésspan class="spip_note_ref" [a href='#nb1' class='spip_note' rel='appendix' title='Sur Instagram (8/05) pour la première et sur le site Tenoua (7/05) pour la (...)' id='nh1'1/a]/span respectivement par la journaliste Anne Sinclair et l'écrivaine et rabbine Delphine Horvilleur, lesquelles ne sont pas en plateau ce jour-là. Leur médiatisation, confie Léa Salamé, s'explique du fait de la notoriété de leurs autrices, immédiatement qualifiées de « ivoix qui comptent en France et dans la communauté juive/i », et dont la parole est perçue, construite et légitimée comme un « événement » à part entière, d'une importance telle qu'il provoque un retour de Gaza à l'agenda après des mois de trou noir. Parcourir les précédentes émissions à la lumière d'un tel précepte nous renseigne donc sur les (rares) « voix qui ont compté » aux yeux de la rédaction, autant que sur les (nombreuses) voix qui à l'évidence ne comptent pour rien… et ont été par conséquent mises en sourdine. Sans surprise, le tableau général de l'émission se distingue par l'exclusion quasi systématique des collectifs, partis et personnalités qui, au cours des vingt mois précédents, ont porté avec constance les appels au cessez-le-feu, les recommandations des instances de la justice internationale, les demandes de sanctions contre Israël et les manifestations de solidarité concrète avec le peuple palestinien./p
pSans doute leur parole était-elle moins digne d'intérêt que le « itexte fort/i » des deux personnalités célébrées par Léa Salamé… Alors que nous disent-elles ?/p
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pstrongLéa Salamé :/strong Anne Sinclair a écrit sur son compte Instagram il y a deux jours : « Nous sommes meurtris, déchirés par l'action que mène le gouvernement israélien à Gaza. i[Léa Salamé effectue ici une large coupe non signalée par rapport au texte originel, NDLR.]/i Les Juifs n'affament pas les enfants. Les Juifs ont trop souffert pour ne pas supporter qu'on fasse du mal en leur nom. » La rabbine Delphine Horvilleur a elle aussi pris la parole dans la revue Tenoua pour dire stop à la politique israélienne de Netanyahou. Je la cite : « C'est précisément par amour d'Israël que je parle aujourd'hui. Par la force de ce qui me relie à ce pays qui m'est si proche, et où vivent tant de mes proches i[« prochains », dans le texte originel, NDLR]/i. Par la douleur de le voir s'égarer dans une déroute politique et une faillite morale. Par la tragédie endurée par les Gazaouis, et le traumatisme de toute une région. »/p
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pPar un savant procédé de sélection, Léa Salamé choisit de mettre en relief les propos qui, au sein des deux textes en question, sont susceptibles d'incarner au mieux la compassion morale des deux autrices à l'égard des Palestiniens de Gaza : un angle compatible avec le cadrage médiatique « humanitaire » de la question palestinienne tel que toléré à l'instant T, qui valut accessoirement à de nombreuses voix l'excommunication médiatique durant des mois après le 7 octobre 2023. Sauf que les deux autrices sont loin de ne dire que ça…/p
pAnne Sinclair, notamment, écrit dès la deuxième phrase de son post Instagram que « ila légitimité de cette guerre après le 7 octobre n'est pas à remettre en cause/i », tout en prenant un soin extrême à dédouaner l'État d'Israël, en pointant la « iresponsabilité absolue/i » du Hamas « ipour le mal qu'il fait à la population palestinienne en la gardant en otage et en l'exposant à sa place aux bombes et à la guerre qu'il aurait pu arrêter/i », et en bornant ses critiques à la seule « iforme des actions que mène l'armée israélienne à Gaza à la demande du gouvernement de Netanyahou/i ». Quant à Delphine Horvilleur, elle prend garde à ne jamais nommer, elle non plus, les crimes d'Israël pour ce qu'ils sont. Et pour cause, tant le cœur du texte ne porte pas tant sur le génocide en lui-même que sur son influence délétère sur le destin de l'État d'Israël, que Delphine Horvilleur « iappel[le] à un sursaut de conscience/i »./p
pOn voit donc combien ces deux textes en disent iin fine/i beaucoup plus long que ce que Léa Salamé veut bien en montrer dans son introduction : par ses choix sélectifs confinant à une désinformation par omission, la présentatrice rend visible leur versant « humanitaire » pour mieux passer sous silence leur portée fondamentalement politique, laquelle non seulement ne contrevient en rien au a href="https://www.acrimed.org/Israel-Palestine-le-7-octobre-et-apres-1-un"récit médiatico-politique dominant édicté au lendemain du 7 octobre 2023/a, mais permet en outre d'en assurer la continuité acceptable sous une bannière « morale »./p
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h3 class='article_intertitres'Encenser les censeurs : à propos des « injonctions au silence »/h3
p/brDisqualifiées ou ignorées dans les médias les plus extrême droitiers assumant une ligne de soutien inconditionnel à l'État d'Israël – pour lesquels une « simple » compassion humanitaire à l'endroit des Palestiniens équivaut déjà à soutenir le Hamas… –, ces prises de position ont été très largement célébrées au sein des médias « respectables ». L'AFP publie une dépêche à succès sur « l'événement » ; iLe Monde/i valorise ces « ipersonnalités de la communauté juive française qui prennent position pour dénoncer la situation/i » (12/05) et le 9 mai, iLibération/i publie coup sur coup deux articles pour applaudir le « iréveil salutaire d'Anne Sinclair et Delphine Horvilleur/i » et mettre en valeur la première, qui « isort du silence pour dénoncer la "faillite morale d'Israël"/i ». Aucune critique substantielle ne leur est adressée, hormis « iune faute intellectuelle/i » consistant, écrit Thomas Legrand… à avoir « ilaissé à LFI le monopole de la radicalité de la critique des crimes d'Israël à Gaza et en Cisjordanie/i ». Il fallait oser, ia fortiori/i quand on mesure la « radicalité » des critiques en questionspan class="spip_note_ref" [a href='#nb2' class='spip_note' rel='appendix' title='Le Monde (12/05) n'hésite pas à donner cours au même type d'outrance au moment (...)' id='nh2'2/a]/span... « i[Elles] considèrent avec effroi que l'État hébreu "s'égare dans une déroute politique et une faillite morale". On ne saurait mieux dire/i », les félicite également iL'Obs/i (15/05). « i[L]eur colère/i » fait couler de l'encre jusque dans les pages du iMidi Libre/i et de iL'Indépendant/i (12/05), tandis que de France Info à France Culture en passant par France Inter, les journaux d'information les mettent à l'agenda – et à l'honneur –, France Inter saluant « ide nouvelles voix [qui] s'élèvent pour dénoncer la situation humanitaire à Gaza, des voix influentes au sein de la communauté juive en France/i », parmi lesquelles Delphine Horvilleur, dont la journaliste soutient qu'« ielle sort du silence/i ». (Journal de 13h, 9/05). « iElle a, pendant de longs mois, choisi la retenue/i », insiste iLe Point/i (9/05)./p
pUn storytelling qui reprend mot pour mot celui des deux autrices, s'essayant elles-mêmes à justifier le « silence » qui aurait jusque-là caractérisé leur posture. « iNous nous sommes tus car l'antisémitisme qui gagne du terrain, sous couvert d'antisionisme, nous a contraints à faire bloc face à ceux qui nous insultent et crient leur haine du juif/i », déclare Anne Sinclair. « iJ'ai censuré mes mots face à ceux qui trouvent des excuses à une déferlante antisémite "ici" au nom d'une justice absente "là‐bas"/i », écrit Delphine Horvilleur, l'audace prenant un tour particulièrement cavalier lorsqu'elle explique avoir « iressenti souvent cette injonction au silence/i »./p
pMais de quel « silence » parle-t-on ? Et à propos de quoi ? Dès le 25 octobre 2023 par exemple, Horvilleur n'hésitait pas à faire la Une de iL'Obs/i aux côtés de Kamel Daoud, où elle s'épanchait dans un entretien-fleuve pour affirmer que « icette guerre contre le Hamas est légitime/i », dire son accablement de ne « ipas trouv[er] de voix palestinienne en France pour dénoncer le Hamas/i », son dégoût face aux « ipositions indignes de La France insoumise et sa rhétorique qui nourrit l'antisémitisme/i », déclarer « iqu'on adore les juifs qui souffrent […] [m]ais dès qu'ils ont une armée, dès qu'on imagine une souveraineté juive, dans sa moralité et son immoralité que crée toute souveraineté, tout à coup, c'est insupportable/i », ou encore théoriser, a href="https://www.acrimed.org/Israel-Palestine-le-7-octobre-et-apres-2-doubles"comme d'autres commentateurs le firent par la suite/a, qu'« ihumainement, ce n'est quand même pas la même chose de se poser la question des dérives d'une armée et le fait que des gens soient entrés, maison par maison, dans des familles pour trucider des bébés et violer des femmes/i »./p
pUn « silence » pour le moins bavard donc, qui préfigura de nombreuses interventions médiatiques au cours des mois suivants, des écrits dans la revue qu'elle dirige, la publication d'un essai (chez Grasset), mais aussi quelques campagnes de calomnie contre l'humoriste Blanche Gardinspan class="spip_note_ref" [a href='#nb3' class='spip_note' rel='appendix' title='Voir par exemple l'article de France Info (14/03/2024).' id='nh3'3/a]/span, « iles féministes d'ultra-gauche/i »span class="spip_note_ref" [a href='#nb4' class='spip_note' rel='appendix' title='« Delphine Horvilleur : "Israël ne peut pas se débarrasser de la question de (...)' id='nh4'4/a]/span et le mouvement de solidarité, ou encore des appels à « ipurger le Nouveau Front populaire/i » visant « ides gens/i » au sein de LFI qui, « ià commencer par son leader, à commencer par bon nombre de ses sbires/i », « iutilisent un langage de l'antisémitisme/i » et « isont tout aussi dangereux [que le RN]/i », tous deux porteurs de « ivaleurs abjectes et haineuses/i » (BFM-TV, 20/06/2024)./p
pQuant à Anne Sinclair, elle eut elle aussi moult occasions de « sortir du silence », notamment lors de son passage dans a href="https://www.youtube.com/watch?v=VBunLTuM2kw" class='spip_out' rel='external'« C à vous » (France 5)/a, le 29 avril 2024, où elle déployait toute sa ferveur pour discréditer les étudiants mobilisés à Sciences Po en soutien de la Palestine – coupables de « icécité/i », d'« iignorance absolue/i » et de « iméconnaissance totale de la mémoire historique/i » – ; mettre en doute le bilan des morts à Gazaspan class="spip_note_ref" [a href='#nb5' class='spip_note' rel='appendix' title='Interrompant la journaliste Émilie Tran Nguyen qui mentionne 40 000 morts à (...)' id='nh5'5/a]/span ; et enjoindre de ne pas « i[mettre] en équivalence à la fois le massacre d'une barbarie sauvage qui a eu lieu le 7 octobre et une guerre. C'est une guerre, elle est cruelle, elle est dure, elle est violente, on a le droit de dire "assez", oui, peut-être, mais on ne met pas les deux en parallèle/i ». Sans oublier de calomnier toute position politique contraire à la sienne :/p
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pstrong- Anne Sinclair :/strong L'antisionisme aujourd'hui est la forme moderne de l'antisémitisme./p
pstrong- Patrick Cohen :/strong Tous les antisionistes ?/p
pstrong- Anne Sinclair :/strong Tous les antisionistes./p
pstrong- Patrick Cohen :/strong Tous ?/p
pstrong- Anne Sinclair :/strong Tous./p
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pAutant d'exemples qui ne sauraient donc faire oublier que si « injonctions au silence » il y eut autour de la question palestinienne, celles-ci furent en réalité infligées de façon systématique aux Palestiniens et à leurs soutiens (réels ou supposés), au fil d'une longue séquence de diabolisationspan class="spip_note_ref" [a href='#nb6' class='spip_note' rel='appendix' title='Lire « Maccarthysme médiatique », Médiacritiques n° 51, juillet-septembre 2024 (...)' id='nh6'6/a]/span – toujours en cours./p
pAnne Sinclair et Delphine Horvilleur y ont pris toute leur part, de même que le dessinateur Joann Sfar, auteur lui aussi d'un post Instagram salué par la presse incitant à ne pas « ise taire face aux déplacements de populations forcés et au nettoyage ethnique qu'annonce le ministre Smotrich/i » (8/05). Ceci après s'être « ifait une spécialité de la diffusion de fausses nouvelles concernant les acteurs et actrices du mouvement de solidarité avec la Palestine/i » au cours des vingt mois précédents, mais également de grossières « iapproximations, contre-vérités et mensonges concernant l'histoire, l'actualité et les répercussions en France du conflit opposant Israël — et avant lui le mouvement sioniste — aux Palestiniens/i », ainsi que le détaille par le menu a href="https://www.blast-info.fr/articles/2025/cher-joann-sfar-boxing-day-30-SEOArjnPQxyyrUi5d6CgAA" class='spip_out' rel='external'son portrait paru sur Blast/a./p
pMais qu'importe aux grandes consciences du journalisme : « iIl faut saluer cette prise de parole importante/i », décrète par exemple Thomas Legrand dans iLibération/i (9/05) à propos de Delphine Horvilleur. Ainsi vont les bâtisseurs du discours dominant, et ainsi se construit son hégémonie : prescrire l'amnésie et sommer que l'on entende ices/i voix, ici et maintenant. Celles qui ont participé à étouffer les contre-courants minorisés. Celles dont on doit retenir le nom. Celles dont on fait pour cela les gros titres. Celles que « la raison » commande d'applaudir. Celles dont les grands pontes du journalisme « ne peuvent pas ne pas parler », quand il leur fut pourtant si facile d'en piétiner ou d'en ignorer tant d'autres. Loin d'avoir accompagné une quelconque « sortie du silence », cette séquence de médiatisation ne fait donc ni plus ni moins que consacrer les acteurs que les grandes rédactions consacraient déjà hier… sur le dos des acteurs qu'elles invisibilisaient ou stigmatisaient déjà hier, et dont la parole reste confisquée./p
pÀ ce titre, la marginalisation – ou la censure pure et simple – des a href="https://www.acrimed.org/Israel-Palestine-Le-plus-revoltant-c-est-la"personnalités juives et des collectifs juifs critiques d'Israël/a au cours des vingt mois qui ont précédé rendent d'autant plus problématique la référence médiatique constante à « la communauté juive » au cours de cette séquence. Dans la bouche de journalistes n'ayant eu de cesse a href="https://www.acrimed.org/Radicaliser-retour-sur-la-campagne-du-Monde"d'accuser l'opposition politique de gauche d'une prétendue « essentialisation des juifs »/a, une telle rhétorique ne manque décidemment pas de sel, tant elle laisse à penser qu'aucune voix juive n'avait jusqu'à présent critiqué Israël. Aucune voix juive… ou aucune voix juive telle que les tolère, à l'évidence, un espace médiatique qui ignore toute critique d'Israël jugée trop « radicale », l'assimile à de l'antisémitisme et exclut catégoriquement l'antisionisme du périmètre de l'acceptable et du diciblespan class="spip_note_ref" [a href='#nb7' class='spip_note' rel='appendix' title='Rappelons tout de même que l'hebdomadaire du « cercle de la raison », (...)' id='nh7'7/a]/span ?/p
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h3 class='article_intertitres'« Sauver l'âme d'Israël » : déviations et re-polarisation du débat public/h3
p/brTout au long du mois de mai, à la faveur des mêmes angles morts et du même effet de consécration, cette séquence de médiatisation a pris de l'ampleur et s'est étendue à d'autres figures publiques. « iComment critiquer un État en guerre sans nourrir l'antisémitisme ambiant ?/i » s'interroge par exemple iLe Figaro/i (27/05), qui titre sur « iles tourments de la communauté juive française/i » en affichant les portraits de Delphine Horvilleur et de quatre hommes publics qui se sont distingués par leurs interventions constantes en défense de l'État d'Israël – le grand rabbin Haïm Korsia, au centre du visuel du iFigaro/i ci-dessous, ayant par exemple déclaré sur BFM-TV (26/08/24) n'avoir « iabsolument pas à rougir de ce qu'Israël fait dans la façon de mener les combats/i » à Gaza, avant de poursuivre : « iTout le monde serait bien content qu'Israël finisse le boulot et qu'on puisse construire une paix enfin au Proche-Orient./i »span class="spip_note_ref" [a href='#nb8' class='spip_note' rel='appendix' title='Lire « En faisant l'apologie du génocide, Haïm Korsia met les Juif·ves en (...)' id='nh8'8/a]/span. Quant au président du Crif, Yonathan Arfi, il suffit de parcourir son interview dans iLe Parisien/i du 16 juin dernier – où il figure à la Une –, pour mesurer l'inflexibilité de son positionnement en « isoutien à Israël dans son droit à se défendre face à des menaces existentielles/i »./p
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figure class="spip_doc_inner" img src='https://www.acrimed.org/local/cache-vignettes/L500xH290/25eheure_1-26ab4.png?1758529118' width='500' height='290' alt='' /
