Ce billet sur le Go pour montrer que les principes ne sont ... que des principes. Les appliquer à l'aveugle fera illusion un instant - ce que je m'évertue à faire -, mais le principe est assimilé lorsqu'on en perçoit les limites, les exceptions, lorsqu'on omettra dans certaines circonstances de les appliquer sans regret.

Le principe que je voudrais vous inviter à violer : guzumi c'est mauvaise forme (avec un accent asiatique prononcé).

Guzumi, qu'est-ce? Réponse en image :

On peut parler de triangle vide. Attention, ajouter une pierre blanche en F3 et ce n'est plus guzumi, ce n'est plus une mauvaise forme. 

Pourquoi dit-on que c'est une mauvaise forme. Petite démonstration élémentaire :

Guzumi c'est 3 pierres pour 7 libertés. Si vous alignez les pierres cela vous fait 3 pierres pour 8 libertés (que tous ceux qui ont un goban posent les pierres et comptent avec leurs petits doigts).

Voilà pour la démonstration, un peu succinte j'en conviens mais pour ma part je m'en contente. Avant de faire guzumi, ce qu'on s'effrocera d'éviter, il faut savoir pourquoi le faire et si le jeux en vaut la chandelle : faire une mauvaise forme, pourquoi pas mais dans quel but? S'il y a un but alors tout est permis. Rappelons que la fin justifie les moyens. L'élégance doit parfois être sacrifiée au profit... du profit (quoique ce point se discute).

Je vais montrer un exemple où il est intéressant de faire guzumi (d'après : Mastering the Basics vol 3 - Making Good Shape - Rob van Zeijt, Richard Bozulich)

Voici la scène :

Blanc doit se protéger de la coupe en A. Tout d'abord, persuadons-nous de cela :

Supposons que Blanc en application (aveugle) d'un autre proverbe bien connu (faire hane à la tête de 2 pierres) joue comme suit :

Se faisant il a négligé de protéger la coupe en N16. Voyons la suite des événements (comme d'habitude cette suite va nous aider à trouver le coup correct pour Blanc) :

Donc N2 coupe puis sans suit la séquence jusqu'à B7. N8 capture les 2 pierres blanches en O16 et P17. La tentative de sauvetage par B9 est un échec : à N10 Blanc ne peut répondre par la connection en A car alors Noir capture en B (manque de libertés).

La réfutation de la séquence est dans N10. C'est là que blanc doit jouer et faire guzumi.

Observons cela :

Cette fois la réfutation n'est plus possible, la place est déjà prise par B1 qui au passage fait guzumi, mais pas de scrupule, ici guzumi a servi à protéger la coupe en N16. CQFD.

Verifiez s'il vous plait que si Noir joue en O19 cela ne marche pas.

Je voudrais revenir sur cette histoire de coupe dangereuse. Quand sait-on qu'une coupe est ou n'est pas dangereuse? Dans un premier temps, il faut repérer les points de coupe, c'est un exercice d'observation. Il faut ensuite lire, imaginer en esprit les coups à venir suite à la coupe. Plus cette lecture sera poussée, plus vous vous forgerez une conviction quand à la nature dangereuse ou non de la coupe en question. Au cours d'une partie, ne faites pas l'économie de cette exercice mental. A minima, lisez au moins une séquence de 3 ou 4 coups. On ne s'assoie pas devant un Goban avec légèreté... Tiens "légèreté", un concept stratégique du jeux à explorer. Mais c'est une autre histoire (et puis la route est longue).