Quelques portraits esquissés :
Diogène africain :
Vétu de guenilles invraissemblables qui le recouvrent de la plus extravagantes des manières, un Diogène Africain bien que je ne l'ai jamais entendu professer quelque parole que ce soit que j'aurais pu attribuer au Diogène historique. Erre dans les rues de la ville au milieu de la foule que son odeur tient à distance, une couverture revêtue comme une armure en guise de tonneau.
Robinson urbain :
Jeune Robinson tout en barbe se tenant compagnie à lui-même (*) soliloquant.
(*) La meilleure des compagnie peut-être car pour peu qu'on soit un peu conciliant envers soi-même on ne se déçoit jamais.
La déglinguée :
Femme, les cheveux peroxidés, la lèvre surmontée d'une moustache en puissance qui contribue pour une bonne part à sa laideur. Me tient des propos dont j'ai mis une demie minute à me rendre compte qu'ils étaient terriblement incohérents. J'ai cru qu'elle voulait engager la conversation. Elle se parlait à elle même, sa folie lui répondait, je ne comprenais pas sa langue. L'ai regardé dans les yeux la bouche entr'ouverte. Ai dû passé pour un imbécile.
Popeye :
"Chevauche" un vieux vélo tout rouillé à la trajectoire incertaine voire éthylique, sa face de Popeye au vent. Vie prêt de la ligne de chemin de fer au milieu des détritus qu'il entasse avec obstination. Abandonne sur place sa garde-robe "devenue idéale".
Le Paranoïaque :
Monte dans les wagons des trains à l'arrêt en gare avant le départ et tient le sempiternel même discours :
"J'accuse le parti communiste et son allié le parti socialiste ..."
N'ai jamais entendu de variantes à ce discours. Comique de répétition.
Chemise Hawaïenne :
Pilier d'un bar portuguais -le bar pas le pilier- en bord de Loire. Ne s'exprime que par grimaces et grognements. Porte de la manière la plus juste une chemise aux motifs hawaïens. Un rien le réjouit, ce qui me réjouit.
Aux aguets :
Même bar portugais. L'homme a l'haleine chargée d'alcool, me demande si ma fille est bien la mienne après que nos sommes revenus des toilettes où son jeune âge ma l'a faite accompagnée. Je réponds par l'affirmative et lui demande le pourquoi de sa question. Il lève l'index et tente de dire quelque chose mais en lieu et place remue son index d'un air entendu. Je n'y entendais rien pour ma part. Lui ai fait perdre sa contenance. Si j'avais su, me serait obstenu.
L'Eternel retour :
Vend un journal pour sans abris au sommet d'un escalator. Reste planté là, indifférent, à regarder passer le flux. Même non-activité depuis des années : n'ai jamais vu personne lui acheté un journal. Me suis mis à croire à l'éternel retour nietzschéen.
Nous nous faisons une guerre d'usure : lequel d'entre nous décrochera avant l'autre? Il y a une paire d'années de cela, il s'est mis à vendre avec son journal de petits bouquets de fleurs. Son regard me disait : "tu vois, moi je prends de l'ampleur, je me donne des opportunités". il a néanmoins dans cette petite guerre que nous nous livrons un désavantage : son âge bien supérieure au mien.
Peut-être un autre type m'observe tous les jours, au même endroit et m'a déclaré la guerre...
ps :
Ces esquisses de portrait n'ont pas pour but de rire des personnes dépeintes.
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Commentaires
Le Zélateur de la rue marchande
Grande rue marchande, allée de centre commercial à ciel ouvert où se presse la population désoeuvrée, occupant son temps libre à consommer jusqu'à plus soif. Un homme noir tiré à quatre épingles, chemise rouge à grand col, veste côtelée harrangue la foule tout en marchand à grandes enjambées : Jésus est le salut... Son prêche se perd dans le brouhaha de la foule. Passera bientôt inaperçu, fondu dans le pofond Néant dont il tente déséspérement de s'extirper en une vaine tentative.
Hassan le Fou
Hassan déambule dans la rue ghetto. Il invective les passants qui retiennent son attention pour des raisons mystérieuses. Ils s'adressent à eux d'une voie forte mais sans agressivité. On sent le type un peu fou, perdu, simple d'esprit ("heureux les simples d'esprit...". C'est sa folie qui l'amène à s'exprimer de la sorte : il doit parler fort, beaucoup, vite. Les autres, les sains d'esprit de sa communaué ethnique veillent sur lui, préviennent les dérapages. Il est l'un des leurs à part, il a sa place parmi eux qui est celle du fou.
Narcisse
Troquet de quartier d'une petite ville de province : type sec, des yeux bleus qui mettent mal à l'aise, en bleu de travail attablé seul mais tenant par intermittence des brides de dialogues improbables avec la patronne vieillie avant l'âge et un pilier de comptoir à l'état débriété avancé mais néanmoins sous un semblant de contrôle ( du genre de contrôle du type dont le coude glisse sur le comptoir, qui esquisse un sourir pendant qu'il s'effondre comme au ralenti ). Des propos en tout genre tenus pour lui même ou la compagnie que sa destinée aura bien voulu lui donner.
J'entends soudain alors que j'étais plongé dans je ne sais plus quelles considérations oiseuses :
J'en ai marre d'être beau, j'vais m'crever un oeil !
Amour et Société
Jeune mère de famille avec enfant d'environ 5 ans dans la rame du train bondé de vacanciers en partance. L'enfant s'agite selon une intensité croissante. Quand les cris et l'agitation de l'enfant semblent être à leur paroxisme, la mère interpelle la foule :
"Il est handicapé mental vous savez!!"
Fou ce que la gêne occasionnée par le non-dit d'une foule peut avoir comme effet. Et pourtant il était visible qu'elle aimait son enfant...