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p/brPour caricatural qu'il soit, le cadrage du iFigaro/i n'en reflète pas moins une certaine polarisation du débat public autour du « destin d'Israël », tant se sont multipliées à cette période les déclarations sensiblement identiques à celle de Delphine Horvilleur et d'Anne Sinclair, dont la presse s'est fait la (vaste) chambre d'écho. Le 8 mai, iL'Express/i publie ainsi la tribune de l'historien Marc Knobel intitulée « Face à la radicalisation d'Israël, les juifs ne peuvent plus se taire », lequel sera également signataire d'un article sur le site de Bernard-Henri Lévy – « Prendre la parole juive dans la tempête : Gaza, le Hamas, Israël et la responsabilité de dire » (La Règle du jeu, 13/05) – avant d'être interviewé par iLa Croix/i : « Gaza : "Le danger est réel de voir s'approfondir une fracture dans le judaïsme" » (16/05). Entre-temps, iLa Tribune dimanche/i médiatise un collectif d'intellectuels « irévoltés par le sort fait aux Palestiniens, inquiets pour l'âme d'Israël/i » (11/05) –, dont l'appel trouve un large écho médiatique. Dans la même veine, iLes Échos/i diffusent un texte du « géopolitologue » Dominique Moïsi – « Gaza : le suicide moral d'Israël » (16/05) – également très remarqué, et quelques jours plus tard (4/06), iLe Monde/i publie une tribune de l'ancien Premier ministre israélien Ehud Olmertspan class="spip_note_ref" [a href='#nb9' class='spip_note' rel='appendix' title='Ancien ministre sous le gouvernement d'Ariel Sharon, il devint Premier (...)' id='nh9'9/a]/span. Titrée « Israël commet bien des crimes de guerre à Gaza », il faut la lire en entier pour comprendre que l'appréciation ne vaut que « idepuis quelques semaines/i » seulement : « iJ'ai toujours affirmé avec force/i, écrit-il, iqu'Israël ne commettait pas de crimes de guerre à Gaza. Car si l'ampleur des pertes humaines était terrible, aucun responsable du gouvernement n'avait cependant donné l'ordre de s'en prendre aux civils de Gaza, sans discernement./i » Des déclarations qui lui vaudront d'être interviewé dans la matinale de France Inter (10/06), à l'antenne de RFI et dans les pages du iDauphiné Libéré/i (11/06), mais aussi sur France 24 (12/06) ou dans iL'Express/i (17/06)./p
pCritiques du gouvernement israélien – quoique avec des nuances –, sensibles à la souffrance des Palestiniens de Gaza – quoique sur des registres différents –, ces prises de position ont en commun de reprendre la problématique à deux faces telle que la résumait Thomas Legrand dans iLibération/i (9/05) : « iQue faire pour que cesse le massacre et pour empêcher Netanyahou de continuer à dénaturer Israël ?/i » La première partie ne semblant jamais auto-suffisante, elle va toujours de pair avec la seconde, tantôt motivée par la crainte que se dégrade « l'image » d'Israël à l'international, tantôt que se « dénaturent » ce qui constituerait son « âme originelle » et « iles promesses qui furent celles de ses pères fondateurs/i », selon les mots du rédacteur en chef de iLa Dépêche/i, Jean-Claude Souléry, auteur d'un éditorial exprimant le souhait de « iretrouver enfin Israël dans le concert des nations/i » (27/05)./p
pEn pleine guerre génocidaire, alors que l'existence même d'une question nationale palestinienne est en jeu, ces prises de position réorientent pour partie – si ce n'est majoritairement – le cadrage du débat autour d'Israël – et d'une « menace existentielle » –, continuant de ce fait d'entretenir la déshumanisation des Palestiniens, a href="https://blogs.mediapart.fr/muzna-shihabi/blog/030725/l-effacement-poli-des-voix-palestiniennes" class='spip_out' rel='external'la relégation de leur parole/aspan class="spip_note_ref" [a href='#nb10' class='spip_note' rel='appendix' title='Une ligne que nous avions déjà mis en lumière au sein du Parisien, où se sont (...)' id='nh10'10/a]/span... et l'invisibilisation de leur mémoire, en particulier celle du nettoyage ethnique de 1947-1949 – la Nakbaspan class="spip_note_ref" [a href='#nb11' class='spip_note' rel='appendix' title='Voir notamment Ilan Pappé, Le nettoyage ethnique de la Palestine, La (...)' id='nh11'11/a]/span. Nombre de commentateurs ont en outre produit un nouveau discours « auto-justificateur » permettant de réhabiliter d'une pierre deux coups « l'âme d'Israël » et la continuité du récit dominant imposé au lendemain du 7 octobre 2023 : se jouerait actuellement à Gaza une « deuxième guerre » qui, contrairement à « la première », n'est pas légitime, témoigne de la « dérive » de dirigeants « fanatiques », et justifie désormais, et désormais seulement, que des voix protestent contre. Tous, cependant, ne s'accordent pas sur « le commencement » de cette « nouvelle guerre », la plupart évoquant mars 2025, après qu'Israël a rompu le « cessez-le-feu », là où d'autres l'inaugurent plutôt en mai 2025…/p
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h3 class='article_intertitres'Les « ideux guerres/i » de Gaza, ou la réécriture de l'histoire « en train de se faire »/h3
p/br« iÀ partir de mars 2025, cette guerre n'est pas acceptable, n'est pas légitime dans l'État d'Israël/i », déclare ainsi l'ancien Premier ministre israélien Ehud Olmert à l'antenne de France Inter, le 10 juin 2025, sans aucune autre réaction de la part de la journaliste Sonia Devillers… qu'un assentiment : « iC'est mars 2025, le changement ? Mars 2025./i » Et tant pis pour les plus de a href="https://www.ochaopt.org/content/reported-impact-snapshot-gaza-strip-18-march-2025" class='spip_out' rel='external'48 500 morts, dont plus de 13 300 enfants/a, (officiellement) recensés à Gazaspan class="spip_note_ref" [a href='#nb12' class='spip_note' rel='appendix' title='Selon le rapport de l'OCHA paru fin février 2025, à date du 31 janvier 2025, (...)' id='nh12'12/a]/span à cette période, lesquels ont pu une nouvelle fois être qualifiés de simple « idégât collatéral/i » en toute quiétude à l'antenne de la matinale la plus écoutée de France./p
pLoin d'être l'apanage de l'ancien Premier ministre israélien, cette petite musique des « deux guerres » circulait déjà au sein des grands médias depuis plusieurs semaines. Le 26 mai sur France Culture, la sociologue Eva Illouz déclare par exemple face à Guillaume Erner que « icontinuer la guerre semble aujourd'hui complètement illégitime et injustifié. Et on passe aujourd'hui d'une guerre d'autodéfense à une guerre de conquête/i ». Aucune réaction du journaliste. Le lendemain dans iChallenges/i (27/05), le responsable de l'édito « Monde » affirme que « icette guerre défensive et existentielle s'est transformée en une guerre de conquête sans objectifs clairs sur l'état final recherché pour cette terre ravagée et exsangue/i », le tout corroboré par une citation de l'historien (et ancien ambassadeur d'Israël en France) Elie Barnavi : « iLa guerre de Gaza montre qu'une guerre juste peut se transformer en une guerre injuste./i »/p
pLe même jour sur LCI (27/05), on ne s'étonne pas de trouver le trio Pujadas-Fourest-Elkrief en pleine représentation, bien décidé à véhiculer le mot d'ordre de cette réécriture de l'histoire. Introduisant la chronique de la journaliste de iFranc-Tireur/i, David Pujadas parle à deux reprises de « icette deuxième guerre de Gaza/i », laquelle « isuscite effectivement et de façon quasi unanime, cette fois, la révolte et l'indignation/i ». Insistant lourdement sur l'expression, Caroline Fourest affirme partager « il'émotion légitime contre cette deuxième guerre de Gaza/i », sans avancer la moindre date de son « déclenchement », et tout en la disant « ibeaucoup trop longue, beaucoup trop meurtrière et insupportable/i » ou en parlant d'une « iriposte qui n'a que trop duré et qui doit cesser/i ». Contradiction quand tu nous tiens ! Ruth Elkrief, enfin, souhaite s'assurer que le message est bien passé : « iCette deuxième guerre de Gaza est inacceptable, inadmissible, elle doit s'arrêter et il y a en Israël même des personnalités très fortes qui ont jeté des pavés dans la mare en dénonçant y compris l'activité, parfois, de l'armée israélienne, dans certains cas./i » « Dans certains cas »./p
pOn continue avec iLibération/i (14/06), où le politiste médiatique Denis Charbit soutient que « ila guerre légitime a été absorbée par une autre guerre, une nouvelle guerre d'occupation, de récupération de territoire, et ça, on ne peut pas laisser faire/i ». Même tonalité au iFigaro/i (27/05) – qui nous apprend que « isi le conflit a débuté il y a plus d'un an et demi, […] il a récemment changé de nature, et pas seulement de degré/i » –, mais aussi à l'antenne de « C ce soir », où dans l'émission du 26 mai titrée « Israël : vers un isolement inédit ? », le philosophe Gérard Bensussan entonne le leitmotiv, sans contradiction là encore :/p
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pstrongGérard Bensussan :/strong Au fond, il y a eu deux guerres de Gaza. […] La guerre menée à la fin du mois d'octobre 2023 est une guerre d'autodéfense, dont la légitimité ne paraît pas contestable, même si c'est une guerre atroce. […] La guerre qui a été entamée en mars [2025] est une guerre, une opération complétement erratique, sans but de guerre précisé. Et donc on a une sorte de fuite en avant de ce gouvernement, une fuite en avant criminelle, qui est condamnable./p
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centerstrong***/strong/center
p/brSingulière par son ampleur et l'effet de légitimation qui auréole les tenants de la parole publique en présence – intellectuels, « experts » et journalistes –, cette séquence médiatique est un cas d'école d'une réécriture de l'histoire « en train de se faire ». Polarisant l'attention autour du « destin » ou de « l'âme d'Israël », installant le récit d'une « dérive » soudaine de la « guerre à Gaza », elle assure la continuité du cadrage dominant édicté au lendemain du 7 octobre 2023. Trois nouveaux mythes ont alors vu le jour : 1/ Des personnalités influentes au sein de « la communauté juive » « sortent du silence » ; 2/ témoignent d'un « réveil » ou d'un « revirement » à propos des événements à Gaza ; 3/ où se joue dorénavant une « deuxième guerre » qui, contrairement à « la première », n'est pas légitime. Reconduisant le (même) monopole de la parole, les chefferies médiatiques enfoncent le clou de l'écrasement symbolique du mouvement de solidarité avec la Palestine dans le débat public : après des mois de maccarthysme (toujours en cours), elles accompagnent un nouveau renversement dans lequel les légitimateurs d'hier sont aujourd'hui célébrés comme les opposants-phare d'une même guerre génocidaire. La co-production du récit dominant donne alors toute sa mesure, qui détient le privilège de dire où et quand il est souhaitable que cette dernière s'arrête, aujourd'hui plutôt qu'hier ; de décréter quels acteurs sont légitimes pour le faire ; de formuler le contexte acceptable au sein duquel son histoire peut être racontée, et quel doit en être le commencement ; de sélectionner les termes permis ou proscrits ; de déterminer quelle position politique peut être valorisée, et quelles autres seront vouées à patauger dans les marges. Pour avoir raison d'une telle domination symbolique, restera alors à la charge des courants contestataires de faire valoir leurs voix hors des grands médias, contre les grands médias, comme ils y sont contraints depuis près de deux ans./p
p/brstrongPauline Perrenot/strong/p/div
hr /
div class='rss_notes'div id='nb1'
pspan class="spip_note_ref"[a href='#nh1' class='spip_note' title='Notes 1' rev='appendix'1/a] /spanSur Instagram (8/05) pour la première et sur le site Tenoua (7/05) pour la seconde, un « imédia qui éclaire tous les sujets de bascule du débat public par le prisme de la pensée juive/i » selon sa présentation, et dont Delphine Horvilleur est la co-présidente./p
/divdiv id='nb2'
pspan class="spip_note_ref"[a href='#nh2' class='spip_note' title='Notes 2' rev='appendix'2/a] /spaniLe Monde/i (12/05) n'hésite pas à donner cours au même type d'outrance au moment d'expliquer que certaines personnalités ont tardé à parler de peur d'« ialimenter […], la "nazification des juifs et d'Israël par La France insoumise", selon les mots d'Alain Finkielkraut/i »… complaisamment relayés par le quotidien de référence./p
/divdiv id='nb3'
pspan class="spip_note_ref"[a href='#nh3' class='spip_note' title='Notes 3' rev='appendix'3/a] /spanVoir par exemple l'article de a href="https://www.franceinfo.fr/societe/antisemitisme/j-ai-pense-que-c-etait-un-sketch-on-vous-resume-la-polemique-entre-la-rabbine-delphine-horvilleur-et-l-humoriste-blanche-gardin_7129677.html" class='spip_out' rel='external'France Info (14/03/2024)/a./p
/divdiv id='nb4'
pspan class="spip_note_ref"[a href='#nh4' class='spip_note' title='Notes 4' rev='appendix'4/a] /span« Delphine Horvilleur : "Israël ne peut pas se débarrasser de la question de la vulnérabilité" », iPhilosophie Magazine/i, 24/04/2024./p
/divdiv id='nb5'
pspan class="spip_note_ref"[a href='#nh5' class='spip_note' title='Notes 5' rev='appendix'5/a] /spanInterrompant la journaliste Émilie Tran Nguyen qui mentionne 40 000 morts à Gaza, Anne Sinclair s'écrie : « i40 000… est-ce que vous êtes sûre de 40 000 ?/i »/p
/divdiv id='nb6'
pspan class="spip_note_ref"[a href='#nh6' class='spip_note' title='Notes 6' rev='appendix'6/a] /spanLire « Maccarthysme médiatique », a href="https://www.acrimed.org/IMG/pdf/mediacritiques51.pdf"iMédiacritiques/i n° 51/a, juillet-septembre 2024 et « Médias et Palestine », a href="https://www.acrimed.org/IMG/pdf/mediacritiques53.pdf"iMédiacritiques/i n° 53/a, hiver 2025. Voir également a href="https://orientxxi.info/lu-vu-entendu/france-dans-les-medias-la-palestine-sans-les-palestiniens,8231" class='spip_out' rel='external'« France. Dans les médias, la Palestine sans les Palestiniens »/a, Orient XXI, 21/05./p
/divdiv id='nb7'
pspan class="spip_note_ref"[a href='#nh7' class='spip_note' title='Notes 7' rev='appendix'7/a] /spanRappelons tout de même que l'hebdomadaire du « cercle de la raison », iFranc-Tireur/i, titrait à sa Une « Juifs mais pas trop » à propos du collectif juif antisioniste Tsedek ! (11/12/2024)/p
/divdiv id='nb8'
pspan class="spip_note_ref"[a href='#nh8' class='spip_note' title='Notes 8' rev='appendix'8/a] /spanLire a href="https://tsedek.fr/2024/09/02/en-faisant-lapologie-du-genocide-haim-korsia-met-les-juif%c2%b7ves-en-danger/" class='spip_out' rel='external'« En faisant l'apologie du génocide, Haïm Korsia met les Juif·ves en danger »/a, Tsedek !, 2/09/24./p
/divdiv id='nb9'
pspan class="spip_note_ref"[a href='#nh9' class='spip_note' title='Notes 9' rev='appendix'9/a] /spanAncien ministre sous le gouvernement d'Ariel Sharon, il devint Premier ministre par intérim en janvier 2006 avant de lancer, quelques mois plus tard, l'offensive de l'armée israélienne au Liban./p
/divdiv id='nb10'
pspan class="spip_note_ref"[a href='#nh10' class='spip_note' title='Notes 10' rev='appendix'10/a] /spanUne ligne que nous avions déjà a href="https://www.acrimed.org/Gaza-une-inflexion-mediatique-en-trompe-l-oeil"mis en lumière au sein du iParisien/i/a, où se sont multipliées les publications sur Israël – « un pays déchiré » ; « les tourments d'un pays devenu paria », etc. –, reléguant les Palestiniens à l'arrière-plan./p
/divdiv id='nb11'
pspan class="spip_note_ref"[a href='#nh11' class='spip_note' title='Notes 11' rev='appendix'11/a] /spanVoir notamment Ilan Pappé, iLe nettoyage ethnique de la Palestine/i, La Fabrique, réed. 2024./p
/divdiv id='nb12'
pspan class="spip_note_ref"[a href='#nh12' class='spip_note' title='Notes 12' rev='appendix'12/a] /spanSelon le a href="https://www.ochaopt.org/content/west-bank-monthly-snapshot-casualties-property-damage-and-displacement-january-2025" class='spip_out' rel='external'rapport de l'OCHA paru fin février 2025/a, à date du 31 janvier 2025, 863 Palestiniens avaient par ailleurs été tués en Cisjordanie, entre autres exactions de l'armée et des colons./p
/div/div
mer, 2025-09-17 17:42
img src='https://www.acrimed.org/local/cache-vignettes/L150xH78/haro-8fe68.png?1758123749' class='spip_logo spip_logo_right' width='150' height='78' alt="" /
div class='rss_chapo'pLe cadrage et les dispositifs médiatiques, très proches des préfectures, déployés a href="https://www.acrimed.org/Le-message-est-clair-debloquez-tout-hostilite"avant/a et a href="https://www.acrimed.org/Bloquons-tout-un-journalisme-sous-escorte"pendant/a la mobilisation sociale du 10 septembre, n'auraient pas été complets sans les traditionnels partis pris et autres interrogatoires journalistiques./p/div
div class='rss_texte'p« 10 septembre : bloquer tout pour gagner rien ? » Dès le matin du 10 septembre, LCI tient son analyse du mouvement social, placardée sur un bandeau. En dépit du succès de la journée, une large partie de la presse lui emboîte le pas le lendemain : « iTiède mobilisation/i », décrète iLa Nouvelle République des Pyrénées/i ; « iune faible mobilisation/i » titrent iLa Presse de la Manche/i et iLe Télégramme/i tandis que iCorse Matin/i évoque « iune mobilisation qui fait pschitt/i ». « iEn fait, le flop, il est venu de la récupération/i, considère quant à lui Christophe Barbier sur LCI. iOn a moins vu "Bloquons tout" que "Cassons tout ce qu'on peut" !/i » Ni tiède, ni faible, ni même violente, la mobilisation est tout simplement inexistante au iParisien/i, dont l'édition du 11 septembre remporte haut la main le prix de la désinformation en ne mentionnant le mouvement « Bloquons tout » ni en couverture, ni dans les pages intérieures. Ruth Elkrief, néanmoins, corrige le tir trois jours plus tard : « iHeureusement, le fameux mouvement Bloquons tout n'a rien bloqué du tout/i, se réjouit-elle. […] iBloquer un pays qui est déjà bloqué, ce serait risible si ce n'était pas tragique. Apparemment, les Français l'ont compris./i » (iLe Parisien/i, 14/09) « iLe raz-de-marée insurrectionnel que les adeptes du "grand soir" appelaient de leurs vœux n'a pas eu lieu/i », confirme iLe Figaro/i (11/09), décrivant toutefois les actions organisées la veille comme « iune multitude de banderilles plantées dans les flancs du pays, […] orchestrées par les professionnels du chaos/i »./p
pAlors, « chaos » ou « échec » ? L'éditocratie opte tantôt pour l'un, tantôt pour l'autre, mobilisant indistinctement l'un et l'autre… pour décrédibiliser la gauche. Si La France insoumise fait principalement les frais d'un traitement (classiquement) caricatural, d'autres militants politiques et syndicaux se frottent aux traditionnels interrogatoires médiatiques par temps de mobilisation sociale, sur fond de clameur catastrophiste./p
/br
h3 class='article_intertitres'« iUn mouvement orchestré par les vociférateurs/i »/h3
p/brLes commentateurs avaient lancé les hostilités avant même que le moindre blocage ait eu lieu. Le 10 septembre ? Le « itriomphe de la haine et du ressentiment/i » prophétisait André Comte-Sponville une semaine avant le début du mouvement (iL'Express/i, 4/09), tandis que sur RMC, la « grande gueule » Jérôme Marty s'emballait par avance contre La France insoumise : « iCe mouvement et la violence qui risque d'en découler, aujourd'hui, est attisé par un parti d'extrême gauche qui est en train de bordéliser la France et qui veut que les Français se foutent sur la gueule en fomentant la haine !/i » La radio ne boudait aucun moyen à sa disposition : « "Bloquons-tout" : l'ultra-gauche est-elle en train de tout gâcher ? », titrait le sondage des « Grandes Gueules » publié sur les réseaux sociaux. La veille au soir (8/09), les lieutenants de BFM-TV fourbissaient eux aussi leurs armes face à Manuel Bompard (LFI). « iC'est la bordélisation du pays ! C'est ça que vous voulez ?/i », s'insurgeait Yves Thréard. « iC'est le chaos/i », renchérissait Apolline de Malherbe, tandis que le journaliste du iPoint/i, Charles Sapin, transpirait à grosses gouttes : « iVous n'appelez pas […] au vote des Français, vous appelez à la mobilisation de la rue. On se demande, en vous écoutant, si vous voulez conquérir les institutions ou les faire tomber./i » Bref, dans une large partie des médias, les mots d'ordre résonnaient à l'identique : « iultra-gauche/i » et « istratégie du chaos/i » ; Jean-Luc Mélenchon ou l'« iingénieur du chaos/i »./p
pLa violence médiatique est encore montée d'un cran le jour J et dans la semaine qui a suivi : à la télégénie des poubelles en feu ont répondu les outrances des chiens de garde. Les chaînes d'information en continu, notamment, ont émis tel un disque rayé : LFI - extrême gauche - ultra-gauche - black bloc - casseurs - violence. Mais au grand prix de la haine, si de nombreux médias concourent, aucun n'arrive à la cheville de CNews (10/09) :/p
blockquote class="spip"
pstrongYoann Usai :/strong [Jean-Luc Mélenchon] est au milieu de ses électeurs, à savoir les incendiaires, les casseurs, les black blocs, les islamo-gauchistes, les antisémites, les palestinistes, comme je les appelle ! […] Il est là comme un poisson dans l'eau à regarder la France être dégradée, être saccagée, ça lui plaît, il adore ça ! Et il va jeter encore un peu plus d'huile, notamment de l'huile antisémite, mais pas seulement, sur le feu tout au long de la soirée, pour que les dégradations soient le plus importantes possible./p
/blockquote
pLes caméras rivées toute la journée sur les poubelles en feu, la télé Bolloré est en roue libre et instrumentalise sciemment le moindre bris de vitrine pour faire campagne :/p
blockquote class="spip"
pstrong- Gauthier Le Bret :/strong [Un second tour] RN-LFI, vous faites quoi ?/p
pstrong- André Vallini (ancien sénateur PS) :/strong Je vote blanc, je l'ai déjà dit à Pascal Praud./p
pstrong- Gauthier Le Bret :/strong Oui, mais peut-être que ces images peuvent vous convaincre de changer d'avis./p
/blockquote
pBFM-TV peut également compter sur de fervents propagandistes. Au soir du 10 septembre, faisant fi des appels pacifistes lancés par Jean-Luc Mélenchonspan class="spip_note_ref" [a href='#nb1' class='spip_note' rel='appendix' title='« Les méthodes d'action doivent être non violentes, pacifiques. Ne faites rien (...)' id='nh1'1/a]/span, Yves Thréard soutient que les députés insoumis « iappellent à la casse/i » et « iappellent à détruire/i » (BFM-TV, 10/09). Sur LCI (11/09), Christophe Barbier ne lésine pas non plus sur les comparaisons outrancières : « iLFI se considère comme strongune sorte de phalange/strong, qui mène la bataille des urnes bien sûr, mais qui peut mener aussi la bataille des rues./i » Dans iLe Point/i (11/09), tandis qu'Étienne Gernelle disserte sur la « irhétorique insurrectionnelle/i » de LFI, Franz-Olivier Giesbert étrille un « imouvement orchestré par les vociférateurs, "gréviculteurs" et fondus du Grand Soir/i », tout en qualifiant les insoumis de « iprophètes de bistrots/i » et d'« iingénieurs du chaos/i ». Dans les pages du iTélégramme/i (10/09), Hubert Coudurier donne un bon point à Marine Le Pen – qui « in'est pas du genre factieuse [et] s'était d'ailleurs tenue à distance du mouvement des gilets jaunes/i » – pour mieux accabler « iJean-Luc Mélenchon, qui prône la stratégie du chaos/i ». Même rhétorique au iMonde/i – dont l'éditorial du 11 septembre évoque un « iJean-Luc Mélenchon enfermé dans une stratégie du chaos/i » – ou au iJDD/i de Bolloré, lequel fustige des « ileaders [insoumis] véhéments/i », adeptes de la « istratégie du chaos permanent/i » et désireux de « ibordéliser l'Hexagone/i » : LFI « ise coupe de l'arc républicain/i » ajoute l'hebdomadaire (14/09). Dans sa chronique pour iLa Tribune dimanche/i (14/09), Apolline de Malherbe dirait même plus. Le 10 septembre ? « iUn mouvement politique et pas "populaire". Le peuple de gauche, de cette gauche-là, n'est plus vraiment le peuple tout court./i » « iCe qui est insupportable, c'est que des politiques encouragent cette sauvagerie/i, tempête encore Alba Ventura sur TF1 (11/09). iComme LFI, Jean-Luc Mélenchon et ses troupes […], certains écolos, certains communistes… écoutez ça me laisse perplexe, et je reste polie ce matin./i »/p
pSuivant ce sentiment, les éditorialistes cherchent à s'assurer que le mouvement recueille le moins de soutien possible au sein du champ politique. Félicité dans la presse pour être « ienfin sorti de sa posture protestataire/i », selon les mots d'Ève Szeftel (iMarianne/i, 11/09), le PS polarise l'attention à cet égard. Sur RTL (11/09) par exemple, après un rappel insistant du nombre d'interpellations, Thomas Sotto teste la fidélité de Boris Vallaud au mouvement :/p
blockquote class="spip"
pstrong- Thomas Sotto :/strong Marine Tondelier dit : « la réponse maintenant, elle sera dans la rue ». Vous êtes d'accord avec ça ? Est-ce que vous encouragez ce matin le mouvement « Bloquons tout » ? On sait que le PS était assez réservé sur le sujet.../p
pstrong- Boris Vallaud :/strong Je dis qu'aujourd'hui il y a un mouvement social auquel on va être attentif.../p
pstrong- T. S. :/strong Mais que vous soutenez ou pas ?/p
pstrong- B. V. :/strong ... dans ce qu'il dira.../p
pstrong- T. S. :/strong Que vous soutenez ?/p
pstrong- B. V. :/strong C'est un mouvement citoyen et je redoute toujours la récupération./p
pstrong- T. S. :/strong La récupération… on accuse beaucoup LFI d'avoir récupéré.../p
pstrong- B. V. :/strong Le rôle d'un représentant politique c'est d'être à l'écoute [...]/p
pstrong- T. S. :/strong [...] Mais vous le soutenez, vous le condamnez, vous le craignez ce mouvement ?/p
/blockquote
pEt gare à la réponse ! Car bien sûr, refuser de « condamner » vous condamne… à ne pas avoir bonne presse./p
/br
h3 class='article_intertitres'Interviewer la gauche… et braquer à droite toute/h3
p/brDes jours durant en effet, les soutiens déclarés de la mobilisation sociale vont être tantôt disqualifiés, tantôt sommés de justifier leur participation au 10 septembre. Comme la députée insoumise Danièle Obono face à Olivier Truchot, sur BFM-TV (10/09) : « iEst-ce que finalement, vous n'avez pas un peu détourné cette journée […] et peut-être empêché d'autres de venir manifester et se rassembler ?/i » Ou encore son collègue Louis Boyard, dans la même émission le lendemain (11/09) face à Alain Marschall : « iEst-ce [que] LFI, c'est l'artisan du chaos ? Cette extrême gauche qui agite et qui secoue le pays ?/i » Sur France Info, dans l'émission « Tout est politique » (11/09), Manon Aubry est cuisinée à la même sauce par la présentatrice Sonia Chironi : « iLa France n'a pas été bloquée, n'a pas été paralysée. Vous allez me dire que c'est un succès, mais je vais vous dire : c'est quand même un demi-échec ? Ou un demi-succès ?/i » À ses côtés, Nathalie Saint-Cricq pose des questions tout aussi innocentes avec la clarté et l'éloquence qu'on lui connaît :/p
blockquote class="spip"
pstrong- Nathalie Saint-Cricq :/strong Quand Jean-Luc Mélenchon considère que finalement le bordel est une bonne solution... y'a eu la déferlante de la rue et un certain nombre d'appels en considérant que c'est par la rue que ça passe. Est-ce que vous trouvez que vous ne contribuez pas à un climat de violence politique… [coupée]/p
pstrong- Manon Aubry :/strong Madame Saint-Cricq…/p
pstrong- Nathalie Saint-Cricq :/strong … qui peut être dangereux ? De toute façon, je l'ai déjà demandé à Jean-Luc Mélenchon, il m'a déjà répondu ! Mais je veux juste… Est-ce que y'a pas un risque finalement d'attiser un certain nombre de choses ?/p
/blockquote
pPlutôt que d'interroger les soutiens du mouvement sur le mouvement en tant que tel – les actions menées, les revendications des participants, etc. –, la plupart des intervieweurs se contentent de les invectiver ou de les faire réagir à des déclarations venues de députés et ministres de droite ou d'extrême droite, entretenant de ce fait le cirque médiatico-politique de la « petite phrase »… et la droitisation du débat public./p
pSur BFM-TV (10/09), Marc Fauvelle amorce ainsi l'interview d'Olivier Besancenot (NPA-L'Anticapitaliste) avec les propos des « ideux invités précédents, de la majorité présidentielle et du Rassemblement national, disant que ça a été un déferlement de violences aujourd'hui orchestré pas par vous, pas par le NPA, mais par les insoumis/i ». Il en va de même pour Antoine Léaument, interrogé plus tôt sur la même chaîne, en duplex d'une manifestation devant un dépôt Amazon à Brétigny-sur-Orge. L'occasion d'informer sur la grève ? Que nenni ! La présentatrice Pauline Simonet est obnubilée par Bruno Retailleau : « iQu'est-ce que vous répondez au ministre de l'Intérieur, vous l'avez entendu ? Il vous accuse finalement de semer le chaos et de détourner ce mouvement !/i » ; « iCe que dit le ministre, c'est ce que c'est un mouvement qui est né sur les réseaux sociaux et que finalement vous avez récupéré avec l'objectif de semer le chaos, de semer… finalement… la discorde !/i » Jean-Luc Mélenchon, reçu sur France 2 par Caroline Roux (11/09), a droit au même traitement en guise d'apéritif : « iJe ne sais pas si vous avez entendu à l'instant Jordan Bardella, qui se présentait comme l'homme de l'ordre républicain, vous renvoyant du côté de l'homme du chaos. Que lui répondez-vous ?/i »/p
pÀ l'inverse, les élus de droite ou d'extrême droite défilent sans être sommés de se positionner sur des thématiques portées par la gauche. Sur le plateau de BFM-TV (10/09), le député RN Jean-Philippe Tanguy est invité comme tout le monde à commenter les propos de Bruno Retailleau, lequel « isalue la mise en échec de ceux qui voulaient bloquer le pays/i », dixit la présentatrice. On voit alors combien un même dispositif ne produit pas les mêmes effets ! Le cadrage sécuritaire lui convenant parfaitement, le député d'extrême droite est dans ses petits chaussons pour répondre : « iOui, je pense surtout que le mouvement s'est mis en échec tout seul à partir du moment où Jean-Luc Mélenchon et un certain nombre de syndicats ont voulu le récupérer./i » La présentatrice Julie Hammett relance : « iJe rappelle qu'au Rassemblement national, vous avez pris vos distances avec le mouvement qui a été très très vite récupéré par Jean-Luc Mélenchon […]./i » Terrassé par tant d'hostilité, Jean-Philippe Tanguy ne peut que savourer les bienfaits du prêt-à-penser anti-LFI régnant sur les plateaux : « iOn voit le résultat : ça n'a pas marché, c'est un échec./i » Et Julie Hammett acquiesce. BFM-TV, ou le grand bain réactionnaire./p
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h3 class='article_intertitres'Plateaux télé : un pluralisme au beau fixe/h3
p/brAccusés d'avoir « idétourné/i » le mouvement et de semer le « ichaos/i », invités à se positionner par rapport aux déclarations de l'extrême droite, les soutiens de la mobilisation sociale font également les frais des pires dispositifs médiatiques, très souvent seuls face à tout un plateau hostile. Ce fut particulièrement spectaculaire dans le cas de Denis Gravouil, délégué confédéral CGT, reçu dans l'émission « BFM Grand soir » (10/09). À ses côtés : l'ancien policier devenu chroniqueur télé Bruno Pomart, l'ancien patron du Medef Geoffroy Roux de Bézieux, les deux éditorialistes libéraux Hedwige Chevrillon (BFM Business) et Jean-Marc Sylvestre (Atlantico), Bruno Jeudy, directeur de iLa Tribune Dimanche/i, et la journaliste-présentatrice Julie Hammett. Six contre un : le pluralisme est assuré ! Au total, sur les 27 minutes qu'il passera en plateau, Denis Gravouil n'aura la parole que 5 minutes et 30 secondes, la plupart du temps recouvert par un brouhaha de protestation. Un bilan à comparer aux 9 minutes laissées à Geoffroy Roux de Bézieux, écouté dans un silence de cathédrale et relancé par la présentatrice quand il avance l'idée d'augmenter « il'intéressement et la participation/i » des salariés dans l'entreprise – chose qui ne sera pas faite lorsque Denis Gravouil proposera plutôt « id'augmenter les salaires/i »./p
pLas… Pour les responsables syndicaux, l'herbe n'est pas plus verte ailleurs sur le PAF. Pas même sur le service public, comme en témoigne le plateau sur lequel intervient la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, en deuxième partie de l'émission « L'Événement » (France 2, 11/09). Face à elle, cinq commentateurs plus habitués aux plateaux TV qu'au monde ouvrier. L'inénarrable Franz-Olivier Giesbert, l'omniprésent Jérôme Fourquet (Ifop) ; la directrice éditoriale de l'Institut (patronal) Montaigne, Blanche Léridon ; Ève Szeftel, récemment placée à la tête de iMarianne/i par Denis Olivennes ; et, ilast but not least/i, le médiatique Antoine Foucher, à la tête d'un cabinet de conseil en tant que « spécialiste des questions sociales » après avoir été – défense de rire… directeur de cabinet de la ministre du Travail Muriel Pénicaud, entre 2017 et 2020. Le tout sous le haut patronage de Caroline Roux, qu'on ne pourra jamais soupçonner de faire pencher le curseur d'un plateau vers la gauche. Bilan des courses ? Six contre un, et ibis repetita/i : entre les injonctions de Caroline Roux à « itrouve[r] des compromis/i » ou « iamorcer des discussions/i » avec le nouveau Premier ministre Sébastien Lecornu et les interruptions d'un Giesbert au sommet de sa forme (et de sa morgue), les prises de parole de Sophie Binet furent non seulement de courte durée, mais aussi passablement chahutées./p
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centerstrong***/strong/center
p/brDépeints sur toutes les télés et dans la plupart des journaux en « iingénieurs du chaos/i », les soutiens politiques et syndicaux du mouvement social n'auront eu que peu d'espace pour contrebalancer ia posteriori/i un traitement journalistique déjà très défavorable à la mobilisation du 10 septembre. Le dispositif médiatique déployé en amont s'est refermé sur lui-même en aval, comme un piège, par de longues séances d'interrogatoires centrées sur les enjeux sécuritaires. Un traitement qui participe, de fait, à une vaste tentative d'étouffement de la contestation, en complicité avec le pouvoir./p
p/brstrongPauline Perrenot/strong et strongJérémie Younes/strong/p/div
hr /
div class='rss_notes'div id='nb1'
pspan class="spip_note_ref"[a href='#nh1' class='spip_note' title='Notes 1' rev='appendix'1/a] /span« iLes méthodes d'action doivent être non violentes, pacifiques. Ne faites rien d'autre que des choses qui soient maîtrisées et calmes/i », déclarait par exemple Jean-Luc Mélenchon au 20h de France 2 (8/09)./p
/div/div
mer, 2025-09-17 08:43
img src='https://www.acrimed.org/local/cache-vignettes/L105xH150/devilliers-65cc7.png?1758091434' class='spip_logo spip_logo_right' width='105' height='150' alt="" /
div class='rss_chapo'pPour imposer une pétition xénophobe initiée par Philippe de Villiers à l'agenda médiatique, il a d'abord fallu le iforcing/i de l'empire Bolloré, puis le relais complaisant de médias « grand public ». Retour sur une séquence de co-construction médiatico-politique d'une « actualité » réactionnaire (et désormais ordinaire)./p/div
div class='rss_texte'pDepuis une dizaine de jours, l'empire médiatique Bolloré – le iJDD/i, Europe 1 et CNews en tête – tente de mettre à l'agenda journalistique la pétition lancée par Philippe de Villiers demandant un « référendum sur l'immigration ». C'est d'abord dans le iJDD/i, dimanche 7 septembre, que a href="https://www.blast-info.fr/articles/2025/cher-philippe-de-villiers-boxing-day-47-Dm-YuNv6QxGrQBnoQ9SsIg" class='spip_out' rel='external'le fondateur du Puy du Fou/a annonce le lancement de sa pétition dans un grand entretien : « Pour sauver la France, il faut un référendum ». Reprise immédiate par le site d'Europe 1 (7/09) : « "Nous sommes en train de changer de peuplement" : Philippe de Villiers lance une pétition pour un référendum sur l'immigration », mais aussi par iValeurs Actuelles/i (7/09) et iLe Figaro/i (7/09). Deux jours après, Europe 1 se réjouit : « iDéjà 300 000 signatures/i ». Hélas, la pétition ne perce pas le plafond de verre de cette presse réactionnaire et vivote en circuit fermé – dans la sphère Bolloré. Pas découragée, CNews lance un tutoriel quelques jours plus tard – « "Exigeons un référendum sur l'immigration" : comment signer la pétition nationale lancée par Philippe de Villiers » (13/09) –, promu à grands renforts d'articles sur le site, de sujets diffusés à l'antenne et de discussions en plateau. Alexandre Devecchio se fend quant à lui d'une chronique sur Europe 1 (13/09) : « iLa gauche, censée représenter le peuple, a peur de la souveraineté populaire/i ». Sur X, Geoffroy Lejeune, directeur de la rédaction du iJDD/i, prend part à l'agitation et fait une comparaison bien peu rigoureuse : « iLes médias qui avaient dopé la pétition sur la loi Duplomb ignorent celle de Philippe de Villiers. Et pourtant, vous la signez à un rythme bien plus impressionnant !/i »/p
pUne poignée d'articles franchissent alors le seuil de la sphère Bolloré, témoignant de la capacité de ses influenceurs à faire pression sur les chefferies médiatiques mainstream, aussi chagrine soit la tonalité de ces premières reprises. C'est par exemple le HuffPost qui explique, le 12 septembre, « pourquoi cette pétition de Philippe de Villiers n'a pas la même valeur que celle contre la loi Duplomb » : « iLe site mis en ligne par le polémiste d'extrême droite est tellement faillible qu'il est possible de signer plusieurs fois la pétition./i » Idem sur France Info (12/09). De nombreux commentateurs sur les réseaux sociaux soulignent également le fait que cette pétition est un « piège à adresses mails », utile à Philippe de Villiers pour assurer la promotion de son prochain livre, à paraître chez Fayard./p
pHeureuse coïncidence, les éditions Fayard dépendent du groupe Hachette Livre, lui-même filiale du groupe Lagardère, lequel est contrôlé par Vincent Bolloré. Mieux : pour signer la pétition sur le site dédié, il est proposé de consentir « ià ce que Philippe de Villiers communique mon adresse email à la société Lagardère Media News afin qu'elle m'adresse des informations, offres, bons plans et avantages promotionnels pour les titres JDD et JDNews./i » Une affaire rondement menée !/p
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h3 class='article_intertitres'Du coup de pouce de l'AFP… aux gros sabots du iFigaro/i /h3
p/brPas refroidi par ces manœuvres qui confinent à la tromperie, un relais politique de taille va apporter son concours à l'opération médiatique de l'empire Bolloré : Laurent Wauquiez. Sur X, le 15 septembre, le député LR annonce en grande pompe sa signature de la pétition. Coup de chance, le tweet du député LR est sélectionné par l'AFP ! L'info méritait sans nul doute une dépêche : elle tombe à 10h02, entraînant avec elle de nombreuses reprises qui permettent à la pétition de sortir pour de bon de la galaxie Bolloré. L'information « Wauquiez signe la pétition de De Villiers » est dans iLa Croix/i, iLe Parisien/i, sur France Info, mais aussi dans iMidi Libre/i, 20 Minutes, et même sur le site d'Ici Hérault (ex-France Bleu). Certains des papiers soulignent que le site lancé par Philippe de Villiers est bien curieux et que l'on peut signer la pétition plusieurs fois ; mais pas tous. Comme dans une partie de la presse régionale, le lendemain, alors qu'elle relate le meeting du RN à Bordeaux et le soutien apporté sur scène par Bardella à la pétition. Le même article – « Le RN déjà en campagne » (15/09) – est publié à l'identique dans cinq titres (au moins) du groupe Ebra, dont iLe Progrès/i et iL'Est Républicain/ispan class="spip_note_ref" [a href='#nb1' class='spip_note' rel='appendix' title='Mais aussi dans Le Bien Public, Le Journal de Saône-et-Loire et les (...)' id='nh1'1/a]/span, se contentant de noter que « ila pétition lancée par Philippe de Villiers […] dépassait dimanche soir les 830 000 signataires/i »./p
pDans ce marasme, la palme de la désinformation est sans doute pour iLe Figaro/i, qui publie un article tapageur annonçant le million de signatures : « Référendum sur l'immigration : la pétition lancée par Philippe de Villiers dépasse le million de signatures » (15/09). Si le papier souligne (derrière un ipaywall/i) que le chiffre est « idifficile à certifier/i », iLe Figaro/i maximalise son impact en diffusant sur ses réseaux sociaux un grand visuel, avec une photo de Phillipe de Villiers, regard pénétré, et le chiffre « 1 million » en énormes caractères, accompagné du commentaire suivant : « iCe chiffre a été atteint plus vite que pour la pétition pour la loi Duplomb/i »./p
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div class='spip_document_16190 spip_document spip_documents spip_document_image spip_documents_center spip_document_center'
figure class="spip_doc_inner" img src='https://www.acrimed.org/local/cache-vignettes/L500xH716/devilliers-6539e.png?1758091434' width='500' height='716' alt='' /
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p/brIl est à noter que d'autres médias « grand public », tenant habituellement un rôle non négligeable dans la diffusion des cadrages et des préoccupations de l'extrême droite, ne plongeront pas aussi éhontément dans l'opération de l'empire Bolloré (et du iFigaro/i). Une fois n'est pas coutume, BFM-TV publie par exemple une analyse plutôt correcte : « iLiens avec l'extrême droite, pas de vérification... Pourquoi la pétition de Philippe de Villiers sur l'immigration est incomparable avec celle sur la loi Duplomb/i » (15/09)./p
pReste que par intérêt – idéologique et financier – bien compris, iLe Figaro/i est prêt à jeter à la mer les principes les plus élémentaires du journalisme pour se faire le relais d'« événements » politico-médiatiques montés de toutes pièces par l'extrême droite et le groupe Bolloré. Il n'y a pas à dire : un agenda médiatique, ça se travaille !/p
p/brstrongJérémie Younes/strong/p/div
hr /
div class='rss_notes'div id='nb1'
pspan class="spip_note_ref"[a href='#nh1' class='spip_note' title='Notes 1' rev='appendix'1/a] /spanMais aussi dans iLe Bien Public/i, iLe Journal de Saône-et-Loire/i et les iDNA/i./p
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mar, 2025-09-16 17:58
img src='https://www.acrimed.org/local/cache-vignettes/L150xH83/faure_cnews-629a6.png?1758038318' class='spip_logo spip_logo_right' width='150' height='83' alt="" /
div class='rss_chapo'pDe la « polémique » sur X à la stigmatisation médiatique./p/div
div class='rss_texte'pLa « polémique » et les accusations en antisémitisme n'ont pas traîné. Ce 14 septembre, le tweet d'Olivier Faure – « iLe 22 septembre, quand la France reconnaîtra enfin l'État palestinien, faisons flotter le drapeau palestinien sur nos mairies/i » – fait aussitôt l'objet de réprimandes sur le réseau social./p
pPrécisément, c'est un échange avec a href="https://www.arretsurimages.net/articles/julien-bahloul-ex-de-tsahal-simple-habitant-de-tel-aviv-pour-bfmtv" class='spip_out' rel='external'l'ex-militaire israélien, ancien journaliste sur i24 News et habitué des plateaux de BFM-TV/a Julien Bahloul, qui lance les hostilités : « iLe 22 septembre est le soir du nouvel an juif, Rosh Hashana. Apparemment [Olivier Faure] cherche à dépasser Melenchon sur son propre terrain puant./i » (Julien Bahloul, X, 14/09) La réponse d'Olivier Faure – « iTant que vous penserez que vous ne pouvez fêter le nouvel an juif et l'an 1 d'un Etat palestinien, vous ne sèmerez que la haine, le désespoir et la mort/i » (X, 14/09) – lui vaudra les calomnies de plusieurs figures médiatiques./p
pLe dessinateur Xavier Gorce par exemple : « i[Olivier Faure] n'est jamais en retard d'une lâcheté ni d'une infâmie. […] C'est juste minable./i » (X, 15/09) Mais aussi Sophia Aram, qui parle de « itweet infâme/i » (X, 15/09). « iLa surenchère antisémite devient ignoble/i » accusait déjà Jacques Attali la veille (X, 14/09), quand Denis Olivennes y voyait « iun appel à la haine contre tous les Juifs/i » (X, 14/09)./p
pEt la « polémique » de percer le mur médiatique… Dans iLe Point/i (15/09), Marc Knobel revient sur un tweet « irévélateur [...] des ambiguïtés et dérives relativistes de la gauche face à l'antisémitisme/i ». Au passage, Olivier Faure est mis en cause pour « iune tendance persistante à minimiser la lutte contre l'antisémitisme ou à justifier, par calcul politique, certains discours exclusivement hostiles à Israël/i ». Et cette (fausse) question, renouant avec la pensée automatique : « iLa recherche permanente d'équilibres, et parfois l'obsession pour la préservation des alliances ou de simples calculs électoraux prennent-elles trop souvent le pas sur la clarté des principes, au détriment d'un engagement républicain résolu contre l'antisémitisme ?/i »/p
pLa réponse est apportée dans les matinales, le lendemain (16/09). Par Renaud Dély, sur Franceinfo :/p
blockquote class="spip"
pstrongRenaud Dély :/strong On a l'impression […] qu'il a quelque chose à se faire pardonner, et que le parti socialiste demeurerait donc toujours un peu sous influence, si ce n'est sous sujétion, j'allais dire sous soumission, aux insoumis. Donc non seulement c'est malheureux sur le fond, et je vois pas ce que ça apporte […], mais de surcroît c'est, disons, politiquement assez inquiétant quant à la capacité des socialistes à s'affranchir de la domination des insoumis./p
/blockquote
pOu par Christophe Barbier qui, dans le même registre à l'antenne de LCI, divague sur les stratégies supposées du député socialiste :/p
blockquote class="spip"
pstrongChristophe Barbier :/strong Ne pas laisser à La France insoumise le monopole du démarchage électoral des citoyens musulmans et de tous les citoyens français sensibles à la cause palestinienne, ni le monopole du recrutement dans la jeunesse radicalisée. […] Faure a finalement montré qu'il était soumis aux insoumis./p
/blockquote
pSonia Mabrouk, quant à elle, pose tout simplement la question à Marine Le Pen (CNews/Europe 1) :/p
blockquote class="spip"
pstrongSonia Mabrouk :/strong Autre sujet, Marine Le Pen, et il crée une vive polémique, une grande indignation […]. Cette polémique est suscitée par le premier secrétaire du parti socialiste Olivier Faure, qui appelle à hisser le drapeau palestinien le 22 septembre, je le rappelle, jour de la reconnaissance par la France de l'État de Palestine. Olivier Faure qui estime également que ceux qui ne peuvent pas fêter cela et le nouvel an juif, qui arrive concomitamment, seraient des semeurs de mort et de haine. Que veut-il ? Que veut Olivier Faure ?/p
/blockquote
pAussi la voie de l'outrance était-elle toute pavée : « iIl veut ce que veut toute la gauche française et européenne, c'est-à-dire refaire des Juifs des parias […]/i », assène Marine Le Pen… sans que Sonia Mabrouk n'esquisse la moindre réaction. Le RN, arbitre des élégances en matière de racisme : Orwell est dépassé./p
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div class='spip_document_16188 spip_document spip_documents spip_document_image spip_documents_center spip_document_center'
figure class="spip_doc_inner" a href='https://www.acrimed.org/IMG/png/faure_cnews.png' class="spip_doc_lien mediabox" type="image/png" img src='https://www.acrimed.org/local/cache-vignettes/L500xH278/faure_cnews-0fd27.png?1758037239' width='500' height='278' alt='' //a
/figure
/div
p/brDe a href="https://www.acrimed.org/Conflit-israelo-palestinien-calomnies-mediatiques"Jean-Luc Mélenchon/a à a href="https://www.acrimed.org/Polemique-de-Villepin-la-fabrique-mediatique-de-l"Dominique de Villepin/a, les cabales pour antisémitisme se suivent et se ressemblent, plus ou moins délirantes, plus ou moins grossières, plus ou moins envahissantes. En plus de disqualifier encore et encore toute marque de soutien au peuple palestinien (et tout discours dénonçant le a href="https://news.un.org/fr/story/2025/09/1157475" class='spip_out' rel='external'génocide perpétré par Israël/a), les médias et les journalistes qui alimentent ces dites « polémiques » se rendent-ils compte que, tels des apprentis sorciers, ils ne cessent de dévoyer la lutte contre l'antisémitisme ?/p
p/brstrongMaxime Friot/strong/p/div
lun, 2025-09-15 12:21
img src='https://www.acrimed.org/local/cache-vignettes/L150xH84/10septembre_retailleau-20327.jpg?1757931693' class='spip_logo spip_logo_right' width='150' height='84' alt="" /
div class='rss_chapo'pL'angle sécuritaire a largement dominé le traitement médiatique du mouvement social « Bloquons-tout », organisé partout en France le 10 septembre. Défilé de policiers sur les plateaux télé, focalisation sur les « iviolences/i », décompte en direct sur les chaînes d'information en continu du nombre d'interpellations : retour sur un cas d'école de journalisme de préfecture./p/div
div class='rss_texte'pPréparer les esprits au « chaos » est l'une des pratiques structurantes du journalisme de préfecture à l'approche d'un mouvement social. La mobilisation « Bloquons tout » n'a pas fait exception. De scénarios noirs en notes des renseignements, en passant par les outrances de l'éditocratie, « l'information » avant le 10 septembre s'est écrite sur a href="https://www.acrimed.org/Le-message-est-clair-debloquez-tout-hostilite"le ton de la peur des jours durant/a. À mesure que les « ipythies médiatiques des violences/i » (a href="https://www.arretsurimages.net/articles/avant-le-10-septembre-les-pythies-mediatiques-des-violences" class='spip_out' rel='external'Arrêt sur images, 10/09/a) se répandaient de plateaux en colonnes de journaux, la pression montait. « iLes black blocs débarqueront de toute l'Europe/i, annonçait sur RMC (9/09) la militante identitaire – et chroniqueuse de la chaîne – Juliette Briens. iUn mercredi en France quoi ! […] L'armada sera de sortie, des feux de poubelles, des feux de voiture ! […] Le chaos est bon à toutes les occasions dans ce pays !/i » Nous n'en étions pourtant qu'aux prémices d'une nouvelle séquence exemplaire de journalisme de préfecture : le jour J, la co-production de l'information avec la police allait atteindre des proportions spectaculaires./p
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h3 class='article_intertitres'L'info au rythme de la préfecture/h3
p/brIl est 6h30 ce mercredi 10 septembre et BFM-TV prévient déjà : « iLe pays est quadrillé par les forces de l'ordre./i » Le bandeau appuie le propos du présentateur avec le chiffre annoncé la veille par le ministère de l'Intérieur : « 80 000 forces de l'ordre mobilisées ». Dans la foulée, la journaliste Perrine Storme lance « iles premières images de la manifestation/i ». En l'occurrence, ce sont des images… d'interpellations : une dizaine de personnes plaquées contre un mur ou maintenues assises par des policiers, porte d'Italie à Paris. Retour plateau, le journaliste Dominique Tenza fait état d'une « itrentaine d'interpellations, les premières donc/i » : c'est le début du décompte qui va rythmer la journée./p
pSur toutes les chaînes d'information, les bandeaux défilent pour nous informer, minute par minute, du nombre d'interpellations. Une pratique que les médias n'interrogent plus, devenue le principal thermomètre journalistique pour suivre en direct le cours d'une mobilisation sociale./p
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div class='spip_document_16182 spip_document spip_documents spip_document_image spip_documents_center spip_document_center'
figure class="spip_doc_inner" img src='https://www.acrimed.org/local/cache-vignettes/L500xH630/10septembre_franceinfo-9f800.png?1757931693' width='500' height='630' alt='' /
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/div
p/brAux yeux des chefferies éditoriales, cette pratique présente d'emblée plusieurs « avantages » : « objectiver l'événement », avec un chiffre évolutif provenant de sources qu'il ne s'agit pas de contester – la police ou le ministère de l'Intérieur. Et « meubler l'antenne » à peu de frais, en déléguant de fait une partie de la production de l'information – en l'occurrence, à la police ou au ministère de l'Intérieur. Participant de la co-production de la peur, la pratique est en outre un puissant ressort du journalisme de démobilisation, au service de la communication du pouvoir. « iLe ministère et les autorités alimentent régulièrement les rédactions, notamment du nombre d'interpellations/i », rapporte benoîtement la cheffe du service politique de BFM-TV Marie Chantrait, en milieu d'après-midi. « iBruno Retailleau ne cesse de communiquer sur les incidents, le bilan des interpellations pour prolonger cette idée d'un ministère en action/i », remarque à son tour iLe Parisien/i (11/09), sans pour autant préciser les conditions du succès de cette « idée » : des médias aux ordres. Un rôle d'ailleurs parfaitement tenu par BFM-TV, exemplaire en la matière./p
pIl est 6h50 quand de nouvelles images arrivent sur le plateau. Ce sont encore des images d'interpellations. Nous sommes cette fois porte de Bagnolet, à Paris, et la reporter sur place commente : « iPrésence musclée des forces de l'ordre, une dizaine de camionnettes de police, les forces de l'ordre sont très présentes. Ils se détachent par petits groupes pour interpeller des personnes qui pourraient être menaçantes. Vous voyez, on voit la Brav-M, qui fait des interpellations tout autour de la porte de Bagnolet…/i »span class="spip_note_ref" [a href='#nb1' class='spip_note' rel='appendix' title='Sur Franceinfo, un événement éclaire ces arrestations d'une autre lumière : (...)' id='nh1'1/a]/span/p
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div class='spip_document_16181 spip_document spip_documents spip_document_image spip_documents_center spip_document_center'
figure class="spip_doc_inner" a href='https://www.acrimed.org/IMG/jpg/10septembre_bfm.jpg' class="spip_doc_lien mediabox" type="image/jpeg" img src='https://www.acrimed.org/local/cache-vignettes/L500xH281/10septembre_bfm-84cce.jpg?1757931693' width='500' height='281' alt='' //a
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p/br200 interpellations à 10h35, 295 à 13h, 400 à 19h…. Ces chiffres défilent inlassablement sur les bandeaux et structurent les discussions en plateaux, qui y voient la marque d'un ministère « ien action/i », « iefficace/i », et non pas la mesure de l'intensité de la répression. Comme les bandeaux ne suffisaient pas, les chiffres sont aussi relayés sur le compte X de la chaîne : au cours de la journée, pas moins de vingt tweets donnent le décompte des interpellations, soit plus d'un par heure… BFM-TV s'avère plus efficace que les services comm' des préfectures !/p
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h3 class='article_intertitres'« La police vous parle à toute heure »/h3
p/brÀ cela s'ajoute l'omniprésence de Bruno Retailleau, dont les moindres faits et gestes sont médiatisés. Dès 7h30, BFM-TV diffuse des images muettes de l'arrivée du ministre à Rungis, devant un plan de sécurité et entouré de hauts gradés. La journaliste-présentatrice rappelle à sa place les consignes « id'extrême fermeté/i » et les « idizaines d'interpellations/i » déjà menées. Et le cirque continue. Dominique Tenza : « iVous découvrez en direct ces images à Toulouse, avec un feu aux abords de la gare, et là encore, juste à côté, un véhicule de police. Conformément aux consignes données par Bruno Retailleau, les forces de sécurité sont déployées sur le terrain au moindre incident./i » Quelques heures plus tard, c'est au tour de Julien Arnaud de « teaser » : « iBruno Retailleau dans quelques instants va s'exprimer, il y a un affichage important depuis ce matin pour montrer que la situation est tenue./i » Et BFM-TV s'en assure. Aussi la conférence de presse du ministre démissionnaire est-elle diffusée en direct et en grande pompe : « priorité au direct », sur toutes les antennes./p
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div class='spip_document_16184 spip_document spip_documents spip_document_image spip_documents_center spip_document_center'
figure class="spip_doc_inner" a href='https://www.acrimed.org/IMG/jpg/10septembre_retailleau.jpg' class="spip_doc_lien mediabox" type="image/jpeg" img src='https://www.acrimed.org/local/cache-vignettes/L500xH281/10septembre_retailleau-f0a40.jpg?1757931693' width='500' height='281' alt='' //a
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p/brLe cadrage est « co-produit », la composition des plateaux aussi. Peu après 8h, le lieutenant-colonel Coiffard, porte-parole de la gendarmerie nationale, est le premier d'une très longue série de représentants des « forces de l'ordre », syndicalistes policiers et porte-parole, qui vont se succéder toute la journée sur BFM-TV. Entre 8h et 19h, ils ne seront pas moins de neuf à défiler en plateau. 9h06 ? Éric Henry, délégué national Alliance Police. 10h19 ? Fabien Vanhemelryck, secrétaire général Alliance Police. 11h20, Olivier Hourcau, délégué Alliance Police, pour changer. La journée peut se compter en heures, en nombre d'interpellations ou bien en porte-parole d'Alliance Police, reçus en toute déférence par les intervieweurs. À 13h27, voici Agathe Foucault, porte-parole de la police nationale. Puis à 13h51, Yves Assioma, superviseur national Alliance Police, ça faisait longtemps. À 14h04, un chroniqueur plus permanent s'installe, Maurice Signolet, ancien commissaire divisionnaire, en plateau jusqu'à 15h30. À 16h50, le lieutenant-colonel Coiffard est de retour ! Enfin à 17h50, Frédéric Lauze, secrétaire général du syndicat des commissaires de la Police nationale, en plateau jusqu'à 19h. La police vous parle en direct toute la journée sur BFM-TV. Cet entre-soi donne lieu à d'interminables causeries qui, pour ordinaires qu'elles soient, n'en participent pas moins du climat médiatique anxiogène, entre normalisation du maintien de l'ordre et surenchère répressive. Exemple avec cet échange entre trois acteurs interchangeables, en l'occurrence deux journalistes et un syndicaliste policier :/p
blockquote class="spip"
pstrong- Apolline de Malherbe :/strong On voit ce jeune qui monte sur une voiture de police, pourquoi on l'arrête pas à ce moment-là ?/p
pstrong- Éric Henry (Alliance Police) :/strong Cette scène est extrêmement choquante évidemment pour mes collègues. La première des choses c'est déjà d'assurer leur intégrité physique, leur sécurité, puisque comme vous le voyez, ils sont en sous-nombre face à des jeunes qui sont excités, déterminés à s'en prendre à eux […]. On est en difficulté pour […] éviter une surenchère et que…/p
pstrong- Apolline de Malherbe :/strong Ce qui est très compliqué comme vous dites, c'est qu'ils sont à la fois en nombre partout en France, mais parfois en sous-effectif dans des petits points en particulier.../p
pstrong- Stephan Bureau :/strong Est-ce que ce n'est pas l'objet justement que de provoquer une réaction – parce qu'on voit tout le monde avec son téléphone à la main – et d'avoir l'image ?/p
pstrong- Apolline de Malherbe :/strong Il faut donc beaucoup de sang-froid…/p
pstrong- Stephan Bureau :/strong Exactement, parce que les policiers, dans le fond, on les provoque dans l'espoir qu'il se passe quelque chose et qu'on puisse documenter ce quelque chose./p
pstrong- Éric Henry :/strong […] Si jamais y'avait une sortie d'armes parce que leur intégrité physique voire leur vie est en danger… dans l'hypothèse… enfin… si les conditions n'étaient pas réunies par rapport à l'utilisation d'une arme inappropriée, derrière, c'est le tourniquet administratif et judiciaire. […] Ce qu'on va appeler une bavure policière, avec toutes les conséquences et la reprise par certains partis politiques, qui sont les mêmes incubateurs de ce « cassons tout », « bloquons tout », et derrière, la mise à mal de l'institution policière et tous les clichés qu'on connaît./p
/blockquote
pOu comment légitimer en direct, et par anticipation, la « bavure policière ».../p
pUne ambiance permise par le dispositif : outre les interviews politiques et les chroniqueurs maison, les « invités policiers » seront – quasiment – les seuls à intervenir en plateau ce jour-là. Ordinaire pour cette a href="https://www.acrimed.org/Sainte-Soline-et-mega-bassines-sur-BFM-TV-la"« télé-préfecture »/a, la journée se conclura en apothéose avec un dixième invité « police »… et non des moindres : l'ancien préfet de Paris Didier Lallement, réputé pour avoir (durement et massivement) réprimé le mouvement des Gilets jaunes et reçu conséquemment avec tous les égards par Marc Fauvelle : « iJe vous rappelle les chiffres au niveau national, 175 000 participants, 473 interpellations dans toute la France. Et puis également autres chiffres, 267 incendies de voie publique, et 13 policiers blessés. Didier Lallement, bonsoir.../i »/p
/br
h3 class='article_intertitres'Des « bons » mots (de la police) aux « bons » chiffres (du ministère)/h3
p/brVerrouillé de A à Z, le cadrage sécuritaire se double d'un recours permanent au lexique policier. Outre les traditionnels « iéléments radicaux/i » pour désigner (et criminaliser) les manifestants – une expression omniprésente à l'antenne de CNews, notamment –, on entend parler de « ifauteurs de troubles/i », de « icasseurs/i », d'« iultra-gauche/i », de « imaîtrise des individus masqués/i », de « ipoints de fixation/i », de « ijournée à haut risque/i », d'« iactions violentes/i » recensées en « izone gendarmerie/i » ou en « izone police/i », mais aussi de « idébordements/i » ou de « idispersion/i » indistinctement selon l'énonciateur, policier… ou journaliste, tous deux reconvertis en gardiens de l'ordre./p
pTotalement normalisé dans les récits journalistiques, le point de vue policier ne subit aucun accroc. En particulier lorsqu'un plateau est sous bonne garde de Dominique Rizet, l'inénarrable « consultant police-justice » de BFM-TV. Tout au long du 10 septembre, a href="https://www.acrimed.org/Medias-et-violences-policieres-aux-sources-du"ce grand professionnel à l'« iobjectivité totale/i »/a, selon ses mots, s'est une nouvelle fois illustré par une série de prescriptions langagières. Alors que les gaz lacrymogènes pleuvent sur les images qui défilent derrière lui, il tempère : « iCette expression de "gazer les manifestants", c'est pas très joli. Puis ça rappelle une triste époque./i » Quelques minutes plus tard, tandis que le plateau observe une violente charge policière dans le quartier des Halles, à Paris, Dominique Rizet indique les mots à éviter… et ceux qu'il faut leur préférer pour décrire la situation :/p
blockquote class="spip"
pstrongDominique Rizet :/strong Les manifestants ne voulaient pas reculer donc les policiers ont fait… on appelle ça un bond offensif. Et pas des charges. […] La police aime pas qu'on… Donc des bonds offensifs, pour éloigner les manifestants. Donc on les écarte et puis ensuite, il y a cette strongdistribution de gaz lacrymogène/strong qui dissuade les plus tenaces./p
/blockquote
pComme on « distribue » des bonbons, en somme./p
pAux bons mots s'ajoutent les bons chiffres. Et en la matière encore, BFM-TV n'en démord pas : la voix du ministère est sacrée. Peu après 17h, alors que le bilan qu'annonçait ce dernier à la mi-journée (29 000 manifestants) est aisément contestable au vu des défilés massifs filmés par les manifestants eux-mêmes partout en France et diffusés sur les réseaux sociaux, les journalistes s'empressent de communiquer leurs conclusions (tirées d'avance) :/p
blockquote class="spip"
pstrong- Amandine Atalaya :/strong Si vous voulez un ordre d'idée avec ce chiffre dont on dispose pour l'instant de 29 000 manifestants…/p
pstrong- Olivier Truchot :/strong C'est très faible !/p
pstrong- Amandine Atalaya :/strong Il est très faible ! Et qui va être ajusté mais… Pour avoir un ordre d'idée par exemple, le 1er mai 2025 […], c'est 157 000 personnes selon la police, 300 000 selon les syndicats, ça fait cinq fois moins pour l'instant. Et par rapport aux grandes manifestations des retraites, […] les grandes journées, c'était 600 000 selon la police et 2 millions selon les manifestants, on est à vingt fois moins ! […]/p
pstrong- Olivier Truchot :/strong Donc en termes de mobilisation physique, c'est pas très impressionnant./p
pstrong- Amandine Atalaya :/strong Vraiment je suis purement factuelle ! On ne peut pas dire que ce soit un succès en termes de nombre de personnes dans la rue aujourd'hui./p
/blockquote
pTellement « factuelle » que moins d'une heure et demie plus tard, elle sera sévèrement contredite par… le ministère de l'Intérieur, qui réactualise son décompte en évoquant 175 000 manifestants. Un bilan qui plus est contesté par d'autres sources – inaudibles le jour J à l'antenne de BFM-TV –, a href="https://www.cgt.fr/actualites/france/mobilisation/10-septembre-une-premiere-etape-reussie-encore-plus-forts-le-18-pour-gagner" class='spip_out' rel='external'à l'instar de la CGT/a, évoquant « iplus de 250 000 personnes/i » dans les rues partout en France. Un naufrage qui n'est pas sans rappeler celui d'une autre experte ès journalisme : Géraldine Woessner, la rédactrice en chef du iPoint/i. Sur la base des 29 000 manifestants annoncés par le ministère de l'Intérieur, cette dernière décréta « iun flop mémorable/i » sur X, à 16h27. Deux heures plus tard, son inconscient déontologique lui commanda cette légère modification : « iUpdate, avec le chiffre à 17 heures : 175 000 participants./i » Un « flop mémorable », c'est le cas de le dire. Reste que cette propension à s'abreuver uniquement aux sources officielles, dont la communication n'est ia priori/i pas contestable aux yeux des rédactions, aura une nouvelle fois appuyé le récit de « l'échec de la mobilisation »… que les éditocrates souhaitaient tant voir advenir./p
pAvides de spectacle, les principales télévisions se sont ruées comme de coutume sur la moindre étincelle. Aussi, lorsque peu après 16h, des reporters captent des images d'un restaurant en feu à Paris, c'est la cohue. Et certaines envoient valser la rigueur. CNews au premier chef, qui l'assure sur X dans un post toujours en ligne : « iLes manifestants ont mis le feu à une brasserie et à un immeuble dans le centre de Paris, à Châtelet./i » Sauf que patatras : en plus des témoignages de manifestants – qui évoquent immédiatement un départ de feu causé par une grenade lacrymogène –, la procureure de Paris évoque à demi-mot la responsabilité de la police une heure plus tardspan class="spip_note_ref" [a href='#nb2' class='spip_note' rel='appendix' title='« En l'état de nos informations, il pourrait s'agir d'un départ de feu (...)' id='nh2'2/a]/span, ce que a href="https://www.leparisien.fr/paris-75/bloquons-tout-a-paris-la-piste-de-lincendie-provoque-par-la-police-au-restaurant-de-chatelet-se-precise-11-09-2025-7JANFHFYQFDFRJSIOFRXMXOEPU.php" class='spip_out' rel='external'confirmera le parquet de Paris le lendemain/a./p
/br
div class='spip_document_16185 spip_document spip_documents spip_document_image spip_documents_center spip_document_center'
figure class="spip_doc_inner" a href='https://www.acrimed.org/IMG/png/10septembre_cnews.png' class="spip_doc_lien mediabox" type="image/png" img src='https://www.acrimed.org/local/cache-vignettes/L500xH279/10septembre_cnews-496e9.png?1757931693' width='500' height='279' alt='' //a
/figure
/div
p/brMais à l'instant T, le feu n'échauffe que trop les esprits échaudés de CNews : « iVoilà à quoi ça mène !/i, s'indigne la présentatrice Nelly Daynac. iDes responsabilités sans doute d'un cocktail molotov qui a été lancé comme ça. Ou euh… Non mais enfin… ou d'une poubelle qui a été brûlée à proximité./i » Une journaliste appelle-t-elle timidement à la vigilance ? Le plateau passe la recommandation par pertes et profits :/p
blockquote class="spip"
pstrong- Yoann Usai :/strong L'incendiaire, lui, va probablement rentrer tranquillement ce soir chez lui ! Sauf s'il a été interpellé mais ia priori/i, il y a peu de chance qu'il le soit./p
pstrong- Nelly Daynac :/strong Et il sera peut-être fier de son œuvre !/p
pstrong- Yoann Usai :/strong Il sera fier de son œuvre naturellement, il va dormir bien au chaud ce soir. […]/p
pstrong- Nelly Daynac :/strong Ce sont des pyromanes en fait, vous le disiez tout à l'heure. Des incendiaires./p
pstrong- Yoann Usai :/strong Des criminels ! Des criminels !/p
pstrong- Nelly Daynac :/strong Des criminels qui prennent plaisir, comme ceux qui mettent le feu aux forêts l'été et se délectent sans doute après de ce qu'ils ont causé comme méfaits./p
/blockquote
pSans doute l'Arcom se délectera-t-elle d'une telle séquence…/p
pPoussant la désinformation à son paroxysme, CNews n'est toutefois pas la seule chaîne à s'être ralliée aussi spontanément que naturellement à la thèse des « manifestants incendiaires ». Sur Franceinfo, un reporter parle d'« iun restaurant […] qui a été pris pour cible/i » avant de faire marche arrière moins d'une demi-heure plus tard, évoquant « iplusieurs charges de la police à l'aide de grenades lacrymogènes/i » dont « iune […] a atterri sur des végétaux et sur la façade de ce restaurant/i ». Même tentation sur LCI, où en dépit des avertissements de la présentatrice, le consultant Guillaume Farde ne résiste pas à livrer les conclusions qui « s'imposent » :/p
blockquote class="spip"
p- strongMarie-Aline Méliyi :/strong On est sûr du coupable ? Parce qu'on se disait qu'il fallait un peu de prudence pour savoir si c'était directement lié à ce mouvement…/p
pstrong- Guillaume Farde :/strong En tout cas, c'est en marge de. Et sans évidemment présumer des conclusions de l'enquête […], il y a un mode opératoire et des précédents. Ça, on peut au moins le dire. Le mode opératoire, c'est que l'ultra-gauche signe sa présence par le recours à l'incendie volontaire./p
/blockquote
pLa suspicion est jetée et la désinformation fait son œuvre. Au 20h de TF1 également, où la rédaction, pourtant en possession ia minima/i des déclarations de la Procureure – diffusées trois heures plus tôt –, laisse éhontément planer le doute : « iÀ Paris en marge d'affrontements, la façade d'un immeuble, en flammes. Le feu est parti de ce restaurant. Une enquête est en cours/i », se contente de relater la voix-off, au terme d'un sujet axé sur les violences…. des manifestants. Grossier, le sous-entendu confine à la manipulation. Et concerne de nombreux autres médias : à la Une de iLa Voix du Nord/i, sur les écrans des chaînes d'info ou pour illustrer les gros-titres des 20h, les images de ce restaurant en flammes sont largement surexposées sans être pour autant systématiquement remises en contexte ni commentées pendant leur diffusion. Comment un téléspectateur non averti, baignant par ailleurs dans un récit médiatique polarisé par l'inventaire des « violences » des « casseurs », peut-il interpréter ces images autrement qu'étant de la responsabilité des manifestants ?/p
/br
h3 class='article_intertitres'Violences policières nulle part, célébration de l'ordre partout/h3
p/brCar une chose est sûre : des chaînes d'information aux 20h en passant par les grandes radios, le terme « violence » n'est rattaché qu'aux personnes mobilisées. Tout au long de la journée, alors que des vidéos de violences policières sont diffusées sur les réseaux sociaux – captées y compris par les reporters des médias mainstream –, aucun média audiovisuel, à notre connaissance, n'en fait réellement état. Des journalistes indépendants et a href="https://x.com/violencespolice" class='spip_out' rel='external'le compte X « ViolencesPolicières.fr »/a ont beau recenser des dizaines de preuves à charges, les vidéos ne sont pas diffusées par les grands médias, et encore moins répertoriées au registre des « violences » par les commentateurs./p
pEn lieu et place, les commentateurs célèbrent l'action du ministère de l'Intérieur. Outre le fait qu'aucun questionnement critique n'ait droit de cité concernant le dispositif militarisé du maintien de l'ordre (effectifs totalement exubérants, armes de guerre utilisées, surveillance de masse par drones, etc.), on assiste à la chronique satisfaite de la répression. En amont, pendant et en aval de la journée de mobilisation./p
pSur Franceinfo la veille du 10 septembre, la description du « dispositif » policier mis en place par Bruno Retailleau a tenu lieu d'information « en continu ». Interroger sa politique agressive et la criminalisation du mouvement social ? Hors sujet pour le service public, où la journaliste « Société » Audrey Goutard remplit plutôt le rôle de porte-parole du ministère de l'Intérieur : « i80 000 policiers vont être mis sur le terrain […], mobiles, adaptables, qui sont là pour deux points : la capacité de s'adapter et la capacité de répondre immédiatement s'il y a des actes de violence avec des interpellations. Répression, répression, répression. C'est le mot d'ordre, effectivement, de Bruno Retailleau face à cette violence/i »… à ce stade imaginaire. Même tonalité au 20h de France 2 (9/09), que Samuel Gontier a qualifié d'« iode à la répression/i » anticipée (a href="https://bsky.app/profile/samuelgontier.bsky.social/post/3lyget3bp3c2d" class='spip_out' rel='external'Bluesky, 9/09/aspan class="spip_note_ref" [a href='#nb3' class='spip_note' rel='appendix' title='Lire aussi « Mobilisation du 10 septembre : un "échec" et des "violences" sur (...)' id='nh3'3/a]/span), notamment en réaction à cette pépite signée Léa Salamé – « iPlus mobiles, mieux renseignées, comment les forces de l'ordre ont appris des Gilets jaunes à être plus efficaces/i » – qui valut à la présentatrice a href="https://www.acrimed.org/Le-20h-de-France-2-en-passe-de-gagner-le-concours"son premier communiqué syndical/aspan class="spip_note_ref" [a href='#nb4' class='spip_note' rel='appendix' title='Lequel, soit dit en passant, dénonce le parti pris de la rédaction « du côté (...)' id='nh4'4/a]/span déplorant que « iFrance 2 se met[te] […] explicitement du côté de la police/i »./p
pLe 10 septembre sur LCI, les journalistes se délectent en continu d'images de CRS saturant les rues et les écrans. « iUn dispositif conséquent/i, s'enthousiasme la présentatrice Marie-Aline Méliyi, ivous le voyez à Paris, pour contenir les individus qui ont envie de semer le chaos et le désordre. Christophe Miette, vous êtes secrétaire national SCSI-CFDT, syndicat des cadres de la sécurité intérieure, on voit l'intérêt d'avoir anticipé avec un dispositif conséquent./i » Ce n'était pas une question…/p
/br
div class='spip_document_16183 spip_document spip_documents spip_document_image spip_documents_center spip_document_center'
figure class="spip_doc_inner" a href='https://www.acrimed.org/IMG/png/10septembre_lci.png' class="spip_doc_lien mediabox" type="image/png" img src='https://www.acrimed.org/local/cache-vignettes/L500xH141/10septembre_lci-8db8f.png?1757931693' width='500' height='141' alt='' //a
/figure
/div
p/brOu encore un peu plus tôt :/p
blockquote class="spip"
pstrong- Marie-Aline Méliyi :/strong Valérie Nataf, on voit en tout cas, la preuve par l'image, jusqu'ici et on espère qu'il n'y aura pas de débordement, que le dispositif très important mis par Bruno Retailleau fait ses preuves./p
pstrong- Valérie Nataf :/strong Oui, absolument. Il tient toutes ses promesses./p
/blockquote
pAlléluia./p
pAu 20h de TF1, le soir-même, la rédaction parle d'une « stratégie efficace » en énumérant ses bienfaits : « i80 000 policiers et gendarmes déployés, des véhicules blindés sont même entrés en action pour déblayer. Les blocages, comme celui-ci à Marseille, sont presque instantanément débloqués par les forces de l'ordre./i » Sur BFM-TV, la cheffe du service police-justice Pauline Revenaz s'enthousiasmait dès 8h du matin : « iLes forces de l'ordre sont extrêmement mobilisées et très réactives !/i » N'en jetez plus !/p
pAu vu de la tonalité générale, on ne s'étonnera pas de retrouver les mêmes rengaines sur les ondes des matinales le lendemain. Ainsi de CNews, qui commence très fort, dès 6h, avec un sondage CSA réalisé en collaboration avec deux autres titres Bolloré, Europe 1 et le iJDD/i : « iFaites-vous confiance à la justice française pour punir les auteurs de violences (vols, agressions, meurtres) ?/i » Thomas Bonnet, journaliste politique, se fend d'une analyse « d'actualité » : « iOn verra désormais quelles seront les condamnations pour ceux qui hier s'en sont pris aux forces de l'ordre, ont dégradé du mobilier urbain, strongmais on est malheureusement obligés d'anticiper et de se dire qu'elles vont sans doute être encore une fois assez légères/strong./i » La presse Bolloré est en campagne pour des condamnations plus lourdes./p
pSans doute en manque de parole policière, Apolline de Malherbe sollicite un délégué Alliance Police sur RMC pour mieux refaire le film : « iComment s'est déroulée la journée globalement ? Le ministre de l'Intérieur s'est réjoui que les bloqueurs n'arrivent pas à bloquer/i », se félicite d'entrée la journaliste. Presqu'en même temps sur RTL, Thomas Sotto lance la grande interview : « iIl est 8h17, blocages, incendies, tentatives d'intrusion, routes et trains bloqués, quel est le vrai bilan de la journée "Bloquons tout en France " ? Pour le savoir, Marc-Olivier Fogiel, vous avez invité ce matin le patron de la gendarmerie, Hubert Bonneau./i » Fogiel : « iMerci mon général, merci d'être là./i »/p
/br
div class='spip_document_16187 spip_document spip_documents spip_document_image spip_documents_center spip_document_center'
figure class="spip_doc_inner" img src='https://www.acrimed.org/local/cache-vignettes/L500xH421/10septembre_rtl-5d9da.png?1757931694' width='500' height='421' alt='' /
/figure
/div
p/brEn face, Europe 1 se charge de faire entendre la préfecture. L'invité de Sonia Mabrouk est Laurent Nuñez, préfet de police de Paris. Première question de Mabrouk :/p
blockquote class="spip"
pstrongSonia Mabrouk :/strong Au lendemain du mouvement "Bloquons tout", qui ressemblait davantage à un mouvement "Cassons tout", qui a donné lieu à des violences, des heurts, entre forces de l'ordre et groupuscules masqués avec slogans antifa, propalestiniens, on va en parler, mais d'abord : de quel bilan définitif vous disposez ce matin aussi bien en termes d'interpellations, de gardes à vue, et aussi de policiers ou de forces de l'ordre blessés ?/p
/blockquote
pEt sur TF1, dans la matinale de Bruce Toussaint, l'éditorialiste Alba Ventura dépeint un pays à feu et à sang : « iCe qui a sauté aux yeux, ce sont ces scènes de violences. On a vu à Rennes un bus incendié, des barrages sur les routes, tentatives d'intrusion à la gare du Nord, à la gare Marseille Saint-Charles ce sont des bouteilles de verres qui ont été jetées, des pillages et puis tous ces gens cagoulés, en capuche, venus semer le chaos et affronter les forces de l'ordre… Bloquons tout a été noyauté par l'extrême gauche, l'ultra gauche, accompagnées des casseurs de banlieues./i »/p
pC'est sans doute cela, « l'ensauvagement » médiatique./p
/br
centerstrong***/strong/center
p/brSi les reportages et l'exposé des revendications n'ont pas fait systématiquement défaut, l'angle sécuritaire aura outrageusement dominé le traitement journalistique du 10 septembre. Et le journalisme de préfecture a paradé sur toutes les ondes : au ministère de l'Intérieur, le cadrage ; aux syndicalistes policiers, le commentaire en direct ; à la Préfecture, l'analyse des événements. « iC'est pas une manifestation populaire, ce sont des actes de délinquance qui sont extrêmement graves, qu'il faut traiter comme des actes de délinquance/i », résume Nicolas Bouzou sur LCI. Dépolitiser et criminaliser la contestation sociale : a href="https://www.editionstextuel.com/livre/repression" class='spip_out' rel='external'telle est la tâche des acteurs répressifs/a, auxquels les médias dominants apportent tout leur concours./p
p/brstrongPauline Perrenot/strong et strongJérémie Younes/strong/p/div
hr /
div class='rss_notes'div id='nb1'
pspan class="spip_note_ref"[a href='#nh1' class='spip_note' title='Notes 1' rev='appendix'1/a] /spanSur Franceinfo, un événement éclaire ces arrestations d'une autre lumière : juste avant 7h, l'interpellation par la police du syndicaliste Aurélien Boudon (Sud-Santé) est diffusée en direct à la radio, alors qu'il répond à une interview téléphonique… depuis la porte de Bagnolet./p
/divdiv id='nb2'
pspan class="spip_note_ref"[a href='#nh2' class='spip_note' title='Notes 2' rev='appendix'2/a] /span« iEn l'état de nos informations, il pourrait s'agir d'un départ de feu involontaire lié à l'intervention des forces de l'ordre/i », déclare-t-elle en conférence de presse. Une sortie qui indignera d'ailleurs Dominique Rizet sur BFM-TV : « iC'est pas très fin […]. Les experts en incendie ne se sont pas encore prononcés et dire ça alors que les manifestations sont en cours, qu'il y a encore des gens qui courent dans les rues de Paris… Imaginez… C'est peut-être pas le moment de dire ça… !/i »/p
/divdiv id='nb3'
pspan class="spip_note_ref"[a href='#nh3' class='spip_note' title='Notes 3' rev='appendix'3/a] /spanLire aussi « a href="https://www.telerama.fr/television/mobilisation-du-10-septembre-un-echec-et-des-violences-sur-toutes-les-chaines-7027346.php" class='spip_out' rel='external'Mobilisation du 10 septembre : un "échec" et des "violences" sur toutes les chaînes/a », iTélérama/i, 12/09./p
/divdiv id='nb4'
pspan class="spip_note_ref"[a href='#nh4' class='spip_note' title='Notes 4' rev='appendix'4/a] /spanLequel, soit dit en passant, dénonce le parti pris de la rédaction « idu côté de la police/i » tout en reprenant lui-même sans recul des expressions pour le moins problématiques d'un point de vue journalistique, comme « icasseurs/i » ou « ivoyous/i »./p
/div/div
jeu, 2025-09-11 17:35
img src='https://www.acrimed.org/local/cache-vignettes/L150xH79/affairelegrand-3da7d.png?1757604922' class='spip_logo spip_logo_right' width='150' height='79' alt="" /
div class='rss_chapo'pAnalyse d'un déni./p/div
div class='rss_texte'pLes 5 et 6 septembre, le média d'extrême droite iL'Incorrect/i publie trois courtes vidéos, tournées en caméra cachée et diffusées après montage (on devine de nombreuses coupes). On y voit discuter, autour d'une table de restaurant, deux journalistes – Thomas Legrand (France Inter, iLibération/i) et Patrick Cohen (France Inter, France 5) – et deux cadres du PS – Pierre Jouvet (secrétaire général du parti) et Luc Broussy (président du conseil national). Il s'agit, en l'occurrence, d'une a href="https://www.acrimed.org/Polemiques-autour-du-dejeuner-presidentiel-l"pratique ordinaire du journalisme politique français/a : des rencontres « en off » entre commentateurs et professionnels de la politique, caractérisées par un évident entre-soi (on le voit, par exemple, à l'usage du tutoiement par Thomas Legrand) et un certain mélange des genres (ici, Thomas Legrand donnant des conseils en stratégie politicienne aux cadres du PS)./p
pLa séquence a circulé à grande échelle, notamment en réaction à deux passages dans lesquels Thomas Legrand laisse entendre qu'il use de son fauteuil d'éditorialiste pour mener campagne contre Rachida Dati et en faveur de Raphaël Glucksmann – ce qui, au vu de sa passion historique pour « la gauche de gouvernement », de la ligne toujours « raisonnable » de ses éditos et de celle de son journal, n'était un mystère pour personne. C'est néanmoins en raison d'une phrase prononcée contre la ministre de la Culture (« iNous, on fait ce qu'il faut pour Dati, Patrick et moi/i ») qu'il sera suspendu de France Inter, à titre conservatoire, dès le lendemain (6/09)./p
/br
h3 class='article_intertitres'Le journalisme politique : un problème/h3
p/brÉgrener les partis pris, a href="https://www.acrimed.org/Quand-les-medias-avouent-traficoter-le-capital"traficoter le capital politique des élus/a… : les journalistes politiques, éditorialistes et autres intervieweurs ont des préférences politiques et celles-ci transparaissent dans leur façon de travailler. Il ne s'agit pas là du scoop du siècle, leur prétention à l'« objectivité » et à la « neutralité » ne pouvant plus convaincre qu'eux-mêmes (et encore). Pataugeant dans le microcosme politico-médiatique, ils sont pour la plupart sociologiquement proches des professionnels de la politique, dont ils partagent en grande partie les préoccupations, les questionnements et les manières d'appréhender les rapports sociaux, au point d'apparaître régulièrement – à l'antenne comme en privé, visiblement… – comme des acteurs politiques à part entière. Nulle surprise, dès lors, à les observer se comporter tantôt en conseillers de prince, tantôt en ingénieurs en stratégie politique, fidèles à la feuille de route du journalisme de prescription qui préside à leur pratique du métier. Rien de plus banal, enfin, que de constater leur propension à se vivre comme d'authentiques faiseurs de roi et à faire étalage de leur influence et du pouvoir (supposés) de leur média sur les publics. Pour se donner de l'importance ? « iLe marais centre-droit centre-gauche, on ne les entend pas beaucoup, mais ils écoutent France Inter. Et ils écoutent en masse/i », se félicite en tout cas Thomas Legrand./p
pBref, a href="https://www.acrimed.org/+-Le-journalisme-politique-+"comme nous avons coutume de l'écrire/a, le journalisme politique tel qu'il est pratiqué est un problème. Pour y remédier, la profession pourrait faire preuve d'autocritique et envisager des solutions. L'une d'entre elles consisterait à repenser le métier de fond en comble : du reportage et de l'enquête plutôt que du commentaire, de la transparence plutôt que du off, du fond plutôt que des sondages et de la comm'. Du journalisme plutôt que de l'éditorialisme, en somme : ce serait là un garde-fou nécessaire – quoique insuffisant – contre le mélange des genres, et la voie vers une information de qualité. Reste une deuxième porte de sortie, en forme de pis-aller : prendre acte du rôle ipolitique/i des éditorialistes et garantir alors les conditions d'un réel pluralisme des expressions et des courants d'idées dans les médias audiovisuels, ia fortiori/i de service public – on en est loin./p
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h3 class='article_intertitres'« Circulez, il n'y a rien à voir »/h3
p/brLas, l'indécrottable corporatisme de la profession ne veut ni de l'une, ni de l'autre. Si ce n'est quelques exceptions (ici a href="https://www.arretsurimages.net/chroniques/obsessions/a-thomas-legrand-le-complotisme-reconnaissant" class='spip_out' rel='external'Daniel Schneidermann/a ou a href="https://x.com/jmaphatie/status/1964674686396125419" class='spip_out' rel='external'Jean-Michel Aphatie/a), tous se sont rués pour défendre un Thomas Legrand « idont l'honnêteté n'a jamais été remise en cause/i » (SNJ Radio France, 6/09) et « idont l'intégrité ne saurait être remise en cause/i » (iLibération/i, 7/09). De soutiens lénifiants en inventaires des pratiques (forcément) irréprochables de Thomas Legrand – dont a href="https://www.acrimed.org/+-Thomas-Legrand-+"Acrimed a d'ailleurs régulièrement rendu compte/a –, l'autocritique n'a nulle part sa place. Ici, la morgue : « iMON DIEU !!! Des journalistes parlent avec des sources de la situation électorale du pays !!!/i », s'amuse par exemple le journaliste du iMonde/i Abel Mestre, feignant de ne pas voir le fond du problème (X, 6/09). Là, un débat classé sans suite, au prétexte que les procédés sont contraires à la déontologie journalistique ou que les vidéos proviennent d'un média d'extrême droite – lesquels sont banalisés depuis des décennies par les médias mainstream, abreuvés jour après jour par des contenus d'extrême droite…/p
p« Longue vie (à l'antenne) à Thomas Legrand et Patrick Cohen : nous avons bien besoin d'eux », proclame encore iLe Nouvel Obs/i sous la plume de François Reynaert (8/09), outré que l'on reproche à Thomas Legrand « id'avoir fait son métier de journaliste politique/i ». C'est-à-dire ? « i[C]'est-à-dire discuter, échanger des propos, prendre des cafés ou des déjeuners avec des politiciens. Un journaliste économique passe son temps à voir des responsables économiques, un rubricard religieux (je l'ai été) partage des repas avec des gens d'Eglise (mais ne bouffe pas le curé), un journaliste politique rencontre des politiques./i » Avec des professionnels flanqués d'un tel sens de l'éthique, et si ambitieux quant au rôle et à la vocation du journalisme, l'information politique a de beaux jours devant elle !/p
pBref, syndicats de journalistes et confrères ne voient pas le problème et font bloc… laissant ainsi le terrain de la critique aux médias d'extrême droite, CNews en tête, qui se sont jetés sur l'occasion pour nourrir leur fantasme d'un paysage médiatique noyauté par la gauche, crier au complot et dispenser des leçons de maintien journalistique. « iDu pain bénit pour les contempteurs attitrés des antennes publiques/i », observe ainsi iLe Monde/i (8/09) au moment de recenser les outrances d'une Marine Le Pen ou d'un Éric Ciotti, constituant elles-mêmes du pain bénit pour les gardiens de l'ordre journalistique : au terme de deux articles sur cette « affaire », si iLe Monde/i s'indigne des cris d'orfraie de l'extrême droite, il n'esquisse pas le début du commencement d'une critique à l'égard de la corporation./p
/br
centerstrong***/strong/center
p/brQu'on ne s'y trompe pas : au vu des remaniements structurels et de la droitisation à l'œuvre au sein de France Inter, la mise à l'écart de Thomas Legrand vise moins à redorer « l'éthique » d'une antenne – comme le revendique sa directricespan class="spip_note_ref" [a href='#nb1' class='spip_note' rel='appendix' title='Comme l'indique Le Monde (6/09), Adèle Van Reeth a justifié la mise à l'écart (...)' id='nh1'1/a]/span – qu'à livrer d'énièmes gages à l'extrême droite et envoyer un énième signe de déférence au pouvoir en place – Rachida Dati, en l'occurrence. Un sort en outre fort injuste pour ce pauvre Thomas Legrand, alors que les pratiques incriminées sont si largement partagées : s'il saute, alors tous les éditorialistes devraient sauter aussi ! Reste que deux semaines après a href="https://www.acrimed.org/Universite-d-ete-de-LFI-retour-sur-l-affaire"« l'affaire Pérou »/a, voilà la profession de nouveau prise en flagrant délit de deux poids, deux mesures et de corporatisme aveugle. Deux séquences qui éclairent d'une lumière crue les pratiques du journalisme politique sans qu'aucune ligne ne bouge : surtout, ne changez rien./p
p/brstrongMaxime Friot/strong et strongPauline Perrenot/strong/p/div
hr /
div class='rss_notes'div id='nb1'
pspan class="spip_note_ref"[a href='#nh1' class='spip_note' title='Notes 1' rev='appendix'1/a] /spanComme l'indique iLe Monde/i (6/09), Adèle Van Reeth a justifié la mise à l'écart de Thomas Legrand « ien estimant que "[s]es propos […] peuvent prêter à confusion et alimenter la suspicion quant à l'utilisation de [leur] antenne à des fins partisanes" […]. "Il est de ma responsabilité de protéger la chaîne de toutes ces accusations qui sont particulièrement délétères pour le travail que vous réalisez au quotidien à l'antenne comme sur le terrain"/i »./p
/div/div
jeu, 2025-09-11 09:58
div class='rss_chapo'pNous relayons a href="https://www.snrt-cgt-ftv.org/liste-communiques/1554-le-20h-de-france-2-en-passe-de-gagner-le-concours-du-journal-le-plus-reactionnaire" class='spip_out' rel='external'ce communiqué/a de la CGT France Télévisions./p/div
div class='rss_texte'pPour tenter de gagner le Graal de la meilleure audience devant TF1, la direction de l'information de France Télévisions semble avoir misé sur tout ce qu'il y a de plus rance dans le spectre des opinions politiques./p
pLors du 20h du 9 septembre, après une ouverture classique sur le choix du futur Premier Ministre et l'indéboulonnable Nathalie Saint-Cricq qui parle de la nomination de Sébastien Lecornu comme s'il n'y avait pas eu d'autre alternative, on passe à la journée de mobilisation du 10 septembre, et là, soudain, l'information se met au garde-à-vous./p
pAlors que selon les instituts de sondage, près d'un Français sur deux soutient le mouvement « Bloquons tout ! », le journal de Léa Salamé occulte totalement les raisons de la colère populaire, pour ne traiter cette journée que sous l'angle du maintien de l'ordre et des perturbations à venir pour la France qui travaille./p
pLe sujet sur le dispositif policier mis en place fait un étalage des moyens de répression que pourront utiliser les policiers, comme s'ils n'avaient en face d'eux que des casseurs, des voyous et des black bloc, et non des citoyens avec des revendications légitimes. France 2 se met ainsi explicitement du côté de la police, quitte à mettre en danger ses équipes qui couvriront les manifestations./p
pDire que « iles forces de l'ordre ont appris des gilets jaunes à être plus efficaces/i », sans rappeler que depuis que Macron est au pouvoir la répression policière n'a jamais été aussi violente, avec des dizaines de personnes mutilées et éborgnées, et même trois personnes tuées depuis 2015, c'est tourner le dos à cette population française qui continue de défendre le droit légitime de manifester./p
pLéa Salamé aurait pu rappeler que la France est le pays européen le plus violent en matière de maintien de l'ordre, ou même, évoquer la note envoyée cet été par le Ministère de l'Intérieur aux forces de l'ordre. Dénoncée par les syndicats de journalistes, elle ne prend plus en compte le statut de journaliste en cas de violences urbaines. Or, comme l'explique un policier dans le sujet, « ion va être à la limite entre le maintien de l'ordre et les violences urbaines/i ». Un mot de solidarité avec les journalistes qui risquent d'être traités comme n'importe quel manifestant aurait été le bienvenu./p
pPour ne pas être en reste, pour dire quand même quelques mots du mécontentement populaire, la chefferie du 20h se livre à une manipulation grossière, que l'on a déjà vue au moment des gilets jaunes. Le téléspectateur est incité à faire un lien entre le mouvement « Bloquons tout » et l'extrême droite, puisque les seules revendications exprimées dans le journal sont celles du « trop d'impôts » et du « Nicolas qui paie ». Rien sur le naufrage des services publics, les milliardaires qui se gavent, les vraies revendications de gauche./p
pPour clore le tout, ce journal pitoyable se termine par l'onction du cardinal Bustillo, un Richard Gere en soutane, qui nous prie de sortir de la lutte des classes. Félicitations pour ce journal d'Ancien Régime, pour ce journalisme de cour. Quel mépris pour les citoyens qui regardent encore le 20h et pour les journalistes qui continuent de faire leur travail, dans l'adversité !/p
p/brParis, le 10 septembre 2025/p/div
mer, 2025-09-10 07:00
img src='https://www.acrimed.org/local/cache-vignettes/L150xH83/bloquonstout-e2b77.png?1757480400' class='spip_logo spip_logo_right' width='150' height='83' alt="" /
div class='rss_chapo'p« iProtéiforme/i », « inébuleux/i », « iimprévisible/i », le mouvement du 10 septembre, « Bloquons tout », a attisé la curiosité des journalistes tout l'été. Mais à mesure que la date fatidique se rapprochait, les enquêtes minutieuses sur ses origines numériques ont laissé la place aux éditoriaux enflammés contre ses revendications et ses modes d'action (supposés)./p/div
div class='rss_texte'pComment parler d'un mouvement social qui n'existe pas encore ? Les premiers papiers qui s'intéressent à ce « mouvement du 10 septembre », fin juillet, travaillent d'abord à en retracer les origines numériquesspan class="spip_note_ref" [a href='#nb1' class='spip_note' rel='appendix' title='Lire « 10 septembre : les médias peinent à traiter l'appel à "tout bloquer" », (...)' id='nh1'1/a]/span. Les faits semblent bien établis par les différentes enquêtes journalistiques : le mot d'ordre « Bloquons tout le 10 septembre » est parti d'un obscur canal Telegram, nommé Les Essentiels, dont le positionnement politique ne fait pas de mystère, « isouverainiste/i », « iconfus/i », « icomplotiste/i », en deux mots, « id'extrême droite/i ». La présentation du plan d'austérité drastique de François Bayrou, mi-juillet, et la diffusion d'une vidéo TikTok dans la foulée, propulsent la date et le hashtag sur les réseaux sociaux, qui deviennent viraux et percent la « bulle » d'extrême droite d'où ils sont sortis. Une semaine d'effervescence en ligne plus tard, les premiers papiers tombent presque simultanément dans iLe Parisien/i et iL'Humanité/i (22/07), avec un titre quasi identique : « "Un arrêt total et illimité du pays" : c'est quoi ces appels à bloquer la France le 10 septembre ? »/p
piLibération/i produit une enquête dans la foulée (Checknews, 23/07), et iLe Monde/i suit quelques jours plus tard : « "Bloquons tout", le 10 septembre : Aux origines d'un mouvement viral dont personne ne sait quoi faire » (6/08). Les informations de ces quatre journaux vont être largement reprises à travers la presse et focaliser une grande partie de la première « séquence » médiatique (de fin juillet à mi-août) ; une autre large partie de cette première séquence est occupée par des comparaisons avec les Gilets jaunes qui vont, elles aussi, se répandre très vite./p
pSi ces enquêtes sur l'itinéraire en ligne de l'appel du 10 septembre ont un certain intérêt journalistique et informationnel, la place centrale qu'elles vont occuper dans le « récit » médiatique participe à occulter d'autres aspects de la mobilisation sociale comme, au hasard, les conditions matérielles qui expliquent pourquoi tant de gens semblent prêts à « tout bloquer » contre « l'austérité ». Certaines de ces enquêtes numériques ne vont pas s'embarrasser de précautions et vont, procédant par associations et amalgames, alimenter un épouvantail : s'agit-il d'une déstabilisation extérieure, d'un mouvement fomenté par les Russes ? Le 21 août, le journaliste de BFM-TV Raphael Grably publie un fil sur X, copieusement partagé, dans lequel sont auscultés les premiers comptes qui se sont fait le relais du 10 septembre. Il pointe la nature complotiste et pro-kremlin de leurs posts : « iIls semblent avoir un petit faible pour Vladimir Poutine. D'ailleurs le second "tague" […] l'un des principaux relais pro-russes francophones. […] Forcément, avec de tels éléments, on peut avoir certaines interrogations quant à la spontanéité du mouvement, ou de son amplification par une puissance étrangère – dans un timing international pour le moins critique./i »/p
pInformatif, le ithread/i de Raphael Grably maintient quelques précautions importantes. Ces précautions ont totalement disparu, une semaine plus tard, à l'antenne de LCI : « iPoutine essaie-t-il de semer le chaos en France ? Selon nos informations Police-Justice de LCI, de notre consultant Guillaume Farde, strongdes réseaux russes sont à la manœuvre/strong derrière le mouvement Bloquons tout./i » (29/08) L'idée d'une « manœuvre russe » va connaître un grand succès dans la presse. iLa Dépêche/i se demande si « ile fantôme de Poutine plane sur l'Hexagone/i », dans un papier titré : « "Bloquons tout" le 10 septembre : "L'initiative des sympathisants de Moscou"… » ; « iL'opération pourrait être conduite depuis Moscou/i », avertit iLe Télégramme/i (29/08), qui analyse, comme iLa Croix/i (6/09), l'amplification des mots-clefs en ligne par des comptes qui ne semblent pas authentiques (une méthode nommée « astroturfing »). La « thèse russe » va aussi se retrouver sur France Info, dans iLe Dauphiné Libéré/i (28/08), ou encore sur France 5, où Caroline Roux se demande si cela permet de « irelativiser le souffle de la mobilisation/i » (28/08). Finalement, après une très belle floraison éditoriale, c'est la cellule « Vrai ou Faux » de France Info qui va dégonfler la psychose : « iLe mouvement trouve bien son origine en France. Il ne s'agit pas d'une opération conduite depuis la Russie, même s'il y a bien des comptes et des médias russes, voire iraniens, qui participent à l'amplification de l'appel du 10 septembre. Il s'agit principalement d'une reprise opportuniste./i » Confirmé quelques jours plus tard par une « source gouvernementale », citée encore sur France Info : « iNous n'avons pas détecté de campagne d'ingérence massive, d'ampleur et coordonnée./i »/p
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h3 class='article_intertitres'« iIl faut souhaiter un échec radical de l'opération "Bloquons tout"/i »/h3
p/brD'abord intéressés par sa « idiffusion technique/i » et par les comparaisons plus ou moins hasardeuses avec le mouvement des Gilets jaunes, les médias vont changer de ton aux alentours de la mi-août, quand les mots d'ordre de la mobilisation vont se préciser, et que la plupart des organisations politiques, syndicales, associatives ou militantes de la gauche vont se joindre une à une à la date du 10 septembre. Un « ivirage à gauche toute/i », comme le notent de nombreux médias, qui va s'accompagner d'un changement de registre. Ainsi d'Yves Thréard qui, dès le 18 août, explose dans iLe Figaro/i :/p
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pAvec ses amis, le chef des Insoumis cherche à récupérer le mouvement « Bloquons tout » pour le gauchiser et mettre ainsi sa partition en musique. Jean-Luc Mélenchon se reprend à rêver du Grand Soir. L'occasion lui en est donnée par « Bloquons tout ». […] L'ingénieur du chaos s'imagine, tous les jours depuis huit ans, en Vladimir Ilitch Lénine parti à l'assaut du palais d'Hiver… L'ancien sénateur socialiste devenu « Lider Maximo » pense aujourd'hui que le moment est plus propice que jamais./p
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pLe lendemain, le rédacteur en chef du iTélégramme/i, Samuel Petit, embraye sur le même ton :/p
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pLa France aime jouer à se faire peur. L'approche de la rentrée sociale et de la journée « Bloquons tout » du 10 septembre donne de l'appétit aux politiques dont cette peur est le fonds de commerce. En s'appropriant une colère protéiforme, l'ultra gauche confirme ainsi sa stratégie du chaos./p
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pDans iL'Opinion/i (25/08), Éric Le Boucher adopte un style plus lyrique, mais pas moins consternant :/p
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pPauvre Bayrou, pauvres de nous. Deux tiers des Français approuvent la journée du « Bloquons tout, le 10 septembre », selon un sondage Toluna-Harris Interactive pour RTL. Le mauvais état d'esprit de l'opinion publique est le cœur du problème du « mal français » […] Au fond de leur tête, les Français ont sans doute compris qu'il fallait faire des économies mais le système sondagique et médiatique les en détourne au lieu de les y amener. […] « Débloquons tout ! » devrait être le slogan de politiciens qui auraient réellement le souci du peuple. […] La France hélas est paralysée par la défense démagogique du monde d'hier. Bloquons tout, pleurons tous. Pauvre Bayrou, pauvres de nous. »/p
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pN'en jetez plus !/p
p« iL'heure est si grave/i, écrit quant à lui Franz-Olivier Giesbert dans iLe Point/i (27/08), ique notre devoir de Français devrait être aujourd'hui d'encourager le gouvernement Bayrou en sursis, qui fait ce qu'il peut, sans majorité parlementaire, d'aller plus loin encore dans sa politique d'assainissement. À ceux qui crient : "Bloquons tout !", il ne faut pas avoir peur de répondre : "Débloquons tout !" À ceux qui s'insurgent contre l'austérité, rappelons que, plus on tardera à agir, plus l'addition sera lourde./i »/p
p« Que reste-t-il à "bloquer" dans un pays paralysé ? », se demande Bertille Bayard dans iLe Figaro/i (27/08) : « iCe mouvement entend mobiliser sur un mot d'ordre, "Bloquons tout", stupéfiant. Il faut au contraire tout débloquer. Et vite./i » Jean-Michel Aphatie n'en pense pas moins sur X (20/08) :/p
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pEst-il légitime d'envisager « tout bloquer » ? Quel mandat l'autorise ? Quel débat l'a décidé ? Qui va « tout bloquer » ? Une minorité ? Oui, bien sûr, comme toujours dans ces situations. Rien de démocratique, donc. Juste l'ivresse de penser mener un juste combat, en se moquant de ceux qui ne seraient pas d'accord. […] L'imaginaire français est ainsi fait que la rêverie parfois gomme la réalité. Ici et aujourd'hui, le réveil pourrait être terriblement douloureux. C'est pour cette raison qu'strongil fait/strong [sic] strongsouhaiter un échec radical de l'opération/strong : « Bloquons tout »./p
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pEt de retrouver « il'imaginaire français/i » décrié par Aphatie dans les colonnes du iParisien/i : « iC'est un caravansérail de revendications sans grande cohésion, parfois même contradictoires mais qui se retrouvent dans un même fond de sauce, le ras-le-bol. De quoi ? D'un peu tout. Une exaspération toute française./i » (Nicolas Charbonneau, 7/09)./p
pFin août, une étude confirme les craintes des éditorialistes, qui avaient pu, au départ, à la faveur des comparaisons avec les Gilets jaunes, prendre le mouvement du 10 septembre pour un mouvement « poujadiste », « anti-taxes », issu des « iprofondeurs du pays/i ». iLe Monde/i (31/08) met en avant les recherches du politiste Antoine Bristielle pour la Fondation Jean-Jaurès, qui affirme en titre que : « Le mouvement du 10 septembre "est structuré presque exclusivement autour de sympathisants de la gauche radicale" ». Le doute n'étant plus permis, les commentaires redoublent de violence. Parmi tous les morceaux de bravoure éditocratique, celui de Sébastien Le Fol, encore dans iLe Télégramme/i (6/09), mérite d'être cité longuement, tant il condense bien « l'esprit » de cette deuxième séquence médiatique, résumé par le mot d'ordre : « iDébloquons-tout/i » :/p
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pL'étonnant, dans cet appel du 10 septembre, c'est son nihilisme assumé. Ses thuriféraires ont renoncé à tout dialogue. Ils ne proposent rien. Le chaos apparaît comme leur seul horizon. Selon le philosophe André Comte-Sponville dans « L'Express », « c'est le triomphe de la haine et du ressentiment ». On se demande si leur slogan « bloquons tout ! » n'est pas mal choisi. Que reste-t-il à bloquer dans ce pays si écrasé par la verticalité du pouvoir, si contraint par la bureaucratie ? Chaque jour, artisans, commerçants, agriculteurs, entrepreneurs, jeunes et tant d'autres Français se disent plutôt : « Si seulement on pouvait débloquer la France ! ». La passion française pour l'État occulte une évolution importante : il existe dans les profondeurs du pays une aspiration à la responsabilité et une demande de dispersion du pouvoir. Le message est clair : débloquez tout !/p
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pC'est un bingo./p
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h3 class='article_intertitres'Le journalisme en direct des préfectures et des instituts de sondage/h3
p/brSur RMC (8/09), Apolline de Malherbe donne la parole à son nouveau chroniqueur, a href="https://www.acrimed.org/Louis-Sarkozy-le-capital-mediatique-s-herite"un certain Louis Sarkozy/a :/p
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pSelon un sondage pour iLa Tribune Dimanche/i, 46% des Français disent soutenir la mobilisation du 10 septembre […] La gauche, fière d'elle-même comme toujours, gesticule bruyamment pour s'approprier le mouvement. […] Cette même gauche aime tout ce qui détruit, tout ce qui ralentit, tout ce qui déconstruit le pays. Tout appel à la grève est pour elle une aubaine […] Tout ce qui mène à notre effacement, à notre division, est teinté de rouge. Disons-le une fois pour toute, la gauche française œuvre aujourd'hui à la déconstruction de la France./p
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pIl en va là d'un autre grand classique du traitement journalistique des mobilisations sociales : le sondage d'opinion, tendanciellement défavorable à tous les mouvements sociaux. Publié le 6 septembre dans iLa Tribune Dimanche/i, ce sondage, dont le résultat s'énonce simplement (« Près d'un Français sur deux soutient le mouvement »), va être repris par une dépêche AFP le lendemain puis par la quasi-totalité des médias les jours suivants : iLe Parisien/i, Paris-Normandie, iMidi Libre/i, iSud-Ouest/i, iLe Nouvel Obs/i, iL'Est Républicain/i, RTL, France Info, BFM-TV, CNews ou France 24, etc./p
pL'autre approche habituelle, qui va faire florès, est bien entendu celle de l'angle sécuritaire : le journalisme de préfecture. Dès le 19 août, iLe Figaro/i, dans un papier titré « L'extrême gauche tente de noyauter la mobilisation née sur internet », évoque les notes des « irenseignements territoriaux/i » : « iLes Renseignements territoriaux (ex-RG) analysent ainsi, jour après jour, ce qui se passe sur internet, mais aussi dans les meetings, les AG. La gendarmerie, elle aussi, tente de capter les signaux plus ou moins faibles dans les campagnes./i » Quelques jours plus tard, le 27 août : « INFO RTL : "Bloquons tout le 10 septembre" : le mouvement s'étend mais "peine à se structurer", ce que révèle la note du renseignement territorial ». Là encore, les journalistes de RTL ont pu consulter une « note » de la source neutre et objective que constituent les renseignements territoriaux. Quelques jours plus tard, le 2 septembre, c'est une « INFO Le Parisien » qui fend l'actualité : « Mouvement du 10 septembre : grèves, blocages, sabotages… La note d'alerte des services de renseignement ». Le ton se fait plus grave, et « idans un document de six pages que le Parisien - Aujourd'hui-en-France a pu consulter, les renseignements territoriaux et la direction du renseignement de la préfecture de police de Paris alertent sur de possibles actions violentes, des sabotages et des opérations contre des secteurs stratégiques de l'économie/i ». « L'alerte » n'allait pas rester bien longtemps sans réponse. Toujours dans iLe Parisien/i, et du même auteur (8/09) : « iLes autorités vont faire appel à près de 80 000 agents des forces de l'ordre pour ce mercredi. Le ministère de l'Intérieur prône la "fermeté"./i » Des informations qui vont se retrouver dans toute la presse, sans que quiconque ne songe à les mettre en question. Le soir-même, alors que le gouvernement est tombé sur le vote de confiance à l'Assemblée nationale, Bruno Retailleau, ministre de l'Intérieur démissionnaire, est l'invité « iexceptionnel/i » du 20h de Léa Salamé (France 2), qui ne mâche pas ses mots dans son lancement : « iIl était strongle ministre le plus important et le plus populaire/strong du gouvernement Bayrou, bonsoir Bruno Retailleau./i » D'abord invité à commenter la chute du gouvernement Bayrou et les scénarios politiciens, Retailleau est questionné par Léa Salamé sur le 10 septembre, là aussi sans concession : « iBruno Retailleau, est-ce que vous vous attendez à une journée très suivie mercredi, et strongest-ce que vous vous attendez à des actions violentes/strong ?/i »/p
pLa nouvelle vedette du 20h de France 2 ne relancera pas le ministre de l'Intérieur lorsqu'il affirmera qu'il « ine tolèrera aucun blocage, aucune violence, aucune action, évidemment, de boycott/i ». Elle ne lui posera pas non plus de question sur le schéma national des violences urbaines, diffusé cet été, et qui suspend tout simplement la « liberté de la presse » en contexte de « iviolences urbaines/i », contre lequel a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2025/09/08/nouveau-schema-national-des-violences-urbaines-cette-nouvelle-menace-sur-la-liberte-d-informer-est-inadmissible_6639972_3224.html" class='spip_out' rel='external's'insurgent pourtant des dizaines de sociétés de journalistes/a, y compris celles de France Télévisions. Fait assez rare pour être souligné, qui en dit long sur le climat journalistique, le syndicat de journalistes SNJ-CGT a glissé dans son appel à la grève des 10 et 18 septembre une « invitation » aux journalistes « ià documenter avec rigueur – par l'enquête, le reportage et l'analyse – la mobilisation sociale qui se dessine et de ne pas tomber dans la caricature gouvernementale [...] du "chaos"/i » C'est raté pour Léa Salamé./p
pLe court sujet diffusé par le 20h avant de donner la parole à Retailleau est lui aussi caractéristique d'une antienne éditoriale qui a monopolisé beaucoup d'espace médiatique : l'inquiétude des entreprises face au 10 septembre. On la retrouve sur France Info (« Bloquons Tout : stocks renforcés et télétravail, comment les entreprises se préparent », 8/09), BFM-TV, qui interroge le patron d'Intermarché Thierry Cotillard (8/09) ; iLibération/i, qui se fait l'écho de cet entretien (« "Bloquons tout" le 10 septembre : le patron d'Intermarché a renforcé ses stocks par "crainte" des actions », 8/09) ; iOuest-France/i (« "La France n'a pas besoin de ça" : "Bloquons tout" vu par le monde économique des Côtes-d'Armor », 9/09) ; RTL (« "Bloquons tout" le 10 septembre : quels sont les secteurs qui risquent d'être paralysés ? », 8/09) ; Ici Hérault (« La situation politique du moment inquiète les artisans de l'Hérault », 3/09) ; et, à vrai dire, absolument partout. Le Medef sera lui aussi abondamment interrogé dans la presse à propos du 10 septembre, et son président Patrick Martin reprendra sur France Info (27/08) le refrain installé par l'éditocratie : « iLe vrai sujet n'est pas de bloquer, c'est de débloquer le pays./i »/p
pComment, donc, parler d'un mouvement social qui n'existe pas encore ? En faisant comme d'habitude, et avant même que la première poubelle ne brûle./p
p/brstrongJérémie Younes/strong/p/div
hr /
div class='rss_notes'div id='nb1'
pspan class="spip_note_ref"[a href='#nh1' class='spip_note' title='Notes 1' rev='appendix'1/a] /spanLire « a href="https://www.arretsurimages.net/articles/10-septembre-les-medias-peinent-a-traiter-lappel-a-tout-bloquer" class='spip_out' rel='external'10 septembre : les médias peinent à traiter l'appel à "tout bloquer"/a », Arrêt sur images, 21/08./p
/div/div
sam, 2025-09-06 12:50
img src='https://www.acrimed.org/local/cache-vignettes/L150xH84/momentsocialiste-1c4f9.png?1757155849' class='spip_logo spip_logo_right' width='150' height='84' alt="" /
div class='rss_chapo'pDepuis que la chute de François Bayrou et de son gouvernement est annoncée, le landerneau du journalisme politique s'agite et tente d'imaginer « il'après/i ». De nombreux éditorialistes en sont désormais convaincus : c'est le « imoment socialiste/i », après que le PS a consommé sa rupture avec LFI et le programme du NFP. Florilège./p/div
div class='rss_texte'p« iC'est la petite musique qui monte depuis quelques jours/i », introduit le journaliste Loïc de la Mornais, dans son émission sur France Info (04/09) : « iUn rêve, un espoir, pour la gauche en tout cas : le Parti socialiste pourrait-il s'installer à Matignon ?/i ». La veille, la problématique est la même dans la matinale de Guillaume Erner sur France Culture (03/09). Le journaliste politique du iMonde/i Olivier Pérou y est invité à commenter les tractations de partis : « iOn sent qu'il y a une clé à trouver avec le PS, comme à chaque fois. Il y a un espèce de "moment socialiste", on ne sait pas s'il va aboutir ou pas, mais il y a un "moment socialiste"./i » La curieuse expression semble être l'un de ces syntagmes que les journalistes politiques se repassent entre eux sans réellement en questionner le sens. On le retrouve, le même jour, dans la chronique de Françoise Fressoz du journal iLe Monde/i : « iLes socialistes vivent leur "moment"./i » Quant aux « clés » dont parle Olivier Pérou, on les retrouve, elles, dans iLe Point/i (03/09), qui s'inquiète : « i"Le PS a les clés" : Emmanuel Macron prépare-t-il un virage à gauche ?/i »/p
pLe magazine « C dans l'air » (France 5), présenté par Caroline Roux, se pose la même question : « iMacron : et maintenant, la gauche ?/i ». Dans le reportage qui lance le sujet, la voix-off l'affirme : « iEn coulisse hier, le président a convié les chefs de la coalition gouvernementale. Au menu : apprendre à travailler avec les socialistes […]./i » Des fuites organisées depuis les réunions internes du « bloc central », des « off » destinés à être rendus publics, que l'on va retrouver un peu partout dans la presse : « iRéunissant à l'improviste les chefs de partis du "socle commun", Emmanuel Macron les a ainsi enjoints à travailler avec le parti socialiste/i », écrit la lettre politique de iLibération/i, « Chez Pol » (03/09) ; même info sur le site de TF1, TF1 info, qui titre son papier : « Les socialistes au cœur des négociations pour l'après-Bayrou » (04/09). Avec une introduction pleine d'espoir : « iPour ce parti de gouvernement, duquel sont issus deux anciens présidents de la République, la traversée du désert a été longue. Est-elle sur le point de prendre fin ?/i » Même écho dans iLe Figaro/i (« Courtisés par Macron, les socialistes se voient à Matignon », 04/09), qui note : « iAgréablement surprises par Laurent Wauquiez, qui a affirmé que la droite "ne censurera pas" un gouvernement PS, les troupes d'Olivier Faure guettent les premiers signes d'ouverture du bloc central/i » ; « iLes premiers signes d'ouverture seraient à guetter en septembre/i », écrit Charlotte Belaïch dans iLibération/i (« Entre Bayrou et le PS, je t'aide moi non plus », 03/09), qui explique que plusieurs ministres du gouvernement Bayrou ont échangé au cours de l'été avec les socialistes, et « iveulent croire qu'un chemin, escarpé, existe pour traverser le débat budgétaire/i ». Tonalité similaire dans iLa Provence/i : « Après Bayrou, le PS s'y voit déjà » (05/09) ; iLa Nouvelle République/i : « Le PS un peu plus au centre du jeu » (05/09) ; et dans d'innombrables autres publications où l'on retrouve, aléatoirement, les mots de « iparti de gouvernement/i », l'idée de « istabilité/i », ou encore l'appel à la « iresponsabilité/i ». Ainsi iL'Express/i : « Les socialistes et le sinueux chemin de la responsabilité » (04/09). Le HuffPost : « Olivier Faure veut se frayer un chemin » (04/09). iLe Parisien/i, qui évoque lui « Les pistes pour amadouer le PS » (05/09). Ou encore Politico, avec une infolettre mondaine dont les journalistes politiques raffolent, « Playbook Paris », qui titrait dès lundi (01/09) : « PS : l'idée fait son chemin »./p
pSi le journalisme politique semble vivre son « imoment socialiste/i », ce n'est pas seulement parce que le président de la République a laissé fuiter qu'il fallait désormais « ise tourner vers le PS/i ». C'est aussi parce que le PS a donné les gages nécessaires à tous ces amis de la « istabilité/i », en actant plus nettement sa rupture avec La France insoumise, et en présentant un projet de « contre-budget », qui abandonne de fait plusieurs mesures emblématiques du programme du Nouveau Front populaire. François Fressoz n'en fait pas mystère dans sa chronique :/p
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pD'Eric Lombard à Manuel Valls, en passant par Astrid Panosyan-Bouvet, tous les membres du gouvernement venus de la gauche estiment que, face à la gravité du moment, le contre-budget du PS ouvre des marges de discussion […] Remis au centre du jeu par la décision du Rassemblement national de jouer la carte de la dissolution, voire d'une présidentielle anticipée, les socialistes sont devenus incontournables pour strongstabiliser le jeu/strong./p
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pEt Olivier Pérou de prononcer la sentence finale sur France Culture : « iSoit [le Parti socialiste] fait cet accord de non-censure [avec le bloc macroniste], soit ils retournent – pardonnez-moi l'expression – dans les jupes de Jean-Luc Mélenchon./i »/p
pDe ce point de vue, la jurisprudence éditocratique est assez claire : dans le premier cas, le PS devrait avoir droit à la plus grande mansuétude (a href="https://www.acrimed.org/Bernard-Cazeneuve-ou-la-gauche-dont-revent-les"jurisprudence Cazeneuve/a) ; dans le second, il devrait faire face à des attaques virulentes (a href="https://www.acrimed.org/Anatomie-d-une-campagne-mediatique-contre-la-6489"jurisprudence Nupes/a). En attendant, le PS vit assurément son « moment »… médiatique./p
p/brstrongJérémie Younes/strong/p/div